Amiante : apprendre des luttes en Italie

En Italie, la législation sur l'amiante a 5 ans d'avance sur celle de la France. Mais les problèmes posés par la réparation des dégats de l'amiante et par la protection des travailleurs et des populations restent très graves et ne sont pas réglés pour autant. A tel point qu'un journal italien écrit : " ainsi une loi, considérée comme une conquête des travailleurs, en vient à être utilisée par le patronat comme amortisseur social ".
Voilà ce que nous ont appris des syndicats de base italiens. Tirons donc les enseignements des luttes actuelles des travailleurs italiens, pour aller, avec eux, dans la défense de la santé, plus loin que ne le permet l'adoption d'une loi, même meilleure.

Une loi meilleure en Italie,

L'utilisation de l'amiante est arrêtée depuis mars 1992. C'est à cette époque que la loi ouvre le droit à une retraite anticipée pour qui a été exposé plus de 10 ans à l'amiante.
En 1994 une autre loi sanctionne les infractions à la préservation de la santé au travail.

mais une situation catastrophique

La loi du profit fait de l'Italie le premier pays européen pour la mortalité au travail.
L'Italie compte près de 1000 morts par an de cancer de la plèvre (caractéristique de l'empoisonnement à l'amiante). 130 villes sont répertoriées contaminées par l'amiante.

Deux exemples :

· A Bari, le taux de décès par tumeur maligne est 65% plus élevé que la moyenne nationale et le taux de maladies respiratoires 170% plus élevé.

· A Tarante, 100 000 travailleurs de la zone industrielle ont été exposés à l'amiante depuis les années 60. En plus d'une dizaine de morts chaque année par cancer dû à l'amiante, 200 femmes d'ouvrier sont malades des poumons.

Avec la loi on reste loin du compte

A Tarante, 12 000 travailleurs ont demandé le bénéfice des droits (à la retraite anticipée notamment) qu'ouvrirait la reconnaissance de leur exposition. Seules 5000 demandes ont été examinées et elles n'ont abouti qu'à 654 accords de l'Administration.
Dans toute l'Italie, sur 60 mille demandes, 51 mille ont été rejetées du fait des critères très restrictifs de la Sécu italienne (comme en France) et du fait des refus patronaux de reconnaître l'exposition réelle.

Les procès se multiplient contre les dirigeants d'entreprise, mais ils aboutissent à
des peines symboliques qui n'épinglent qu'une minorité de ces criminels.

A l'inverse,
des dizaines de syndicalistes qui dénoncent les responsables des infractions à la législation sont réprimés par leur Direction.

La loi condamne les infractions à la réglementation sur l'amiante, mais
l'Etat, de gauche comme de droite, privilégie l'allègement des charges patronales et refuse les moyens de faire des contrôles efficaces. Exemple : dans la région de Venize, seulement deux contrôleurs pour 5000 lieux de chantiers considérés à risque.

Souvent les employeurs ne reconnaissent le droit à la retraite anticipée aux travailleurs exposés qu'au moment où ils veulent supprimer des emplois, sans payer de plan social.

Enfin, la Commission Justice du Sénat a approuvé un projet de loi visant à dépénaliser les infractions à la loi sur la Sécurité au travail.

La lutte, encore et toujours la lutte depuis la base jusqu'au sommet !

Liés de près ou de loin au gouvernement, les grandes confédérations syndicales réagissent très mollement. Elles cautionnent
une loi qui divise trop les travailleurs entre ceux qui ont droit et ceux qui ne se voient pas reconnus.

L'opposition syndicale à la base se développe et commence à coordonner des luttes encore trop éclatées.
Ses revendications : le bénéfice de la retraite anticipée pour
tout travailleur exposé à l'amiante, même moins de 10 ans et même s'il ne l'a pas manipulé directement, à partir du moment où il se déclare exposé.
Son activité pour cela : des réunions publiques, des permanences pour regrouper les demandes et collectiviser les démarches, des rassemblements sous les fenêtres des administrations qui bloquent. Dans des usines Fiat par exemple, les syndicats exigent la carte du risque amiante, le retrait de l'amiante restant, la liste de tous les travailleurs exposés, même passivement, un suivi médical (y compris pour les membres de la famille) et la retraite anticipée.

Des grèves se déclenchent au sujet de l'amiante : à l'aciérie ILVA de Tarante (10 000 ouvriers), à la Centrale thermo-électrique de l'Enichem à Ravenne. Comme à Piombino, la ville de l'acier, en juin dernier, des villes deviennent villes mortes, un jour entier, suite au n-ième accident de travail mortel.

Mais la lutte locale ne suffit pas. Des manifestations nationales pour la santé au travail, l'emploi et la réduction du temps de travail regroupent de plus en plus de délégations de travailleurs du pays aux côtés de Comités de quartier et de l'Association des Exposés à l'Amiante.
Après Rome, Tarante en novembre 1997 : manifestation préparée par de nombreuses initiatives locales.
Résultats à l'aciérie de Tarante : la réouverture des dossiers rejetés, de nouveaux contrôles de la présence de l'amiante dans les ateliers et la reconnaissance de l'exposition pour certains métiers ou ateliers.
En juin 1998, une rencontre nationale à Tarante a mis à l'ordre du jour la préparation
d'une grève nationale dans les usines et les postes de travail touchés par l'amiante.

L'amiante était devenu problème de société par le nombre de vies humaines massacrées sur l'autel du profit et par le nombre de procédures judiciaires en résultant. En Italie, il devient une deuxième fois
problème de société par le développement de la lutte des travailleurs contre les patrons, l'Etat, les blocages de la Sécu et les syndicats collabos. En déplaçant son centre de gravité des tribunaux vers les usines, les quartiers et la rue, la lutte va à la racine du problème : l'exploitation, qui "consomme" les ouvriers comme des marchandises, au moindre coût.

Deux enseignements à tirer.

L'intérêt ouvrier n'est solidement défendu que par
la lutte déterminée à la base. Ni par une " bonne " loi, ni par de " bons " représentants. Pour que le gouvernement Jospin prenne des mesures plus radicales qu'il ne l'a prévu, il va falloir développer la bagarre dans tous les lieux de travail touché par l'amiante.

La lutte à la base ne suffit pas. Il faut
coordonner, diriger et élargir la contestation. Eviter le piège de la division inhérent à toute loi particulière à l'amiante. Elargir à la santé au travail et dans la ville. Aller à la racine. Mais pour ça, ne faut-il pas reconstruire des organisations syndicales et politiques vraiment pour la classe ouvrière? Oui des organisations politiques, car si la société est malade de l'amiante, c'est la loi du profit et pas seulement l'amiante qu'il faut éliminer.

fin septembre 1998

Disponible à notre boite postale : un dossier sur les luttes contre les dégâts de l'amiante.

 

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