Socialisme Affronter les leçons du passé Le 17 avril va s'ouvrir à Pnom Penh le procès de deux dirigeants des Khmers Rouges. Deux ans après la mort de Pol Pot, puis la reddition des derniers militants, la guerre et les massacres au Cambodge au cours des années 70 reviennent au premier plan de l'actualité. Il nous faut à la fois corriger les nombreuses bêtises qui se disent toujours à ce propos, mais aussi accepter de regarder l'Histoire en face. En effet, en 1975, tous ceux qui se prétendaient progressistes et révolutionnaires ont fêté l'arrivée des Khmers Rouges au pouvoir et beaucoup (dont le courant marxiste-léniniste dont nous faisons partie) ont fermé les yeux sur les massacres qui ont suivi. AVERTISSEMENT
Comment se fait-il Que les Khmers Rouges soient arrivés au pouvoir ? Pour bien répondre, il faut comprendre que
l'Histoire ne commence pas avec leur entrée dans Pnom
Penh le 17 avril 1975. Depuis des années, la guerre
du Vietnam faisait rage, et chaque année l'engagement
américain était plus massif. Le Cambodge
était massivement bombardé par l'aviation US
pour tenter de couper la "piste Ho Chi Minh" qui sillonnait
la jungle cambodgienne pour alimenter la guérilla du
Sud du Vietnam depuis le Nord. En mars 1970
déjà, l'intervention US avait abouti à
un coup d'Etat pour déposer Sihanouk et mettre en
place le dictateur Lon Nol, le premier étant
jugé trop mou dans le combat contre les
"communistes".
Y a-t-il eu une révolution au Cambodge ? Oui bien sûr, comment appeler autrement un
soulèvement populaire armé de toute une
population ? Ce qu'il faut, c'est comprendre de quelle
révolution il s'est agi et c'est cela qui n'a jamais
été regardé à l'époque.
En effet, les militants étaient aveuglés par
la défaite de l'impérialisme américain
et le discours pseudo-marxiste des Khmers Rouges. Enfin, il faut souligner aujourd'hui que ce
caractère paysan de la révolution était
théorisé par les dirigeants Khmers Rouges, par
exemple Pol Pot. Il ne s'agit donc pas de "bavures" ou de
glissements, mais bien d'une conception du monde où
ce sont les paysans qui dirigent en tout: c'était une
dictature paysanne. Tous ceux qui se réclament du
communisme savent pourtant bien depuis Marx que les paysans.
peuvent apporter leur force et leur nombre à une
révolution sociale, mais que leur attachement
à la terre et à la propriété est
un frein réactionnaire à la libération
de toute la société. Ils doivent donc
être entraînés dans une révolution
anti-impérialiste, anti-féodale (le
féodalisme était extrêmement pesant dans
le Cambodge de Sihanouk), mais sur une orientation
progressiste qui donne les meilleures conditions pour
préparer la révolution socialiste. C'est bien
alors le rôle des dirigeants véritablement
communistes de savoir entraîner les masses paysannes
à partir de leur exploitation, sans se soumettre
à leurs idées souvent
réactionnaires.
Y a-t-il eu "génocide" au Cambodge ? Non, on n'a pas le droit d'utiliser ce mot. Des massacres
de masse, c'est clairement établi, entre 1 et 2
millions de morts selon les estimations. Si l'on peut
contester ces chiffrages de la propagande
impérialiste, ce n'est qu'en admettant, en premier
lieu, que ces massacres massifs ont bien eu lieu, les
charniers et les témoignages incontestables
étant là pour les attester. Il y a bel et bien
eu massacre systématique des Vietnamiens, des
intellectuels puis de tous les récalcitrants.
L'idéologie paysanne est radicale et violente, et
elle ne s'embarrasse pas de subtilités et du souci de
résoudre pacifiquement les contradictions au sein du
peuple.
L'évacuation des villes a-t-elle été un acte monstrueux ? C'est une question compliquée. Dans tous les pays
dominés de ce qu'on appelle le Tiers-Monde, la
domination impérialiste provoque la ruine des paysans
et leur afflux dans les villes, les bidonvilles en sont
l'illustration, avec leur cortège de misères
et de déchéances. Regardons aujourd'hui
Mexico, Lima, Lagos ou Calcutta. Les villes gonflent alors
de manière artificielle et cet afflux provoque
à son tour de nouveaux problèmes :
impossibilité de nourrir cette population,
insuffisance du travail, pollutions et pénuries,
corruption, prostitution, délinquance. De plus, au
Cambodge, cette situation avait été
accentuée jusqu'à la caricature par le
regroupement forcé des populations dans des "hameaux
stratégiques", pour faciliter les bombardements et
isoler la population de la guérilla. Ainsi, la ruine
de la campagne avait été totale, le pays
devait même importer du riz alors qu'il était
autosuffisant avant la guerre.
Les Khmers Rouges étaient-ils "maoïstes" ? Non, car leur orientation n'avait aucun caractère
marxiste au delà du verbiage très à la
mode à l'époque, aucun caractère
dialectique dans la résolution des contradictions
à la différence de la révolution
chinoise, aucune référence à la
révolution sociale et son rapport à la
question paysanne. Par ailleurs, les Khmers Rouges avaient
condamné la révolution culturelle en Chine.
D'une certaine manière, on peut faire le
parallèle avec les régimes dits
"marxistes-léninistes" d'Afrique des années
70, bien entendu les massacres en plus. L'erreur de tout le
mouvement de soutien (à l'époque) a
été son manque d'esprit critique, de ne pas
voir que le discours ne reflétait pas le
fond.
L'extrême gauche maoïste a soutenu les Khmers Rouges ? Oui, et c'est son erreur. Le mouvement de soutien a
été aveugle sur les faits, alors même
que les témoignages non contestables existaient ( en
particulier parmi les militants vietnamiens). Il a
été suiviste à l'égard de la
Chine, il a manqué d'esprit critique et d'autonomie,
les militants n'avaient pas encore bien rompu avec nombre
d'idées fausses. Par exemple, nous avions du mal
à comprendre la différence qui existe entre un
mouvement populaire, une révolte juste qu'il faut
soutenir, et l'appréciation que l'on doit avoir de la
direction de ce mouvement. * A.Desaimes, J. labeil . |
Note des EP:
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