EP-Infos n°13 -juillet août 2000- pages 5 à 24 

 

Quand la bourgeoisie parle des khmers rouges, elle parle d'horreur ou de génocide..., le P " C " F en parle aussi du même point de vue, et parle de stalinisme ou de maoïsme....
Tout ce sang, toute cette horreur mise en avant ne doit pas nous empêcher de réfléchir sereinement et de faire nous-même notre propre bilan. Bilan qui ne se place aucunement sur le terrain de la bourgeoisie. Ce bilan ne se fait pas n'importe quand, ni par n'importe qui.

(ce dossier d'EP-Infos a été réalisé par des membres du Comité de Rédaction).


Que disent-donc les marxistes-léninistes ?
Nous devons faire une critique des Khmers rouges du point de vue politique, et en tant que communistes. Cette partie de l'histoire humaine ne doit être ni déformée ni occultée.
La question de la politique mise en pratique par les khmers rouges entre 1975 et 1978, n'a pas souvent été traitée par les communistes marxistes-léninistes.
En fait, il n'y a pas tellement de textes (marxistes-léninistes) d'analyses sur cette question. Si des camarades ou des lecteurs d'EP-INFOS ont plus d'éléments qu'ils nous le disent.

 

Partisan 147 (n°2) avril 2000 a publié un article signé de A. Desaimes et J. Labeil, dans la rubrique " Socialisme Affronter les leçons du passé ", sous le titre " Questions et réponses sur les Khmers Rouges ".

L'article de Partisan, n'insiste pas suffisamment sur :
-- le rôle essentiel de la théorie des 3 mondes, dans le soutien de l'époque.
-- l'analyse des différentes périodes d'actions des Khmers rouges, ni d'articulation historique.

 

Dans l'introduction de l'article de Partisan, il est rappelé que " la guerre et les massacres au Cambodge au cours des années 70 reviennent au premier plan de l'actualité. Il nous faut à la fois corriger les nombreuses bêtises qui se disent toujours à ce propos, mais aussi accepter de regarder l'Histoire en face. En effet, en 1975, tous ceux qui se prétendaient progressistes et révolutionnaires ont fêté l'arrivée des Khmers Rouges au pouvoir et beaucoup (dont le courant marxiste-léniniste dont nous faisons partie) ont fermé les yeux sur les massacres qui ont suivi.

La notion de soutien, apparaît de nombreuses fois dans l'ensemble de l'article. Cette notion en est même le sujet central.
-du soutien de la population au soutien populaire (1)

-du soutien à une révolution populaire au soutien à une organisation réactionnaire (2)

-du soutien aux erreurs graves (3)

-du soutien des Maoïstes à l'autocritique du soutien (4) 

Nulle part dans l'article les auteurs n'indiquent en quoi a consisté le " soutien " des orgas ML de l'époque.

 

Le soutien, quel soutien ?
        Parler d'une façon indifférenciée de soutien aux Khmers Rouges n'est pas juste. L'article de Partisan de ce point de vue-là, ne nous éclaire pas. Le " soutien " des organisations ML en France, a été surtout idéologique et politique. Il a été parfois financier (collecte). Il a consisté aussi, à appuyer la reconnaissance diplomatique du régime Khmer Rouge au Cambodge (appelé aussi Kampuchéa Démocratique). Pour comprendre et ne pas tout mélanger, il importe de bien situer de quelle période on parle. S'agit-il d'avant la prise du pouvoir (avant 75) ?, s'agit-il de la période 75-79 ?, s'agit-il de la période 79 (à partir de l'intervention Vietnamienne) ?
L'intro de l'article de Partisan nous indique qu'il s'agit de l'après 1975. Précisons que le Vietnam est intervenu en Janvier 79 au Cambodge, sous le motif de lutter contre les crimes perpétrés par le régime des Khmers Rouges (Kampuchéa Démocratique).
        La justification du soutien par les marxistes-léninistes, quand la question s'est posée au moment de l'intervention du Vietnam au Cambodge en 79, était liée à la situation internationale et l'indépendance nationale au Cambodge. Le soutien de l'époque était presque exclusivement la conséquence de l'analyse et des interprétations de la théorie des 3 mondes (peut être devrons-nous expliquer dans un prochain n° d'EP-I en quoi consistait cette théorie ? ).
À la question, les Khmers Rouges étaient-ils " maoïstes " ?, les 2 auteurs après avoir répondu par la négative et expliqué que les KR avaient condamné la révolution culturelle en Chine, notent rapidement : " Pourtant, il ne sert à rien de tourner autour du pot : la confusion a été renforcée car les Khmers Rouges ont été soutenus par la Chine, bien avant la mort de Mao Tsé Toung. Pour des raisons de géopolitique peu glorieuse. "

Dans ce dossier d'EP-I, développons 3 aspects pour une analyse marxiste-léniniste : 

A- Comment différents organes de presse parlaient du Cambodge en 1975 ?
B- La question du soutien " Pour des raisons de géopolitique ".
C- Les analyses critiques de la part de groupes ou partis marxistes-léninistes. 

A- Comment différents organes de presse parlaient du Cambodge en 1975 ?

Avant d'aborder la question du soutien " Pour des raisons de géopolitique " ou les analyses critiques de la part de partis marxistes-léninistes, il nous faut préciser comment différents organes de presse parlaient du Cambodge en 1975 ?
  Dés 1975 (mais aussi avant pour certains...) un " soutien " tacite existait sur la question cambodgienne de la part des partis marxistes-léninistes de l'époque et de tout un courant progressiste (qui avait dénoncé les crimes US pendant la guerre du Vietnam).
À la fin de la guerre du Vietnam, l'impérialisme américain a subi une défaite qui lui a été imposée par un tout petit peuple. 

Quand la " presse " se déchaîne 

    Les vaincus déclenchent une campagne médiatique de haine contre ceux qui ont " oser lutter , oser vaincre ". La " presse " se déchaîne de L'AURORE au FIGARO en passant par le torchon fasciste MINUTE qui en couverture annonce en titre " Sommes-nous encore capables de défendre nos nationaux ? " "les otages de Phnom Penh " " chantage au silence. Massacres en ville. Un camouflet pour la France " " Quatre millions de citadins jetés sur les routes. Le Cambodge livré à une impitoyable révolution paysanne. 300 cadavres, gorge ouverte, sur le marché de Phnom Penh ".
Les communistes marxistes-léninistes devant ce déferlement de haine de la part de ceux qui ont constamment fait silence sur la réalité de cette guerre (massacres, bombardements, destruction au napalm etc...) réagissent dans leurs organes de presse d'alors. L'hebdomadaire FRONT ROUGE organe central du PCRml (5) dans son n°156 du 15 Mai 1975, riposte en publiant en page 8 plusieurs articles " Dénonçons les calomnies et les ragots de la presse bourgeoise ! " " La presse bourgeoise et le Cambodge: intoxication, falsification " " De curieux 'otages'... " " Minute: Pour une opération 'Talon Wise'...'Made in France' (6) ".

 

" La Gueule Ouverte " critique le FIGARO

    L'hebdomadaire écologiste " La Gueule Ouverte " publie un article signé Arthur dans son n° 53 de Mai 1975, intitulé " MAI 75 AU CAMBODGE ", cet article critique la campagne de la " presse " française et D'Ormesson patron du FIGARO, il dénonce déjà les fausses informations, les " médiamensonges " bien avant la guerre du golfe ou Timisoara !
Voici de larges extraits de ce qu'il écrivait " Depuis huit jours, la presse française chauffait ses lecteurs à blanc : au Cambodge, il se passait des horreurs pas racontables, des pogroms de blancs tout-à-fait insoutenables. La vie des " otages " était en danger. On ne pouvait rien vous dire encore sous peine d'extermination des réfugiés de l'ambassade. Mais dés que le dernier rat aurait franchi la porte de la dernière écoutille, alors là, vous alliez être servis. On l'à été. Vendredi matin, la première édition du Figaro levait enfin la " censure humanitaire " que respectaient nos zenvoyés spéziaux : " 300 cadavres, gorges ouvertes, sur le marché de Phnom Penh , des filles violées au tesson de bouteille ". C'était du grand " Hara- Kiri ". Le figaro de vendredi ne fut pas mis en vente en province. On tira vite fait sur une seconde édition expurgée de ces fracassantes révélations. Car c'était une fausse nouvelle. Le journal de M. D'Ormesson avait pris ses désirs pour des réalités. M. D'Ormesson apologiste de la haine, du meurtre et du mensonge, est toujours en liberté.
M. D'Ormesson a montré les fonds de culotte de son libéralisme mondain. C'est pas beau à voir.
N'empêche qu'à Phnom-Penh, un grand vent mauvais a défriché la civilisation occidentale. Les Khmers rouges ont passé les bornes de l'ignominie.
     L'évacuation des blancs, à défaut des viols et des carnages attendus par les lecteurs du Figaro ou de France-Soir, a été du dernier pénible : les moustiquaires ! Oui, ils ont été privés de moustiquaires ! On les a contraints à boire de l'eau du Mékong, leurs habits de rechange étaient fripés, les blanchisseries étaient fermées, les khmers rouges se taillaient des sandales dans les pneus des Mercédès, on a trimbalé nos altesses dans des camions mal suspendus, pas climatisés, sur des pistes boueuses. Les zenvoyés spéziaux mal rasés, la voix nouée, ont fait d'hallucinants récits de cet exode dantesque et le consul de France a résumé l'horreur de la situation d'un mot : " on est plus des hommes ". Sous-entendu : on nous traite comme des bêtes.
        Pendant des années, les " coopérants " blancs de ces pays asiatiques ont vécu dans le velours, pillant ces terres hospitalières peuplées de gens nonchalants, couvrant tous les massacres de jaunes, bénissant les bombardiers de leurs goupillons civilisés-chrétiens, fastueuses orgies de piastres et de petites putes expertes. Et on les prive de moustiquaires !
        Pendant des années, les journaux occidentaux, tous les journaux, ont appelé les nazillons Thieu et Lon Nol " Monsieur le président " et ont couvert d'anathèmes sanglants les fourmis rouges qui crevaient dans les rizières pour chasser l'envahisseur. Et aujourd'hui que les cruels soldats khmers triomphent, on prive ces journaux de sensationnel : pas d'exécutions sommaires, pas de bain de sang, même pas un demi-viol, rien que la traditionnelle hospitalité cambodgienne rendue austère par le radicalisme des khmers qui ont raccompagné leurs bourreaux à la frontière, sans méchanceté, mais fermement. Les journalistes frustrés remballent leurs adjectifs flétrisseurs. Ce sera pour la prochaine révolution…
    Mais par contre, quelle leçon de ces paysans khmers en guenilles, de ces révolutionnaires en culotte courte, de ces paysans déportant une ville entière à la campagne dans le pur style Alphonse Allais.
Si massacre il y eut, ce fut un massacre des symboles, un massacre de l'objet. Une révolte radicale, prolongement de la révolte noire de Watts au USA et en quelque sorte aussi de mai 68 en France, contre la société de consommation, contre ce règne de la pacotille où trône la marchandise. Là est le vrai sacrilège pour un esprit occidental (bourgeois ou non). On peut exécuter, fusiller, violer, ce sont là les règles d'un jeu où la " civilisation " occidentale n'a pas donné sa part aux cochons, à croire qu'elle l'a inventé, ce jeu, avec ses millions de morts-pour-des-prunes dans les dernières guerres mondiales, avec Hiroshima et ses radieux prolongements dissuasifs. Mais piller les magasins, brûler les bagnoles, pisser sur le matériel hifi, casser les montres, bref tourner le dos au " progrès industriel " et au catalogue de la Redoute réunis, alors là, c'est vraiment un CRIME * " (…)* " Faudrait pas pousser bien loin l'analyse pour voir également le communisme occidental condamner ses actes impies. Si " L'HUMANITE " relève fort justement la crapulerie du " FIGARO ", elle ne dit rien du sens exacte de la révolution cambodgienne. Les khmers ont défoncé au bulldozer l'ambassade d'URSS. ''Du passé, faisons table rase''. C'est Marx et Lénine qui serait heureux !. ". (article complet de la GO n°53)

B- La question du soutien " Pour des raisons de géopolitique "

Pendant la période 75-78, le PCML (7) va apporter son soutien total au Kampuchea Démocratique. Une délégation du PCML va être reçue par les dirigeants du Parti Communiste du Kampuchéa. Cette délégation qui a séjourné du 9 au 16 septembre 1978 était la première délégation française à se rendre dans ce pays, depuis la libération de Phnom Penh, le 17 avril 1975. Le soutien au PCK se fera principalement sur la base de la " théorie des 3 mondes " chère à l'Etat chinois (n'oublions pas l'intervention de l'armée chinoise au Vietnam qui aura lieu en février 1979 ) et au nom du combat contre " la superpuissance social-impérialiste soviétique " notamment représentée en Asie du Sud-est par le Vietnam considéré comme " expansionniste " et agent de l'URSS. C'est à cette époque que des " tensions " des " agressions " ont lieu à la frontière entre le Vietnam et le Cambodge. Ce qui se traduira par une intervention militaire directe du Vietnam au Cambodge. 

" Prolétariat " (8) n° 18 quatrième trimestre 1978, titre " Asie du sud-est jusqu'où ira le Vietnam ", dans son édito nous pouvons lire en page 5 " Les impérialistes américains ont été chassés du Vietnam, du Laos, et du Kampuchéa depuis plus de trois ans ; ils ont perdu du terrain dans d'autres pays de la région qui furent autrefois leurs avant-postes. L'heure de la paix et de la sécurité a-t-elle enfin sonné dans le Sud-est asiatique ? Nullement. Dans le cadre de sa stratégie de domination mondiale, le nouvel impérialisme soviétique s'efforce de s'infiltrer dans la région et de la contrôler : c'est la cause principale des troubles et des tensions qui l'agitent ces derniers mois. L'histoire est dure aux peuples d'Asie du Sud-Est; hier sorti victorieux d'une guerre dévastatrice et meurtrière, le peuple du Kampuchea doit aujourd'hui reprendre les armes pour défendre l'indépendance de son pays. Ce faisant, il se tient à l'un des premiers fronts de la lutte anti-hégémonique aujourd'hui. Cette fois encore, le soutien de notre Parti lui est acquis sans réserves : il faut organiser sans attendre la solidarité à sa lutte. " (…) " Mais les choses ne sont pas si simples. Depuis le printemps 1975, une campagne sans précédent s'est déchaînée contre le Kampuchea Démocratique en Occident, et particulièrement dans notre pays. Comme les révolutions soviétique et chinoise en leur temps, la guerre de libération victorieuse, du peuple du Kampuchéa, sa révolution socialiste engagée sont aujourd'hui couvertes de saletés abjectes, de mensonges grossiers et stupides, d'injures et de haines. Rien n'y fait, ni les témoignages directs de ceux qui reviennent du Kampuchea Démocratique, ni les indications de ses propres dirigeants : on déforme les faits, on calomnie à longueurs de colonnes et d'antennes.

        Il y a bien une mauvaise intention là derrière. Or au même moment, alors que cette campagne reprend de plus belle en ce début d'automne 1978, des divisions vietnamiennes se pressent à la frontière du Kampuchéa, un pont aérien de Moscou à Hanoï débarque du matériel militaire et des ''conseillers'', les troupes vietnamiennes multiplient les incursions et les préparatifs pour une nouvelle agression d'envergure. "
la suite de l'article revient sur la campagne médiatique " anti-cambodgienne " et dénonce par avance la future intervention du Vietnam au Cambodge. 

" Comment ne pas voir dans ces faits plus qu'une simple coïncidence ? La campagne anti-cambodgienne n'est nullement innocente en effet. On crie au ''génocide'', à la ''dictature sanguinaire'' des communistes Khmers, on s'en prend à ses dirigeants, et si demain les troupes vietnamiennes occupent Phnom Penh, on acclamera les ''libérateurs'' ! le tour sera joué et on n'y aura vu que du feu ici ; les dirigeants vietnamiens et leur soutien soviétique auront occupé le Kampuchea en toute impunité ! Tel est le sens de la campagne anti-cambodgienne actuelle ; c'est une préparation idéologique à l'agression du Kampuchea. le procédé est vieux comme l'impérialisme : ne l'a-t-on pas pratiqué de longues années pour masquer l'agression américaine au Vietnam ? Combattre avec force et patience cette campagne aujourd'hui encore, c'est contribuer à rompre l'isolement du Kampuchéa en Europe, c'est trouver des soutiens à sa cause d'indépendance, c'est l'une de nos tâches. ".

Toute la logique du soutien que certaines organisations ml (dans la logique de l'Etat Chinois ) vont accorder au PCK (9) (Khmers Rouges) est décrite dans l'édito de 'Prolétariat' :

-la lutte contre le " nouvel impérialisme soviétique " qui devient l'ennemi principal.
-la lutte " anti-hégémonique " contre le social-impérialisme soviétique, avec comme conséquences l'alliance avec l'impérialisme américain, le soutien à l'union des bourgeoisies européennes etc…
-la campagne " anti-cambodgienne " de " mensonges grossiers " de 1975 est la même que celle de 1978. Elle ne sert qu'à masquer et justifier l'occupation Vietnamienne du Cambodge, car celui-ci s'oppose à " l'hégémonisme soviétique " et son pion dans la région " l'expansionnisme vietnamien ".
- tous ceux qui ne soutiennent pas le régime Khmer Rouge sur le plan diplomatique - politique - militaire - sont des alliés du social-impérialisme soviétique qui prépare la troisième guerre mondiale. 

Quand l'URSS par la suite interviendra en Afghanistan, toute cette logique sera confirmée, et il sera très difficile dans ce contexte d'analyser la politique des Khmers Rouges sereinement.

 

C- Les analyses critiques de la part des marxistes-léninistes.

Voici 2 textes :

a) Un article extrait de " LA VIE DU PARTI " bulletin intérieur du PCRml n°37 (mai 1979).

b) Un article du Groupe pour la fondation de L'UCFML (mai 1980). 

Il va de soi, que ces articles sont à replacés dans leur contexte, et qu'ils illustrent comment la répression menée par les Khmers Rouges était analysée par une partie des ML en France.

 

a) Article du PCRml extrait de " LA VIE DU PARTI " n°37 (mai 1979).

 A propos du P.C.K.

    Le Comité Central a examiné les interrogations qui peuvent exister sur la nature même du PCK (Parti Communiste du Kampuchéa), compte tenu surtout des erreurs qu'il a pu commettre et qui ont été largement répercutées si ce n'est démesurément amplifiées par les moyens d'information.
    Nous devons écarter toute démarche métaphysique qui consisterait à décerner le " label " de communiste, à partir d'une série de critères préétablis auxquels il faudrait se conformer. Nous savons que l'édification d'un parti communiste n'est pas quelque chose de figé, de donné d'emblée, qu'il s'agit de tout un processus, d'une lutte permanente.
    A partir du moment où un parti, comme le PCK, se réclame du marxisme-léninisme, se fixe dans son programme, comme objectif, l'édification du socialisme, la dictature du prolétariat pour l'avènement du communisme, nous devons examiner sa pratique, sa participation, depuis sa création (1960) à la lutte de classe dans son pays, les tâches révolutionnaires qu'il a prises en main en les rapportant aux conditions concrètes du pays, à chaque étape.
Pour apprécier la pratique du PCK, il est donc nécessaire de prendre en compte ses différents aspects, à chaque moment dans l'ensemble de son histoire.
Rappelons quelques données. 

LA PERIODE DE LA RESISTANCE A L'IMPERIALISME US

D'abord, la résistance opposée à l'intervention directe de l'impérialisme US durant cinq années de 1970 à 1975, à l'ampleur des moyens de destruction et d'extermination mis en œuvre par celui-ci, la rapidité - " surprenante " pour les observateurs - avec laquelle l'essentiel du territoire fut libéré, moins de deux ans après le coup d'Etat pro-américain de Lon Nol, la capacité manifestée pour déjouer les manœuvres de subversion de l'URSS, tout cela ne peut s'expliquer indépendamment du rôle joué dans la conduite de la lutte, par le PCK. 

La naissance du PCK, dont le congrès de fondation, tenu clandestinement à Phnom Penh, date de septembre 1960, sanctionne une victoire du mouvement communiste du Kampuchéa pour affirmer son autonomie, sa liberté de conduite, hors des pressions extérieures. Si les premières forces communistes au Kampuchéa son apparues dans le cadre du PC indochinois, crée en 1930 par Ho Chi Minh, il est vrai que jusqu'à la fin des années 50, elles ont toujours été tributaires semble-t-il des prétentions vietnamiennes, à régenter le mouvement communiste dans les trois pays indochinois, prétentions qui reflétaient sans doute, aussi bien les déviations de type chauvin que des habitudes du mouvement communiste international à désigner dans chaque région du monde, des partis-pères, coiffant les autres partis.
    Le regroupement de militants tels que Saloth Sar (ou Pol Pot), Hou Youn, Kieu Samphan, etc…, qui n'avaient pas suivi la voie des militants communistes kampuchéans, rejoignant le Vietnam du Nord, après les accords de Genève de 1954, ou celle des militants se fondant purement et simplement dans le régime de Sihanouk après ces accords, jouera un rôle déterminant dans la fondation, en 1960, du PCK.
Dans son premier congrès (1960) le PCK fixant comme objectif premier la réalisation de la révolution nationale et démocratique, se livra, en se référant au marxisme-léninisme, à une analyse de classe de la société du Kampuchéa, et définit la tâche de rassembler toutes les forces du peuple en un vaste front uni dirigé contre l'impérialisme US qui, dés ce moment-là, multipliait les manœuvres portant atteinte à la souveraineté du pays.
Désignant la paysannerie comme force principale, et la classe ouvrière comme force dirigeante, le PCK appelait à constituer un Front incluant les personnalités patriotes, dont Sihanouk. Dans les années 60, le PCK sera partie prenante des luttes politiques de masses de plus en plus importantes, dans les villes et les campagnes, dirigées contre le féodalisme et l'impérialisme. C'est dans cette période que vont apparaître à l'initiative des communistes les premiers foyers de guérilla. Face aux pressions croissantes de l'impérialisme US et au peu de garanties offertes par le régime de Sihanouk au sein duquel les forces pro-américaines tentaient de limiter de plus en plus la marge de manœuvre du prince, la lutte armée va être déclenchée au début de 1968. Des militants qui, tels Kieu Samphan, participaient dans le cadre du travail légal, au régime de Sihanouk, prennent alors le maquis. 

FRONT UNI, ET LUTTE ARMEE 

La constitution de bases d'appui, de zones de guérilla sur une partie du territoire, comptant jusqu'à un million de personnes (sur 8 millions d'habitants), la formation d'unités combattantes, - réalité incontestée - fourniront une base matérielle précieuse au rapide développement de la guerre populaire, lorsque les Etats-Unis interviendront directement, avec leurs fantoches de Saïgon, et de Phnom Penh, à partir de mars 70…
    Et lorsque le 23 mars 70, Sihanouk proclamera à Pékin la formation du FUNK (10) et du GRUNK (11), les dirigeants du PCK répondront aussitôt positivement à cette initiative qui contribuait notablement à la politique de Front Uni qu'ils entendaient développer. Cette politique, combinée avec le développement de la lutte armée, sera dirigée à l'intérieur du pays par le PCK, dont l'impulsion pèsera de manière décisive dans la réalisation des conditions de la victoire. Les premiers pas de la lutte armée avant 70, puis la part prise ensuite par les communistes kampuchéans dans la lutte, contribueront aussi à ce que rapidement le gros des combats, au Kampuchéa avec l'impérialisme US, soit le fait non d'unités des forces de libération vietnamiennes utilisant le territoire du Kampuchéa, mais de l'armée populaire du Kampuchéa. Le PCK a certainement joué un rôle déterminant pour maintenir ferme la ligne de résistance dans les moments les plus critiques comme le premier semestre de 73 où le peuple kampuchéan avait à faire face aussi bien à la concentration sur le Kampuchéa des bombardements US en Indochine (après les accords de Paris entre les Etats-Unis et le Vietnam) qu'à la multiplication des manœuvres de l'URSS -qui maintiendra jusqu'à la libération de Phnom Penh, ses relations avec les fantoches- pour mettre sur pied une prétendue " troisième force ".
    La libération de Phnom Penh de la domination US, le 17 avril 1975 -deux semaines avant la défaite américaine à Saïgon- résultat d'une longue offensive dont le plan -devait être mis au point en juin 1974 par le Comité Central du PCK- marquera une étape nouvelle dans la lutte du peuple du Kampuchéa. 

AVRIL 1975 : UNE NOUVELLE ETAPE 

        La période qui s'ouvre, et qui va de la libération de Phnom Penh en avril 1975, à l'invasion vietnamienne de janvier 1979, est celle visée par la plupart des critiques ou des condamnations portées contre le PCK.
    Les tâches qui se présentent à ce moment sont celles de l'édification d'une économie indépendante, l'ébauche de la construction d'une société socialiste, dans un pays qu'il faut relever de ses ruines et d'une misère que la guerre a décuplée. Le pays a été dévasté par la politique de " terre brûlée " des Américains, tandis que la moitié de la population, fuyant les bombardements US, d'une intensité inouïe, s'était regroupée dans Phnom Penh, ou à ses abords immédiats. 

UNE LUTTE CONTRE LES RAPPORTS D'EXPLOITATION 

De fait, la lutte engagée à partir d'avril 75, pour l'édification du pays, vise clairement la liquidation de toutes les tares léguées par la société féodale, et de toute forme d'exploitation. Il n'est pas anodin d'observer que parmi les accusations portées contre le régime du Kampuchéa démocratique, s'il est fait état de " méthodes dictatoriales ", il n'est jamais question de la constitution d'une nouvelle caste ou classe privilégiée, les critiques évoquent plutôt volontiers, à propos des dirigeants, un mode de vie " spartiate ".
Cela reflète assez la difficulté à trouver trace dans la politique menée à partir de 75, du développement de nouveaux rapports d'exploitation, prenant la place des anciens. Si la voie choisie après 75 n'était pas celle de la tentative utopique de réaliser une société purement agraire, ou de rétablir une sorte de société féodale, elle n'était pas non plus celle de la constitution d'une société de type capitaliste d'Etat. Et il est à noter les succès très importants pour l'amélioration des conditions d'existence du peuple, remportés dans divers domaines. Par exemple la suppression de la famine, liée notamment au développement considérable de la production de riz, depuis la libération de 75, au point de pouvoir commencer à en exporter à partir de 77, et de créer ainsi une source de rentrée de devises ; la suppression de l'analphabétisme ; l'élimination du paludisme, etc…
    Ces résultats, à porter à l'actif du bilan de trois années du Kampuchéa démocratique, sont d'autant plus significatifs qu'ils n'ont pu être obtenus que sur la base de la mobilisation, en toute indépendance, du peuple du Kampuchéa. La volonté d'indépendance manifestée dans la tentative d'édification d'une société nouvelle est le prolongement de la ligne de conduite indépendante qui avait prévalu dans toute l'étape précédente de la guerre de libération. L'acharnement mis par les expansionnistes vietnamiens dans leurs agressions contre le Kampuchéa, l'ampleur des moyens que ceux-ci ont mis en œuvre, l'aide et l'encouragement considérables qu'ils ont reçu pour leurs entreprises, de la part des sociaux-impérialistes soviétiques, ne témoignent-ils pas du caractère indépendant de la politique du Kampuchéa démocratique, de l'obstacle que celui-ci représentait pour les tentatives des hégémonistes, de main-mise sur la région, de la contribution que le Kampuchéa démocratique apportait ainsi au mouvement des non-alignés.

DES ERREURS ULTRA GAUCHISTES 

C'est dans le cours de cette lutte menée par le PCK, qu'ont été commises de graves erreurs, qui paraissent relever pour l'essentiel du gauchisme.
Egalitarisme, tentative de " communisation " rapide de la société par une anticipation gauchiste brûlant les étapes nécessaires, ne prenant pas en compte les contradictions au sein du peuple, assimilées trop souvent à des contradictions avec l'ennemi : voilà qui semble avoir marqué fortement la pratique du PCK, dans le cours de sa tentative d'impulser l'édification d'une société nouvelle, indépendante, socialiste.
Certaines manifestations concrètes de ces déviations gauchistes dans la politique du PCK sont bien connues. Par exemple la suppression pure et simple de la monnaie dans les échanges ne prend pas en compte l'état de développement de la base économique, les contraintes, les lois qui la régissent et fait comme si on pouvait les surmonter par un effort volontariste. De même pour la suppression des salaires, qui en découle. Les réponses apportées sur ce point par les dirigeants du Kampuchéa, dont le secrétaire général Pol Pot, lors de la visite de la délégation des journalistes yougoslaves notamment ne paraissent guère satisfaisantes : justifier cette mesure par ce qui pouvait exister dans les zones libérées, durant la guerre de libération contre l'impérialisme US, l'envisager non comme provisoire mais comme durable, apparaissent en décalage par rapport aux exigences concrètes de l'étape. L'évacuation de la population de Phnom Penh et des autres villes, telle qu'elle s'est effectuée, semble bien aussi participer du même type d'erreur. Réduire les effectifs de la population des villes était évidemment une mesure indispensable, une question de survie : si l'on prend le cas de Phnom-Penh, la capitale, elle avait vu sa population passer en quatre ans entre 70 et 75 de moins d'1 million d'habitants à 4 millions, la moitié de la population totale du pays. Il va de soi que ce gonflement artificiel de la capitale, conséquence de la guerre américaine qui faisait fuir la population des zones bombardées vers la capitale - repaire des fantoches, donc non bombardée - nécessitait des mesures d'urgence une fois les Américains battus. Le retour massif et rapide dans les campagnes, les rizières, était bien une nécessité impérieuse. Une nécessité pour pouvoir nourrir la population, jeter les premières bases d'une économie indépendante, pour laquelle les acquis des zones libérées, dans le domaine de la production, constituaient un atout précieux, mais bien incapable de suffire aux besoins d'ensemble. S'il fallait donc agir rapidement sur le rapport villes-campagnes, sur la répartition de la population, le problème posé est de savoir dans quelle mesure, de quelle manière ? il n'aura pas fallu beaucoup plus de quelques jours, en avril 1975, pour que la population de Phnom Penh passe de 4 millions à 20 ou 30 000 habitants, essentiellement concentrés dans des activités industrielles de la banlieue de la capitale. L'ampleur et la hâte combinées, de l'opération n'ont pas pu être sans conséquences, mettant en cause la vie de nombreuses personnes qui affaiblies par les privations, y compris malades ou blessées, étaient dirigées sur les routes, aux quatre coins du Kampuchéa, vers une campagne où très souvent - suite à la guerre - il fallait, pour la production repartir de zéro, sans matériel adéquat, etc… 

LE SORT DES COUCHES CITADINES 

Dans ce cadre-là, se pose la question du sort réservé à différentes couches citadines de la population, nullement prêtes ni habituées au travail des champs, et pour qui le départ des villes posait un problème spécifique par rapport aux paysans qui ne s'étaient réfugiés à Phnom Penh, qu'entre 70 et 75, sous les effets de l'agression américaine. La mise en oeuvre de la politique : " tous aux rizières " appliquée à tous sans distinction, contraignait les intellectuels, les couches citadines, bourgeoises ou petites-bourgeoises, celles notamment qui composait la population de Phnom Penh avant l'intervention américaine directe, a bouleversé complètement, de façon expéditive, et sans transition, leur mode d'existence. Et sans non plus que soit réellement envisagé, semble-t-il leur apport possible - grâce à leur instruction, leur formation, leurs connaissances techniques ou autres - à l'édification du Kampuchéa démocratique. Des témoignages abondent, indiquant par exemple comment des médecins, dans le cadre de la politique égalitariste menée, se sont trouvés contraints de se consacrer exclusivement aux travaux rizicoles. La manière dont ont pu être traitées certaines couches de la population, soumises ainsi à la coercition, revenait à les traiter en ennemis. 

LES REPRESAILLES 

Que des militaires, des fonctionnaires, des cadres du régime Lon Nol aient fait l'objet de représailles, que les villes, où les fantoches avaient installé leurs quartiers avec leurs partisans, et se livraient à de florissants trafics avec l'occupant, soient apparues comme des univers de corruption aux yeux des patriotes qui durant quatre ans, dans le maquis, avaient supporté le poids de la guerre, rien de surprenant. Rien de surprenant à ce que des résistants aient voulu régler leurs comptes avec un certain nombre de " collabos ". Mais, que le nouveau régime ait, comme cela semble avoir été le cas, étendu les représailles en procédant à de nombreuses exécutions, cela revenait à sous-estimer les possibilités de rallier ou de neutraliser un certain nombre de gens qui sans être des tortionnaires du régime Lon Nol, avaient entretenu plus ou moins de relation avec lui.

LES PERSONNALITES PATRIOTES 

A fortiori, le traitement réservé à des personnalités patriotes, qui avaient combattu Lon Nol et les américains, témoigne de la mauvaise résolution des contradictions au sein du peuple, de la tendance à élargir la cible de la révolution et à réduire le camp du peuple, en réprimant toute force politique, toute expression politique se trouvant en contradiction avec le parti communiste. Les aspects largement positifs du Front uni, durant la période de guerre de libération anti-américaine, semblent disparaître au lendemain de la libération, alors qu'une politique de front uni, réajustée en fonction de la nouvelle étape, et faisant converger des forces de classes, des points de vue différents, vers la réalisation des tâches d'édification de la nouvelle société, restait nécessaire.
    Le cas de Sihanouk est significatif, si les masses du Kampuchéa n'ont pas oublié que Sihanouk n'a pas hésité, au cours des années 60, à pourchasser les éléments les plus conséquents de la résistance contre la main-mise américaine, et à envoyer l'armée contre les premiers maquis - pas très longtemps avant le coup d'Etat pro-américain de 1970 - elles ne l'appréciaient pas moins, comme personnalité patriote. C'est à ce titre qu'il joue un rôle important et positif de 70 à 75. Sa mise à l'écart de tout rôle politique après cette période reflète une mauvaise résolution des contradictions quel que soit le degré d'opposition de Sihanouk à la perspective socialiste.
    La tendance à nier l'existence de contradictions au sein du peuple, à les traiter comme des contradictions avec l'ennemi, s'est forcément manifestée dans la manière de traiter les contradictions politiques au sein même du PCK. La disparition de certains dirigeants, tel Hou Youn, un des fondateurs du PCK, ministre de l'intérieur dans le gouvernement de la résistance du Kampuchéa, jusqu'en 75 en est peut-être un exemple. 

DES ERREURS EXPLOITEE PAR LES AGRESSEURS VIETNAMIENS 

Les méthodes adoptées, face à des contradictions au sein du peuple, le mécontentement, les divisions qu'elles ont pu susciter, ont été exploitées par les agresseurs vietnamiens. Si le FUNSK (Front d'Union Nationale pour le Salut du Kampuchéa) n'est qu'un pouvoir fantoche installé à Phnom Penh, à la pointe des baïonnettes vietnamiennes, il est indéniable que les contradictions non correctement résolues au Kampuchéa se sont traduites entre 75 et 78 par des mouvements de mécontentement, voir des révoltes locales, ou l'entrée en dissidence de certains cadres. Par ailleurs, la mise à l'écart de personnalité comme Sihanouk, bénéficiant d'un grand prestige international, s'ajoutant à une certaine tendance à confondre la politique de compter sur ses propres forces avec l'autarcie, ceci combiné avec l'exploitation par les mass média impérialistes des erreurs au plan intérieur, tout cela contribuait à créer un terrain favorable au Vietnam et à l'URSS pour tenter d'isoler le Kampuchéa vis-à-vis de l'opinion internationale. Les agresseurs vietnamiens ont donc pu bénéficier des erreurs du PCK pour développer leur entreprise. Ces erreurs liées pour une part à la faiblesse du poids du prolétariat au sein de la société du Kampuchéa, à la faiblesse du PCK, dans sa capacité à maîtriser correctement les contradictions au sein de la nouvelle société kampuchéane, n'ont cependant pas empêché le PCK de s'affirmer comme le fer de lance de la résistance à l'agression vietnamienne. Et cela est un élément décisif dans l'appréciation que l'on doit porter sur ce parti. 

LE PCK DANS LA NOUVELLE RESISTANCE

Le fait que la résistance se soit organisée, développée depuis janvier, et qu'elle ait pu porter des coups sévères aux agresseurs, est une indication importante sur les rapports existants entre le PCK, le régime du Kampuchéa démocratique et les masses du Kampuchéa. Si le PCK et le régime installés à Phnom Penh, depuis avril 75, n'avaient été - comme les ont présentés nombre d'observateurs en parfait accord avec la propagande vietnamienne et soviétique - que des instruments de coercition, de dictature sur les masses, les exploitant et les opprimant, ils auraient du disparaître complètement et rapidement sous les coups des agressions vietnamiennes et de leurs fantoches, et le peuple aurait dû se rallier à ses " sauveurs inespérés ".
    Mais, il n'en a rien été. Depuis janvier, Phom Penh est toujours vide, comme l'ont montré plusieurs reportages, la population n'y est pas revenue ; les vietnamiens ne contrôlent que des villes vides et des grands axes de communication, d'ailleurs constamment coupés par les patriotes du kampuchéa. D'importantes batailles ont été menées par la résistance, et la protection massive et rapprochée de la capitale lors de la visite du premier ministre vietnamien, Phan Van Dong, témoignait de la vitalité de cette résistance. En témoigne aussi le renforcement constant des unités dépêchées par Hanoï pour l'occupation du Kampuchéa. Face à la récente offensive vietnamienne, à proximité de la frontière thaïlandaise, on a vu aussi la population cambodgienne passée en Thaïlandaise, pour échapper aux agresseurs, regagner rapidement le Kampuchéa dans les zones de résistances tenues par l'armée révolutionnaire que dirige le PCK, et non pas s'installer dans les camps de réfugiés de Thaïlandaise.
    En janvier, Sihanouk, interviewé à New York, sans rien minimiser de ses critiques à l'égard du régime du Kampuchéa démocratique avait souligné que les " khmers rouges " n'avaient pas besoin de volontaires extérieurs, qu'ils avaient " assez de paysans avec eux ". Tout cela indique une réelle adéquation entre une large partie des masses et le PCK. Celui-ci s'est engagé dans la réalisation des tâches de la nouvelle étape caractérisée par la lutte contre l'occupation étrangère. Il développe son activité comme l'indiquent ses dirigeants et comme le montrent les développements de la résistance, dans la perspective de mener une guerre prolongée, mettant en œuvre les principes de la guerre du peuple. Si l'on prend en compte l'ensemble des éléments dont nous disposons sur l'histoire du PCK, et sur la lutte qu'il a menée et qu'il mène depuis sa création, il apparaît que le PCK a effectivement pris en mains, aux différentes étapes, les tâches qui incombaient au parti communiste :
Lutte contre l'impérialisme et le féodalisme, guerre de résistance à l'agression américaine, ébauche d'édification d'une société nouvelle libérée de l'exploitation, puis nouvelle guerre de résistance contre l'occupant vietnamien. Il a joué un rôle décisif dans l'impulsion, l'organisation et la victoire de la guerre populaire contre l'agression américaine et il assume aujourd'hui la direction de la résistance populaire à l'occupant vietnamien. Certes il apparaît qu'il a commis des erreurs graves, de caractère ultra-gauchiste, notamment dans la période 1975-1979. Mais ces erreurs, nous devons les considérer comme appartenant à nos erreurs, à celles que peuvent commettre, dans leur lutte, les communistes. Elles n'ôtent pas au PCK son caractère de parti communiste, qui pour s'édifier devra nécessairement tirer la leçon de ces erreurs et les surmonter.

 

b) Article (mai 1980) du Groupe pour la fondation de L'UCFML (l'Union des Communistes Marxistes-Léninistes de France), extrait de la brochure " La question nationale aujourd'hui: Cambodge - Iran - Afghanistan - Pologne ". Editions Potemkine

 

SUR LA POLITIQUE DES KHMERS ROUGES

(Mai 1980)

1

        Notre politique en ce qui concerne la situation au Kampuchéa est claire et nette : nous soutenons la résistance armée du peuple khmer contre l'invasion vietnamienne. Nous soutenons les Khmers rouges, qui sont la force principale, et la force politique dirigeante, de cette résistance. Pour soutenir de façon indépendante et efficace les khmers rouges dans la phase actuelle - guerre populaire prolongée contre l'envahisseur vietnamien -, il est nécessaire d'avoir une analyse périodisée de leur action politique.
        C'est cela qui fonde le caractère marxiste de notre propre intervention internationaliste. C'est nécessaire pour que notre intervention, en tant qu'organisation de type parti, soit indépendante, étayée sur notre propre expérience, homogène à notre ligne générale. C'est nécessaire aussi parce que les bourgeoisies tentent d'organiser l'opinion contre les khmers rouges en fusionnant toutes les étapes, et en répandant, sur cette base, force mensonges, qui convergent vers l'acceptation de l'invasion, vers la capitulation face au social-impérialisme.
        Il y a quatre étapes dans l'action des khmers rouges:
-a) de 61 à 70, création, difficile, du PCK, qui témoigne d'une volonté farouche d'indépendance par rapport au parti Vietnamien. La lutte armée contre Sihanouk est engagée alors que le PCV souhaiterait, vu ses propres intérêts nationaux qu'elle ne le soit pas. C'est donc une phase d'apparition d'une direction politique populaire proprement nationale, dans un contexte " encore limité " de guerre civile révolutionnaire.
-b) de 70 à 75, le PCK joue un rôle déterminant dans la guerre de libération nationale contre l'envahisseur américain et son fantoche Lon Nol. Conformément à l'enseignement maoïste, la guerre de libération est menée dans le cadre d'un front uni avec l'adversaire de la veille (Sihanouk), les khmers rouges conservant leur autonomie politique et militaire. Les démêlés avec les Vietnamiens se poursuivent, à l'intérieur d'une alliance objective contre les américains. Notre brochure donne, sur ces deux périodes, tous les repères historiques, et les documents indispensables.
-c) de 75 à la fin de 78, les khmers rouges entreprennent une gigantesque révolution sociale. Evacuation des villes, système généralisé de coopératives collectivistes, suppression de la monnaie etc... Les forces politiques alliées dans la période précédente, les sihanoukistes, sont neutralisées ou éliminées. L'affrontement avec les Vietnamiens se poursuit sous diverses formes.
- À l'intérieur, tentatives répétées de coups d'Etats, entraînant, surtout, semble-t-il, à partir du début de 77, des épurations et répressions considérables, y compris à l'intérieur du PCK et de l'armée.
- À l 'extérieur, escarmouches constantes sur la frontière, maintien d'un lourd dispositif militaire de défense.
-d) De janvier 79 à aujourd'hui, invasion vietnamienne. Nouvelle phase de guerre de libération nationale. Les khmers rouges proposent un vaste front uni sur la seule base de la volonté de résistance, et annoncent pour l'avenir une phase de démocratie bourgeoise (élections libres sous le contrôle de l'ONU). 

        Nous voudrions ici spécifier notre méthode, et nos premières conclusions, en ce qui concerne la troisième période (75-79), et surtout quant aux articulations de cette période avec celles qui l'encadrent. Nous posons finalement deux questions:
   - Dans quelles conditions politiques les khmers rouges ont-ils pris le pouvoir en 75 ?
   - Dans quelles conditions politiques ont-ils abordé l'invasion vietnamienne ?
        Tenter de répondre à ces questions éclaire la phase en cours, ses difficultés, son avenir, et renforce une juste politique de soutien internationaliste aux khmers rouges, dans les conditions qui sont les nôtres.

        Nous posons ces questions aujourd'hui. La dialectique marxiste part des faits. C'est à partir de faits politiques massifs qu'elle peut fixer les étapes d'un processus. Le bilan d'une expérience révolutionnaire ne se fait pas n'importe quand, comme le croient les bourgeois et les trotskystes. Il se fait à partir des ruptures qualitatives internes à cette expérience.
        Quelle est la rupture qualitative dont nous parlons ? Celle-ci : il est clair, après un an de guerre, y compris du point de vue des khmers rouges, que l'Etat mis en place sous la direction du PCK en 75 s'est effondré.
        Nous ne disons pas que toute forme d'activité étatique a disparu. Il y a une activité diplomatique. Il y a un territoire contrôlé par la résistance. Mais ce territoire est dispersé, et constitue plutôt des bases d'appui pour la guerilla qu'une zone libérée stable. C'est plutôt les monts Tsinkiang que Yénan. Il y a enfin des activités militaires. Mais, disent les khmers rouges, plus d'armée régulière : tout le dispositif a dû être organisé sur la base de petits groupes de guérilla.
        Si nous fondons notre analyse de l'Etat mis en place par les khmers rouges en 75-78 sur l'observation des effets de l'invasion vietnamienne, plan d'épreuve historique matérialiste inévitable, nous constatons:
a- Que les critères majeurs de l'existence d'un Etat ne sont plus remplis. Il n'y a ni contrôle du territoire, ni armée régulière, ni politique unifiée. C'est en ce sens que nous parlons d'un effondrement.
b- Simultanément, il faut constater qu'entre la nature de l'Etat en 75-78 et les orientations actuelles du PCK, il y a une mutation radicale. La tentative collectiviste s'est écroulée. Les khmers rouges eux-mêmes déclarent renoncer à toute perspective de type socialiste pour une longue période historique.
C'est donc un fait que les khmers rouges n'ont pu mener à bien ce qui est le propre des deux grandes classes politiques de notre temps :
a- assumer la question nationale
b- dans le cadre d'un Etat conforme à leur perspective stratégique (bourgeois, ou socialiste)
Staline a subi au début de la guerre avec les nazis de très sévères échecs militaires. Le territoire national a été largement envahi et dévasté. Mais il a continué à incarner de bout en bout la résistance nationale, le caractère national de l'Etat, sans avoir à subir un effondrement de cet Etat, ni se trouver acculé à en changer qualitativement la nature. L'Etat des khmers rouges, en revanche, s'est effondré. La société civile, dont cet Etat était le garant, est disloquée. Tel qu'il était conçu et pratiqué, l'Etat des khmers rouges n'a pas pu structurer la résistance nationale de façon prolongée, sans se modifier de fond en comble, y compris dans sa perspective stratégique.
    Tel est le point de départ obligé de l'analyse, qui peut donc être légitimement proposée aujourd'hui, et qui interroge la nature politique de l'entreprise du PCK entre 75 et 78. 

        La lutte prolongée et la victoire complète sur la question nationale est une école politique impérative des partis communistes, des révolutionnaires et des peuples. Sur la question de la société nouvelle, de son Etat, de ses perspectives, l'indépendance nationale est une condition interne absolument incontournable. À cet égard, l'entreprise étatique des khmers rouges entre 75 et 78 s'avère, dans les faits, inappropriée. Nous disons l'entreprise étatique. Ceci ne signifie pas que le parti des khmers rouges, le PCK, cesse d'être la direction politique populaire. Le propre d'un parti est de surmonter ses erreurs, y compris ses erreurs étatiques.
Les khmers rouges se sont les premiers, dans les conditions de la lutte armée, affrontés aux deux superpuissances, à leurs fantoches, à leurs clients. Ils ont donc rencontré la question nationale dans les conditions de notre temps. Comment ils y ont répondu, quels furent leurs tâtonnements, leurs impasses : voilà un point de marxisme décisif pour tous les peuples, tous confrontés, dans les conditions de la tendance à la guerre, à la même question : qu'en est-il de la question nationale face aux deux superpuissances ?

        Voici nos hypothèses.
        De 70 à 75, les khmers rouges ont victorieusement pratiqué la question nationale face à la superpuissance américaine. La forme de l'action était caractéristique de l'époque : guerre populaire de libération nationale, dans le cadre d'un front uni.
        La question nationale est-elle réglée en 75 avec le départ des américains et l'écroulement de Lon Nol ? Est-elle réglée au point qu'on puisse rompre le front uni ? Qu'on puisse s'engager dans une voie de collectivisme accéléré, dans une révolution sociale d'une radicalité sans précédent ?
        Non. La question nationale n'est pas réglée face à la deuxième superpuissance, et face à l'expansionnisme vietnamien. Elle l'est d'autant moins que les ambitions du Vietnam sont connues et ont déjà pesé tout le long des étapes précédentes, et que le Vietnam dispose de nombreux agents locaux. Les khmers rouges disent du reste aujourd'hui que le Vietnam maintiendra sa pression annexionniste sur une longue période. Et que donc la nouvelle politique de front uni, centrée sur la question nationale, est destinée à être l'axe du PCK de façon très prolongée, au-delà du retrait des troupes vietnamiennes. Il y a là, de fait, une autocritique, qui reconnaît que la question nationale n'a jamais cessé de dominer la situation politique du peuple khmer, depuis 1970 au moins.
  Dans ces conditions, fallait-il prendre le pouvoir en 75 ? Nous voulons dire : le prendre seuls, dans la volonté affichée, de passer immédiatement à l'étape de la révolution socialiste ? N'était-il pas nécessaire de conserver le front uni ? D'associer les " bourgeois nationaux " à la vie politique, y compris si nécessaire à la direction de l'Etat ? 

De conserver ses forces militaires et l'appareil politique indépendant, quitte, si Sihanouk ou tout autre trahissait, pactisait avec les vietnamiens, à affronter alors l'envahisseur et ses complices dans une situation de légitimité nationale et populaire qui aurait fait des khmers rouges, une seconde fois, les unificateurs incontestables de la nation ?
        Des signes sont donnés dans ce sens par l'entreprise collectiviste de 75 - 78 elle-même. Son extrême violence s'explique en partie par l'histoire, par la faiblesse de l'encadrement politique des masses, par la volonté de revanche du paysannat, et surtout par la présence à tous les niveaux, de complices des vietnamiens dans le parti et dans l'Etat.
        Ce dernier point montre que jusqu'au cœur de l'appareil politique, les contradictions mêlaient inextricablement question nationale et questions de l'édification. Tout opposant sur la révolution sociale pouvait être tenu pour un traître sur la question nationale ? Ou celle de la révolution sociale ? Toute confusion entraîne le déchaînement des violences.
        Les khmers rouges ont édifié leur Etat sur la base de la théorie des " deux peuples " : ceux qui avaient combattu les américains et Lon Nol (peuple ancien), ceux qui ne l'avaient pas fait (peuple nouveau). Ce " peuple nouveau " a été pratiquement exclu de la politique, traité de façon discriminatoire, et souvent brutale, dans la société civile.
        Du point de vue des principes, il n'y a qu'un seul peuple. Le Parti est noyau dirigeant du peuple entier.
        La théorie des deux peuples est une projection, dans une nouvelle étape, des résultats de l'étape précédente. La guerre civile avec les partisans de Lon Nol était terminée. Maintenir les camps de cette guerre civile à l'intérieur de la nouvelle société civile prolongeait, en quelques sorte, la guerre dans la paix. D'où une sorte de militarisation du collectivisme, propice, eu égard à la faiblesse relative du PCK, à tous les excès.
Enfin, au regard de la question nationale, non réglée, cet attachement aux camps de sa forme dépassée (contre la superpuissance américaine) bloquait l'unification la plus large possible dans sa forme actuelle (contre les vietnamiens et les soviétiques).
        Le collectivisme des khmers rouges n'a pas garanti une unité suffisante de la société civile pour rassembler au maximum le peuple entier face à l'envahisseur.
        Cette expérience nous rappelle que (et tout spécialement quand la question nationale est en jeu) la dialectique ne consiste pas à éliminer les ennemis, mais à vaincre leur politique. C'est à dire unifier le peuple contre cette politique.

        Voilà ce que nous pouvons dire aujourd'hui sur les faiblesses de l'Etat Khmer Rouge. Elles expliquent que la guerre après l'effondrement de cet Etat, soit difficile, bien que menée avec une ténacité peu commune, sous la direction, toujours, du PCK.
Les khmers rouges sont du reste quasiment les seuls hommes politiques nationaux du Cambodge, depuis la trahison nationale publique de Sihanouk, et du fait que la plupart des autres " résistants " ne sont que des bandits et des trafiquants semble-t-il à l'heure actuelle.

Notre ligne est de soutien internationaliste sans défaillance à la résistance khmère. Les thèmes en sont l'indépendance nationale, les superpuissances, l'identité du social-impérialisme, l'expansionnisme Vietnamien, les prises de position des bourgeoisies, et notamment du PCF là-dessus (liaison avec l'Afghanistan), la dimension idéologique du conflit (nouveaux philosophes, etc...).

  L'approfondissement d'un bilan de gauche, totalement indépendant, des orientations des Khmers rouges aux différentes étapes doit être conçu comme un renforcement politique: sur la question nationale, sur la caractérisation des étapes d'un processus, sur les différents types de contradictions, sur l'Etat, sur le Parti.

Groupe pour la fondation de L'UCFML (MAI 80)
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Les notes 1.2.3.4, sont extraites de l'article de Partisan

(1) " Les Khmers Rouges menaient le combat depuis les années 60 " (…) " Fortement organisés dans les campagnes, ils allaient peu à peu gagner le soutien de la très grande majorité de la population " (…) " l'entrée des Khmers Rouges à Pnom Penh a bénéficié d'un véritable soutien populaire, y compris des intellectuels, des combattants vietnamiens et a soulevé l'enthousiasme du mouvement de soutien du monde entier " (…)

 

(2) " Il y a bien eu une révolution populaire qu'il fallait soutenir sans aucune ambiguïté. Mais l'orientation de la seule organisation à sa tête était réactionnaire et on ne pouvait pas la soutenir "

 

(3) " Parler de génocide, c'est escamoter l'Histoire, s'empêcher de comprendre d'où les Khmers Rouges sortent, la responsabilité des impérialistes dans la guerre en Indochine, les erreurs des communistes dans le soutien " (…) "L'erreur de tout le mouvement de soutien (à l'époque) a été son manque d'esprit critique, de ne pas voir que le discours ne reflétait pas le fond " (…) " la confusion a été renforcée car les Khmers Rouges ont été soutenus par la Chine, bien avant la mort de Mao Tsé Toung, pour des raisons de géopolitique peu glorieuse. Ainsi pensons-nous que ce soutien n'était pas juste et manifestait des erreurs graves chez les communistes chinois " (…)

 

(4) " L'extrême gauche maoïste a soutenu les Khmers Rouges ? Oui, et c'est son erreur. " (…) " Aujourd'hui nous devons assumer l'autocritique du soutien aux Khmers Rouges du courant dont nous venons : c'est un héritage de notre origine. "

 

(5) Parti Communiste Révolutionnaire Marxiste-Léniniste.

 

(6) " Talon Wise " est le nom donné par les Américains à l'opération de sauvetage de leurs hommes.

 

(7) Parti Communiste Marxiste-Léniniste.

 

(8) " PROLETARIAT " revue théorique et politique du PCML.

 

(9) Parti Communiste du Kampuchéa.

 

(10) Front Uni National du Kampuchéa. - FUNK -

 

(11) Gouvernement Royal d'Union Nationale du Kampuchéa. - GRUNK

 

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 D'autres articles sur le Kampuchea Démocratique (Cambodge) dans L'HR (quotidien)
870. 871. 872. . 874.. 945. 946. 947. 948. 949. 950. 951. 952. 953. 954. 955. 956. 957.

Lire aussi :
L'INVASION DU CAMBODGE PAR LE VIETNAM : éléments d'histoire et points de repère.
(Catherine QUIMINAL) -Editions Potemkine 1979- (Brochure diffusée par l'UCFML)

lire également : FRONT ROUGE n°146 -06 mars 1975- :
Cambodge: victoires de la guerre du peuple
(Grégoire Carrat) -page 8-

FRONT ROUGE n°152 -17 avril 1975- :
Dénonçons la campagne réactionnaire de la bourgeoisie !

Organisons un puissant soutien aux peuples d'Indochine !

FR 154 -1er mai 1975- FR 155 -8 mai 1975- FR 156 -15 mai 1975 - FR 157 -22 mai 1975- 

FR 158 -29 mai 1975-