FRONT ROUGE n°157 -22 mai 1975- hebdomadaire
organe central du
Parti Communiste Révolutionnaire (m.l.)
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Halte aux agressions patronales

contre les grévistes d'usinor !

      Afin de briser la lutte des sidérurgistes, la direction d'Usinor a multiplié les provocations, avec l'aide de la maîtrise.
Dans la nuit du jeudi 15 au vendredi 16, à la porte d'Usinor près de la B.P., un petit groupe de non grévistes, entraîné par la maîtrise, agresse les travailleurs du piquet et blesse gravement un délégué. Les grévistes arrivés en renfort ont réussir à coincer uns quinzaine d'agresseurs. Ceux-ci n'ont pas été frappés, mais des explications sur la lutte et sur le rôle qu'on leur fait jouer ont été données.
      Dans la nuit de vendredi à samedi, une équipe de 50 jaunes entraînés par un contremaître, armés de barres de fer a attaqué un gréviste isolé.
      Pour diviser les travailleurs, et entraîner les éléments les plus arriérés à s'attaquer au piquet, la direction mène dans la presse et à la télévision régionale une intense campagne d'intoxication sur le thème : ce sont les ouvriers du piquet qui créent des incidents. Ainsi elle a publié un communiqué prétendant qu'il n'y avait plus de chômage conjoncturel, que tout le monde pouvait reprendre le travail, que ceux qui ne se présenteraient pas seraient inscrits absents sans motif, ce qui en fait hésiter plus d'un. L'impact de ces manœuvres peut prendre de l'importance du fait que de nombreux travailleurs habitent loin de Dunkerque et n'ont pour toutes informations que celles fournies par la presse et la télé de la bourgeoisie.
      La direction n'a encore rien lâché ou presque.
          - Sur le chômage partiel, elle promet qu'il n'y en aura plus pour les deux prochains mois, et pour cause, il faudra bien rattraper le retard de production occasionné par la grève. Mais rien ne garantit qu'il n'y aura pas de chômage partiel à nouveau après les congés. Par contre le patron propose de travailler pendant les repos supplémentaires (RM), pour récupérer les heures de grève.
      Pour une usine où " la conjoncture est défavorable " c'est plutôt bizarre !
          - Au lieu des 250 F uniforme demandés, la direction propose 4% indexés au plan de production, c'est à dire assortis d'une clause anti-grève et d'augmentation des cadences.
      Les dirigeants syndicaux ont annoncé une série d'initiatives : grèves échelonnées : à Sacilor le 21 mai, à Dunkerque le 22 mai, au trust Usinor le 23 mai, au moment de la nouvelle rencontre avec la direction, et pour toute la sidérurgie le 27 mai. Mais aucune proposition de mobilisation n'est faite pour renforcer la lutte à Usinor-Dunkerque, et contrecarrer les manœuvres de la direction.
      Au contraire en déclarant que le week-end de la Pentecôte serait un moment creux, ils laissent toute latitude à la direction pour faire redémarrer le plus d'ateliers possible avant le meeting de mardi en s'appuyant sur le fait que les jours fériés sont payés double.
      Comme le montre l'intervention des grévistes auprès des non-grévistes, il est possible de construire l'unité des ouvriers d'Usinor contre le patron. Pour cela il faut poursuivre et élargir le travail d'explication, mener une intense campagne de popularisation pour désamorcer les ragots et les manœuvres de la direction, organiser des collectes. C'est ce que s'efforcent de faire les éléments les plus actifs du piquet, avec les camarades de notre Parti.
      La lutte continue !

Lundi 19 


Intervention des grévistes
auprès des non grévistes...

      Samedi soir, à 21 h, à la porte des grands bureaux, une trentaine de grévistes tiennent le piquet derrière les barrières. Les bus arrivent, et débarquent une cinquantaine de non-grévistes qui vont passer sous les grillages au delà des piquets. L'atmosphère est tendue parce que la télé régionale, aux Informations de 19h, a annoncé qu'il y avait des risques d'incidents. Le nombre des non-grévistes provoque la colère du piquet, les critiques fusent sur la direction de la grève, beaucoup disent que ça ne peut pas continuer comme cela. Aussitôt une réunion s'organise dans les locaux syndicaux et la décision est prise d'intervenir au quarto (train de laminage des grosses brames), secteur qui fonctionne, et où l'effectif est presque au complet. Certains délégués timorés sont pour n'y aller qu'à deux trois, mais c'est la décision d'y aller en nombre qui l'emporte.
      Une équipe d'une cinquantaine d'ouvriers se forme et se dirige à pied vers le quarto, sans aucune arme, afin de mettre un coup d'arrêt à la tactique, de la direction, qui, par une série de ragots, par des provocations, a créé chez les non-grévistes une ambiance de peur qui leur fait penser que le piquet ne cherche qu'à les agresser, ce qui permet aux contremaîtres de les entraîner dans des coups de poing contre le piquet. Tandis qu'avançant les ouvriers du piquet, les non-grévistes s'attendent à être tabassés, maïs très vite l'ambiance se détend, des poignées de mains s'échangent entre non-grévistes et ouvriers du piquet qui se connaissent, des explications sur les raisons de la venue du groupe sont fournies : les revendications, les provocations de la maîtrise. De petits groupes se forment, chacun discute de la situation, pour tomber d'accord qu'il ne faut pas tomber dans les provocations de la direction. Les contremaîtres qui sont là tout doucereux, sont pris à partie sur les incidents... Au train à bande, à la ligne de cisaillage, partout c'est la même politique de discussion avec les non-grévistes. Toujours un bon accueil. Ce soir un coup a été donné à la tactique de division de la direction.


Chausson grève avec occupation

" 25O F. POUR TOUS " !

LA GREVE A GENNEVILLIERS ET ASNIERES

    Mardi c'était la paie ; par suite des journées chômées, il manquait environ 150 à 200 F. Spontanément les ouvriers débraient pour discuter.
    Le lendemain, des ouvriers de Maubeuge. venus en car, ont fait une manifestation dans les ateliers, entraînant dans leur sillage la plupart des travailleurs. La même chose s'était produite à l'usine d'Asnières où les manifestants ont traversé Gennevilliers. Le jeudi c'était la grève totale avec occupation et fermeture des portes.
    A Asnières et Gennevilliers un comité de grève est élu avec des représentants pour chaque atelier, le comité comprend pour Asnières environ 35 personnes dont les délégués CGT et CFDT.

LA SITUATION DANS L'USINE DE
GENNEVILLIERS AVANT LA
GREVE

    Chausson est un sous traitant automobile, avec fabrication de chaînes de tôlerie, de peinture, de montage de la 4L commerciale, de l'Estafette, du J7 Peugeot... C'est des conditions de travail pires qu'à Renault pour des salaires plus bas. Chez Chausson depuis un an, c'est la détérioration des conditions de travail et de salaire. Sous prétexte de la " crise " dans l'automobile, c'est les postes qui changent sans arrêt avec à chaque fois une augmentation de la charge de travail ; c'est l'augmentation des cadences 
Les salaires à Chausson...

    Salaire moyen mensuel, toutes primes comprises,

(annuelles ou non) après… 5 ans d'ancienneté

M.2 (classe 2) .......... 1654
OS1 (classe 3) .......... 1755
OS2 (classe 4) .......... 1875.
OS2 (classe 5) .......... 1996
OP1 (classe 6) ........... 2116.
OP1 (classe 7) .......... 2238
OP2 (classe 8) ......... 2358
OP2 (classe 9) .......... 2478
OP3 (classe 10) ........ 2598
OP3 (classe 11) ........ 2719
(en avril la production de camionnettes Peugeot est passée de 54 par équipe à 59 avec le même nombre d'ouvriers). En même temps que l'augmentation des cadences, c'est la détérioration des conditions de sécurité, des accidents aux presses, des ouvriers renversés par les Fenwick (les caristes doivent aller plus vite pour fournir les chaînes). Et puis à partir de décembre c'est le chômage partiel, 1 ou 2 jours par mois. Par exemple à l'usine H de Gennevilliers : 2 jours en décembre; 2 jours en janvier, 1 jour en mars, 2 jours en avril, avec un retour aux 40 heures (le samedi supplémentaire par mois est supprimé) sans compensation. Au total c'est environ 200 F. de moins par mois sur la paie. Par contre la production est la même. Tous les ouvriers l'avaient compris, le chômage partiel était bidon : la direction augmente les cadences pour faire un peu d'avance sur les commandes, puis colle un ou deux jours chômés à la fin du mois. Au total c'est la même production, mais avec moins d'ouvriers payés moins cher. Pour faire passer ces mesures, pour réduire les coûts de production par les licenciements camouflés (départs " volontaires " 60 en avril) et par la surexploitation, la direction avait un argument de poids : le chantage au chômage. Le chômage partiel servait aussi à démobiliser les ouvriers, à briser toute volonté de lutte. Avec en plus des notes de service menaçant de licencier s'il n'y avait pas assez de demandes de mutation à Creil ou à Maubeuge. La question que se posaient les ouvriers c'était : dans cette situation, est-ce qu'une grève peut payer ? Est-ce qu'une grève ne sert pas le patron ? Cette question était au centre des discussions pendant la grève de Renault que tous suivaient de près. La demi-victoire des Renault a fourni l'exemple positif qui manquait. Ce qu'ont fait les Renault, arracher une augmentation de salaire, c'est aussi possible chez Chausson.
    Aujourd'hui les ouvriers de Chausson ont dit non, ils ont refusé le chantage à la crise et au chômage et sont passés à l'offensive. C'est tout le groupe Chausson (18.000 personnes) qui est en grève illimitée avec 4 usines occupées lAsnières, Gennevilliers, Creil, Maubeuge) pour obtenir :
        - 250 f pour tous ;
        - Parité avec Renault ;
        - Paiement des heures de grève.
    Et instruits par l'expérience des dernières grèves, c'est à une grève longue qu'ils se préparent avec enthousiasme : " Depuis que je suis dans la boîte, je commence à les connaître, on est en grève, c'est pas pour reprendre dans 8 jours, c'est pour se battre jusqu'à ce que le patron lâche les 250 F ". Un Marocain : " Les débrayages de 1 ou 2 heures y en a marre, maintenant on est en grève et c'est pour aller jusqu'au bout ".
    Une affiche à Gennevilliers au milieu des revendications " Pas question de céder avant la victoire finale ".

Correspondant Chausson.

Le plus fort taux "d'accidents" du travail...

    A Chausson le plus fort taux d'accidents du travail, après les Houillères Nord-Pas-de-Calais.
    Houillères du Nord : 20,5
    Chausson : 13,9
    Nombre d'accidents X 100.000/ nombre d'heures travaillées.
    Pour la gravité Chausson arrive en 4° position après Berliet, Usinor, Michelin et Chrysler.
    Pour la gravité, Chausson arrive Chausson, que ce soit aussi bien à Maubeuge, usine ultra moderne, que dans les autres usines, le taux de fréquence des accidents augmente chaque année (1970 : 12. - 1973 : 13,9).


LIÉVIN : RÉUNION DE LA COMMISSION POPULAIRE

    Samedi dernier en fin d'après-midi, la Commission Populaire de Liévin s'est à nouveau réunie.

    Ces derniers temps la Commission Populaire a été de nouveau l'objet d'attaques de la direction de la CGT qui dans une lettre a demandé au maire " socialiste " Darras de retirer la plaque posée devant la fosse 3. La discussion s'engage aussitôt ; une telle attaque suscite l'indignation et la révolte : " Nous ne cherchons pas la division mais on nous attaque... cette plaque est un hommage à nos camarades, il faut la respecter " (un mineur de la fosse 7). " Cette fois ce ne sont pas les Houillères qui ont demandé ça, on sait très bien tous ici, qui a fait le coup... "

    Un ouvrier du bâtiment explique alors le sentiment de tous : " On est tous prêts à lutter pour que cette plaque reste pour nos camarades, ils n'ont pas intérêt à y toucher...".

    De nouveau la question de la somme versée aux familles est posée :

    " Nous avons eu la catastrophe de Liévin, il y a eu des caisses de solidarité, mais quelles sommes ont été touchées. On n'a jamais rien su de ces choses là et cela ne date pas d'aujourd'hui... ".

    Ce que remettent en cause les mineurs et leurs familles c'est de ne jamais savoir où va l'argent pour tout ce qui concerne la question de solidarité. Pour sa part, l'Association de Défense des Familles des Victimes a plusieurs fois fait le point et publié les sommes exactes touchées par les familles.

    Tout travail de soutien doit se faire sous le contrôle des mineurs et de leurs familles.

    Concernant le logement un certain nombre de demandes avaient été transmises à la Commission Populaire, des membres de la Commission sont allés voir ces personnes et le point est fait sur ces visites. C'est ainsi qu'à Liévin un ex-ouvrier du bâtiment invalide, vit dans un baraquement où n'existe pas l'eau courante, ce sont les voisins qui lui apportent des seaux d'eau et pour faire sa soupe, il se sert d'eau d'Evian ou de Vittel... Une lettre adressée à la municipalité signée de la Commission Populaire et de l'intéressé est adoptée à l'unanimité...

    Un ouvrier de Liévin signale aussitôt d'autres adresses, d'autres habitants de Liévin, telle cette femme de 75 ans qui vit seule dans un baraquement où la pluie pénètre...

    Enfin la question de la lutte contre la silicose est abordée. Lors de sa dernière réunion la Commission Populaire avait décidé de mettre en place un réseau de médecins progressistes pour pouvoir faire des contre-expertises. Une lettre de la Commission Santé du PCR (ml) est parvenue à la Commission Populaire : un certain nombre de médecins sont prêts à pratiquer des contre-expertises. Des mineurs silicosés présents à la réunion se sont aussitôt inscrits pour passer ces contre-expertises...

    Mais les contre expertises ne constituent pas le tout de la lutte contre la silicose car comme l'a souligné le Président de la Commission : " on donne un pourcentage en fonction de l'image radiologique, mais lorsque celle-ci apparaît, la maladie est déjà à un stade avancé... C'est la manière dont on évalue la silicose qu'il faut remettre en cause ".

    Les Assises sur la Santé et les Maladies professionnelles permettent justement que de telles questions soient étudiées avec les mineurs... Ainsi près de 2 mois après le Tribunal Populaire, la Commission Populaire de Liévin continue de développer son activité, les attaques dont elle a fait l'objet n'ont fait que renforcer les liens et la confiance qu'elle a acquise avec les mineurs et leur famille.

Correspondant

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