LE QUOTIDIEN DU PEUPLE n°554 -jeudi 10 novembre 1977-

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QUESTIONS SYNDICALES

µ PCF : Une nouvelle tentative de récupération vis-à-vis de la CFDT (Monique Chéran)
µ UD CFDT du Rhône
Une assemblée passionnée qui condamne l'exclusion d'une section (Correspondant Lyon)

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PCF : UNE NOUVELLE
TENTATIVE DE RÉCUPÉRATION
VIS-A-VIS DE LA CFDT
 
l  Lundi, Edmond Maire rencontrait la direction du PCF, à la fin de ses entrevues avec les partis du Programme commun. Le PCF a choisi ce moment pour publier un très long texte, qu'il compte diffuser à 4 millions d'exemplaires, intitulé "Pour une avancée décisive de la démocratie". Ce texte a été remis à l'ensemble des organisations syndicales.
Les clins d'œil enjôleurs de Marchais ne semblent pas émouvoir Edmond Maire
 
 
        Mais il s'adresse particulièrement à tous ceux qui sont influencés par le débat sur la gauche qui se mène aujourd'hui dans la CFDT. Bien sûr, c'est plus habile qu'au début de l'offensive, lorsqu'il se contentait, par exemple, de reprendre dans les discours d'Edmond Maire les critiques adressées au Parti socialiste, laissant soigneusement dans l'ombre celles qui le visaient. A l'époque, d'ailleurs, la direction de la CFDT avait mis clairement les choses au point, s'élevant contre ces manipulations et ces tentatives de récupération.
      Cette fois, c'est "un projet d'ensemble" qui est décrit et qui se donne l'apparence de répondre point par point aux interrogations des autogestionnaires. Jamais un texte du PCF n'aura autant jeté aux orties le terme de "centralisation" pour reprendre le terme d'"autogestion".
      Quelques exemples : "Pour que le changement soit réel, il s'agit d'avancer de front dans tous les domaines vers une société toujours plus démocratique, décentralisée, autogestionnaire, une société faite pour les travailleurs et par les travailleurs eux-mêmes"... La CFDT a souvent répété que les nationalisations ne suffisaient pas en elles-mêmes, voilà le PCF qui enchaîne : "L'expérience prouve que les changements dans la propriété et à la direction de l'Etat ne suffisent pus à accomplir cette transformation... Une bureaucratie risque d'en remplacer une autre, des technocrates de "gauche" risquent de succéder à des technocrates de "droite". "
La CFDT a déclaré son opposition à une étape centralisée, voilà le PCF qui affirme "Le 22ème Congrès de notre parti a écarté l'idée, pour la France, d'une étape préalable, autoritaire et centralisatrice. La transition vers le socialisme, ce sera à chaque moment de la lutte une avancée vers la démocratie...". Tous les thèmes habituellement développés par la CFDT y passent : "un nouveau type de développement économique", "consommer autrement, produire autrement", "briser la tutelle qu'exerce le pouvoir exécutif central", "le principe d'autonomie au niveau local", "la gestion municipale deviendra progressivement l'autogestion communale", "il faut rompre le carcan étatique dans tous les domaines"... L'essentiel pour le PCF, c'est de couper l'herbe sous le pied aux objections, aux méfiances que son attitude constante suscite largement. Faire en sorte que ceux qui pensent que le PCF au pouvoir, ce sera un renforcement du centralisme, ce sera l'arrivée au pouvoir de ses hommes avec son projet, aient des doutes, s'interrogent "Le PCF n'aurait-il pas changé ? Ne va-t-il pas plus loin que le PS ?". Déjà, sur les revendications immédiates comme le SMIC, il se présente comme le champion, le seul défenseur des travailleurs. Le voilà qui, sur le chapitre des droits des travailleurs, parle e pouvoir à la base...
      Mais revenons à la réalité. Si le PCF se donne tant de mal pour essayer de convaincre, c'est que la réalité vécue ne serait-ce que dans les municipalités qu'il contrôle, s'oppose complètement à ses discours. Lui qui condamne tout favoritisme en paroles le pratique à large échelle partout où il peut déjà le faire. C'est devenu un lieu commun que de dire que, dans les municipalités PC, qui n'a pas sa carte n'a rien. Lui qui a de l'autogestion plein la bouche et qui se permet de mettre les Lip à la première page de son journal France Nouvelle, ne risque pas de rappeler comment il a traité ces mêmes Lip il n'y a pas si longtemps, lorsqu'il affirmait que la démocratie à Lip était une fausse démocratie qui ouvrait la porte à toutes les manipulations.
      Autre exemple de la démocratie vue par le PCF : toute l'affaire Sonacotra ; qui a dénié toute représentativité au Comité de coordination démocratiquement élu par les travailleurs immigrés de la Sonacotra, le traitant de tous les noms ? Lui qui prétend défendre tous les travailleurs, pourquoi n'a-t-il mené campagne, lors de l'expulsion des 17 délégués Sonacotra, que pour Moussa Konaté, membre du PCF ? Certes, il fallait le défendre en tant que délégué des travailleurs immigrés réprimé par la bourgeoisie, au même titre que les 16 autres expulsés, et non parce qu'il était au PC.
      Les exemples de ce divorce entre ce qu'il proclame et son attitude quotidienne, on peut les accumuler. Non, le PCF n'a pas fondamentalement changé lors de son 22ème Congrès. S'il s'est fait moins virulent contre les autogestionnaires, entre autres, c'est qu'il espère bien ainsi les récupérer, avoir derrière lui aujourd'hui, mais plus encore après les élections de 78, non seulement la CGT, mais un courant dans la CFDT, comme masse de manœuvre. Des tentatives comme celles-là peuvent désarçonner un certain nombre de syndicalistes, mais la méfiance reste vive. La bataille sur les nationalisations, sur la structure et le rôle des organes de directions ou les conseils d'ateliers, malgré toutes les précautions du PCF, laisse apparaître le projet du PCF : prendre le maximum de place dans ces structures, par le biais syndical y compris, pour prendre le pouvoir à son profit.

Monique CHÉRAN

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UD CFDT du Rhône
Une assemblée passionnée qui condamne l'exclusion d'une section
 
      C'est dans une salle archi-comble que s'est tenue l'Assemblée de militants du Rhône de plusieurs centaines de personnes. C'est vrai que le sujet était mobilisateur : il s'agissait de traiter de la pratique "démocratique" et de l'exclusion de la section tri du Syndicat PTT. Trois types d'intervention sont à noter :
  --celle du Bureau PTT : les "exclueurs". Ils expliquent comment il leur était impossible de fonctionner avec une section "autonome", se concertant avec d'autres sections de la minorité, faisant des commissions "armée", "Chili", appelant à la marche de Malville. Ils expliquent comment c'est l'œuvre de partis d'extrême-gauche, utilisant la structure syndicale, à leurs propres fins. Ils reprochent aux exclus de se battre contre leur sanction et de diffuser leur dossier.
  --intervention de certains responsables permanents CFDT du Rhône, au nombre de trois : leur argumentation est la même, le syndicat PTT est seul responsable de ses actes, et aucune structure ne peut s'ingérer dans ses affaires. Ils accusent ceux qui n'acceptent pas les exclusions de vouloir "tout foutre en l'air" et de récupérer les structures à des fins partisanes.
  --la très grosse majorité des interventions laisse exprimer la révolte devant cette tentative de "normalisation". On rappelle l'UD de Gironde et les sanctions de Berliet, on dénonce le PS, sa volonté d'empêcher par avance toute tentative de débordement pour 78, et d'avoir une structure syndicale efficace face au PCF. Le rôle particulier du CERES, influent dans la fédération PTT et la région Rhône-Alpes, est aussi souligné. Les militants PTT exclus et des responsables de section soulignent que ces exclusions n'ont pu être obtenues que grâce à la rapidité et au non respect des statuts, et que la majorité des sections syndicales PTT s'y opposerait aujourd'hui. Ils expliquent que l'autonomie reprochée au Tri est due au manque de propositions et au blocage de toute initiative par le Bureau Départemental PTT qui s'est contenté de diriger avec une majorité de 50 % environ, depuis la grève de 74. "Les exclusions sont l'aveu d'une incapacité à diriger". La Commission Exécutive du Tri explique qu'ils continuent à fonctionner, à mener des grèves contre la restructuration de leur centre de tri, et à défendre les travailleurs.
 
      Enfin, sur l'aspect démocratique et respect de la minorité, après un militant expliquant qu'avant d'adhérer à la CFDT, il a été exclu de la CGT après des mois de débats, un vieux militant qui a œuvré à la transformation de la CFTC en CFDT, raconte qu'il y a 32 ans, jamais une telle sanction n'aurait été possible et pourtant il s'agissait de la CFTC.

Corr. Lyon    

 

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