30e ANNIVERSAIRE DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE

Le Quotidien du Peuple -supplément au n°967 -lundi 8 octobre 1979- (page 11)
Organe central du Parti Communiste Révolutionnaire marxiste-léniniste

 ç page précédente

Suite è

 

"L'exemple de socialisme le plus avancé, pour moi"

Entretien avec Alphonse Laux, vétéran communiste

  Alphonse Laux, 66 ans, vétéran communiste, sidérurgiste retraité, de Rombas (Moselle), est un ami de longue date du peuple chinois. Ancien militant du PCF, il a adhéré au PCR en 1976. Il nous a fait part ici de son point de vue sur la lutte du peuple chinois pour s'émanciper, pour édifier le socialisme.

u Tu es un ami de longue date du peuple chinois. Peux-tu nous rappeler comment tu t'es intéressé très tôt à sa lutte ?

    -- Déjà, lorsque j'allais à l'école du Luxembourg, entre 1920 et 1923, je me souviens qu'on parlait beaucoup de la jeunesse chinoise qui souffrait de la faim. Par la suite, j'ai pu mieux comprendre ce qui se passait là-bas. J'avais 19-20 ans, lors de l'invasion de la Mandchourie par les fascistes japonais. J'ai suivi de près ce qui se passait. Je me rappelle, je suivais avec un grand intérêt les articles concernant ce sujet dans Le Populaire et Le soir, j'ai été profondément affecté par la chute de Pékin, mais le gouvernement central s'était réfugié à Nankin, alors j'ai gardé confiance. A l'époque avec l'Espagne républicaine, la Chine était le pays le plus avancé dans la lutte contre le fascisme.

u Après la guerre de 1939- 1945, ton amitié pour la Chine s'est approfondie ?

    -- Oui, c'est seulement après la guerre que l'on a eu connaissance de l'importance des communistes chinois dans la lutte anti-fasciste de libération nationale. Les "japs" battaient en retraite et Tchang apparaissait de plus en plus nettement comme l'homme des américains. Le Parti communiste chinois était le seul défenseur véritable de l'indépendance nationale. Et puis en 1947, j'ai adhéré au PCF, et dans la cellule où j'étais, on avait des discussions régulières sur l'avance des forces armées de libération sous la direction de Mao et Zhou Enlai. Je me rappelle que l'on disait: "Plus l'impérialisme américain envoie d'armement à Tchang Kai-Chek, plus les révolutionnaires en auront", tellement l'armée fantoche était en décomposition, tellement on était sûr que la guerre populaire menée par les communistes était assurée de la victoire. La proclamation de la République populaire de Chine fut une grande victoire pour les forces progressistes du monde entier. Le camp socialiste devenait encore plus puissant, les impérialismes, en perdant tout contrôle sur la Chine, se trouvaient dans une position déclinante. A la section de Lagny du PCF en Seine-et-Marne, avec les camarades, on considérait la Chine comme l'égale de l'Union Soviétique. Son engagement dans la guerre de Corée contre la tentative de l'impérialisme américain de prendre la place des japonais renforçait son prestige. Je me souviens qu'en 1950-1951, on étudiait en cellule les déclarations du camarade Mao Zedong.

u Mais après, il y a eu la scission dans le mouvement communiste international. Comment as-tu vécu cette époque ?

    -- En fait, cela a commencé peu de temps après la mort de Staline, en 1956, il y a eu avec Krouchtchev, les attaques ouvertes contre le marxisme-léninisme.
   
Non seulement Krouchtchev, au nom de la coexistence pacifique, bradait la révolution, mais sa vantardise était grotesque. Je me rappelle son voyage aux Etats-Unis, ses déclarations tapageuses comme quoi l'ouvrier russe allait rattraper l'ouvrier américain. Non seulement il traînait Staline dans la boue mais ses attaques contre la Chine était un tissu de calomnies. Il disait que ceux qui voulaient faire la révolution, promouvoir la lutte armée de libération dans les pays du Tiers Monde voulaient la guerre mondiale et la destruction de l'humanité. J'ai vécu alors la division dans le mouvement communiste international avec déchirement. Je me posais un tas de questions. Et puis, il y avait ce qui se passait en France.
   
A la Libération, j'avais cru qu'avec la participation du Parti communiste au gouvernement, et en mobilisant les masses, on allait parvenir à transformer la situation en faveur de la classe ouvrière. Ce n'est pas ce qui s'est passé, on le sait. Thorez avait fait rendre les armes et moi en revenant en Lorraine, j'ai vu que le PCF était gangrené par l'arrivisme, le révisionnisme. A cette époque, je n'étais plus un militant très actif, car j'étais démoralisé. Je me rappelle avoir eu des altercations avec de vieux membres du PC sur la scission dans le mouvement communiste international. Ils refusaient d'en discuter.
   
Et puis, plus tard, il y a eu l'exclusion de militants, dont Régis Bergeron que j'avais connu personnellement en Seine-et- Marne. J'étais sans perspective mais je continuais à défendre, de façon isolée, auprès des membres du PCF que je connaissais, les positions révolutionnaires de la Chine. Je me souviens de discussions orageuses que j'ai eu par la suite, avec certains d'entre eux en 1960, 1970, lors du conflit frontalier entre la Chine et l'URSS.

u Que représente la Chine socialiste pour toi, aujourd'hui ?

    -- Je pense qu'il s'agit d'une expérience unique, très riche d'enseignements. Tous ceux que je connais, ou qui y sont allés, en sont revenus enthousiasmés par la gentillesse et la fraternité de ce peuple travailleur, par les réalisations qu'il a entreprises en partant du plus grand dénuement. Ces camarades ont conforté mon jugement. Non seulement le régime socialiste chinois a aboli le féodalisme, le colonialisme, supprimé la famine, mais il a posé avec Mao Zedong le problème crucial de la lutte contre la restauration du capitalisme.
   
Pour moi, la Chine est l'exemple de socialisme le plus avancé parce qu'elle est éduquée dans l'esprit que rien n'est acquis d'avance, que la lutte de classe se poursuit sous le socialisme. C'est là un apport décisif de Mao Zedong pour l'édification d'une société socialiste.
   
Bien sûr, il y a toujours des questions. S'il n'y avait plus de questions à se poser, cela deviendrait grave. Non seulement il faut réfléchir individuellement et dans le parti, mais aussi avec tous les camarades ouvriers. Et c'est ce que l'on fait. Par exemple, on parle du profit en Chine, moi cela me gêne, mais c'est plus le terme qu'autre chose, parce que je sais ce que c'est une usine dans une société socialiste, elle ne peut pas être déficitaire, sinon comment les ouvriers vont-ils être rétribués, comment pourraient-ils développer la production et investir pour moderniser leur entreprise ? Dans une société socialiste, pour avancer vers le communisme, il faut que les forces productives progressent. Je suis sûr que l'orientation de la Chine aujourd'hui est fondamentalement juste. Il faut qu'elle se modernise pour devenir puissante. Elle n'est plus dans une situation d'isolement comme avant, alors si elle a les moyens de profiter du développement technique des pays capitalistes en commerçant avec eux sur une base d'égalité pour aller plus vite, eh bien, c'est juste qu'elle le fasse. J'espère seulement que les étudiants et techniciens chinois qui viennent dans les pays capitalistes occidentaux ne se laisseront pas influencer par l'idéologie de ces pays car sinon, à leur retour en Chine, cela pourrait créer pas mal de problèmes, et nuire à leur contribution au développement du socialisme.
   
Ce que j'apprécie aussi dans la Chine d'aujourd'hui, c'est la lutte menée pour la démocratie, condition pour que la classe ouvrière dirige et que les contradictions au sein du peuple soient bien réglées. Je crois que les ouvriers français sont très sensibles à la question des libertés démocratiques. Ils ont raison ! On sait bien que des millénaires de féodalisme ne peuvent pas être éliminés par un coup de baguette magique, alors il faut mener la lutte et édicter un certain nombre de règles, pour que le débat d'idées ne soit pas réprimé, étouffé par des gens qui y ont intérêt.
   
La Chine, c'est l'exemple le plus avancé, le plus vivant du socialisme, pour moi. Non seulement on prend en compte l'amélioration des conditions de vie et de travail du peuple, et la nécessité que le peuple chinois devienne effectivement le maître collectif de sa destinée mais aussi, le Parti communiste chinois, par l'analyse de la situation internationale qu'il fait, la lutte qu'il mène contre les deux super-puissances et les dangers de guerre, nous apporte une aide irremplaçable. L'exemple de la Chine ne nous empêche pas, bien au contraire, de réfléchir par nous-même, afin d'agir chez nous, dans des conditions différentes, pour faire progresser les choses dans le sens de la révolution, du socialisme.

 ç page précédente

Suite è

RETOUR