REVOLUTION PROLETARIENNE n°2. janv 1975
revue politique mensuelle du Parti Communiste Révolutionnaire (m-l)

Pages 25 à 32

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A BAS LE SOCIAL-IMPÉRIALISME SOVIÉTIQUE (1)

En Union Soviétique, le pouvoir prolétarien qui avait résisté aux assauts extérieurs de l'impérialisme a succombé après la mort de Staline aux assauts intérieurs de la nouvelle bourgeoisie soviétique. Incapable de détruire par la violence le socialisme, la bourgeoisie l'a détruit pacifiquement. Et sous l'impulsion de ses nouveaux dirigeants bourgeois, l'Union Soviétique s'est engagée rapidement dans la voie de la restauration du capitalisme. De nombreux faits témoignent du rétablissement du capitalisme : la concurrence entre les entreprises, la réhabilitation du profit, des salaires des dizaines de fois plus élevés pour les nouveaux bourgeois que pour les travailleurs, une idéologie décadente se greffant sur les nouveaux rapports économiques instaurés, la liquidation progressive de l'agriculture collective, une dictature de type fasciste pesant sur le peuple travailleur.
Devenue un pays capitaliste, l'Union Soviétique a instauré une politique extérieure de grande puissance, basée sur le pillage impérialiste, l'extension du militarisme et les tentatives d'hégémonisme exercées sur de nombreuses régions du monde.

le pillage soviétique des pays d'europe de l'est

Un diktat économique
Profitant, comme ils le disent, du "haut potentiel économique et scientifique" de l'URSS, ces nouveaux impérialistes ont exigé "un rôle dirigeant dans le COMECON". Is ont contraint les autres pays à "coordonner" leurs plans avec le plan soviétique, suivant une "division internationale du travail". Ils déterminent ainsi à la place des pays concernés : "la valeur globale de la production et les variétés de produits", "le volume des transports et des investissements internationaux". En ce qui concerne les matières premières et les produits de l'industrie, la situation de ces pays vis-à-vis de l'URSS n'est pas au départ la situation classique des pays opprimés, faiblement développés économiquement, vis-à-vis de leurs exploiteurs impérialistes. En effet, plusieurs de ces pays étaient déjà industriellement développés, tandis que l'URSS dispose de son côté de ressources très importantes en matières premières. Aussi, les sociaux-impérialistes ont mis à profit leur supériorité économique d'ensemble et leur oppression politique et militaire pour trafiquer sur les matières premières produites en URSS même.

Echange inégal d'un nouveau genre
Etant à l'origine de plus de la moitié des exportations en matières premières à l'intérieur du COMECON, ils y ont construit des usines faites pour travailler exclusivement avec leurs matières premières. De la sorte, ils vendent leur pétrole deux fois plus cher aux pays du COMECON qu'aux pays capitalistes occidentaux. En l'espace de dix ans, ils ont extorqué ainsi un super bénéfice de près de quatre milliards de roubles sur leurs exportations de pétrole, de minerai de fer, de charbon et de coton non égrené. Pour se placer dans la concurrence inter-impérialiste, ils exigent le paiement de leur pétrole en marchandises exportables vers l'ouest. Et, non contents de ces super-bénéfices, voilà qu'ils prétendent faire payer aux pays du COMECON une "rente" supplémentaire afin de pouvoir investir dans l'exploitation de leurs gisements de pétrole de Sibérie difficilement accessibles.

Mieux, ils obligent depuis plusieurs années les pays du COMECON à investir dans l'extraction des matières premières en URSS, sous la forme d'entreprises dont ils gardent le contrôle et les profits. En quatre ans, quatre milliards de couronnes tchèques ont ainsi été absorbés pour construire des complexes de cellulose en Sibérie, de sidérurgie à Koursk ou de phosphore en Ukraine. D'un autre côté, les produits fabriqués par les pays du COMECON sont importés à bas prix en Union Soviétique.
Les fraiseuses fabriquées en République Démocratique allemande sont exportées en URSS avec des réductions de 20 à 30%, et le prix d'une locomotive fabriquée dans un pays du COMECON, calculé en pétrole soviétique, revient à trois fois moins que ce qu'elle reviendrait sur le marché international. Par le jeu de cet échange inégal d'un nouveau genre, les sociaux-impérialistes ont extorqué en dix ans une valeur de quinze milliards de dollars à leurs "partenaires" du COMECON.
Mais si l'étendue des ressources en matières premières de l'URSS et le fait que certains pays du COMECON étaient déjà industrialisés entraînent l'existence d'un nouveau genre de trafic, les rapports que les sociaux-impérialistes entretiennent avec ces pays tendent de plus en plus à prendre les traits de rapports impérialistes classiques.

Des rapports impérialistes classiques
D'une part, les matières premières des pays du COMECON sont bien moins transformées à l'intérieur des différents pays producteurs que celles produites en URSS (la proportion des matières premières exportées par rapport à celles qui sont produites est, pour la RDA, le double de celle de l'URSS, pour la Hongrie, le triple, et pour la Bulgarie, elle est cinq fois plus élevée) : les pays du COMECON sont en train de se transformer en réserves de matières premières pour l'URSS. Tel est le cas de la Bulgarie qui exporte en Union Soviétique la moitié de ses produits agricoles.
Dans le même temps, les sociaux impérialistes, sous prétexte de "spécialisation internationale", s'attachent à faire régresser l'industrie des pays du COMECON et à la rendre dépendante. Ils ont contraint soixante usines textiles d'Allemagne de l'Est à cesser leur production, et ce pays a dû abandonner ses productions d'avions, de tracteurs, d'automobiles, et restreindre sa production métallurgique. De plus en plus, l'industrie des pays du COMECON est réduite à la fabrication annexe aux productions soviétiques. Ainsi pour les ordinateurs, dont les éléments principaux sont fabriqués exclusivement en URSS, les autres pays doivent se limiter aux pièces et accessoires.

le pillage soviétique des pays du tiers-monde

Voilà de longues années que l'Europe de l'Est est soumise au pillage impérialiste de l'URSS. Mais l'appétit vient en mangeant : non contente d'exploiter les pays du COMECON, l'Union Soviétique en est venue, ces dernières années, à étendre cette exploitation aux pays du tiers-monde. Suivant l'exemple des autres impérialistes, elle pille les matières là où elles sont les moins chères. Ces importations ne cessent d'augmenter: elles se sont multipliées par sept en l'espace de quinze ans, et par plus de dix en l'espace de douze ans pour les métaux non ferreux. Pour accentuer ce pillage et cette dépendance, l'Union Soviétique a envoyé dans plus de vingt pays du tiers-monde des géologues qui recherchent pour elle des matières premières à bon marché. Ce trafic présente tous les caractères du pillage impérialiste ; c'est ce que montre avec éloquence l'exemple du pétrole du Moyen-Orient.

Le pétrole du Moyen-Orient
-- principe du moindre coût : l'URSS est depuis longtemps exportatrice de pétrole, ce qui lui sert notamment à maintenir les pays d'Europe de l'Est sous sa dépendance.
Mais une tonne de pétrole du Moyen-Orient revient à vingt dollars de moins que celle des régions soviétiques reculées. Et, de ce fait, on a vu en cinq ans les importations soviétiques de pétrole moyen-oriental multiplier par cent vingt ou cent cinquante fois, les prévisions étant de cinquante à cent millions de tonnes pour 1980.
-- exportation de capitaux : dans un pays du Golfe arabo-persique, les sociaux-impérialistes ont investi trois cents millions de dollars dans une vaste concession pétrolière, accaparant des dossiers économiques importants et exigeant le remboursement en pétrole et gaz à bon marché. Ils ont construit en Iran un gazoduc en direction de l'URSS, afin de pouvoir piller le gaz naturel de ce pays.
-- commerce inégal ; l'URSS contraint certains pays, pour lui rembourser leurs dettes, à signer des accords de fourniture de pétrole à un prix inférieur de 20% à celui du marché mondial. Elle revend quatre fois plus cher aux pays européens le gaz naturel acheté en très grandes quantités à l'Iran (à l'heure actuelle, ce commerce porte sur huit milliards de mètres cubes par an). Dans le même temps, l'URSS vend très cher ses produits finis aux pays du Moyen-Orient : l'Egypte doit payer 13% (et parfois même jusqu'à la moitié) plus cher les mêmes produits que ceux que l'Allemagne de l'Ouest achète en URSS. Dans une autre région, en Afrique, le prix d'un camion soviétique calculé en tonnes de cacao, exportées en URSS, a triplé en deux ans.

Rendre les pays dépendants
Dans leur politique impérialiste de pillage du tiers monde, les nouveaux bourgeois de Moscou ont, à l'origine, utilisé les formes de l'aide socialiste, mais en les transformant et en changeant leur contenu en son contraire. Sous prétexte d'"aider" certains pays à réaliser des projets de développement, ils leur ont consenti des prêts, qu'ils ont assortis de conditions commerciales : livraison massive de matières premières à bas prix et achat de matériel soviétique démodé. Comme l'écrivait "La Pravda" : "c'est une erreur de considérer l'aide à l'étranger comme une sorte d'aumône et une perte d'argent... une telle aide n'est pas gratuite comme certains camarades le pensent". De cette façon, le social-impérialisme met littéralement la main sur l'économie de certains pays. L'Inde doit en même temps importer les produits soviétiques à des prix de 20 à 30% supérieurs à ceux du marché mondial et exporter ses matières premières à des prix inférieurs dans les mêmes proportions. Plus de la moitié de son industrie pétrolière et d'équipements électriques, la quasi-totalité de ses machines lourdes, le tiers de son acier sont sous contrôle soviétique, la production étant soumise aux standards, à la variété et aux quantités décidés en URSS, et les prix des produits étant fixés par ce pays. De surcroît, ces industries sont un débouché obligatoire pour les produits soviétiques ; comme le complexe mécanique d'Hardvar, qui doit utiliser les pièces et ensembles fournis par l'URSS.
Mais, encore insatisfaite de ce système et craignant qu'il ne prenne fin avec le remboursement des dettes contractées auprès d'eux, les sociaux-impérialistes en viennent aujourd'hui ouvertement aux vieilles solutions capitalistes, jusque dans la forme : leurs économistes ne tarissent pas d'éloges pour le système de l'installation dans les pays du tiers-monde de sociétés par actions soviétiques.

Un faux ami des peuples
L'Union Soviétique, qui se présente comme un ami des pays du tiers-monde, met en fait à profit toutes les occasions pour se livrer à leurs dépens à de honteux trafics ; c'est ainsi que, pendant la guerre d'octobre, elle a doublé le prix des armes qu'elle vendait à l'Irak, l'obligeant à payer en pétrole qu'elle a revendu trois fois plus cher à l'Allemagne de l'Ouest. Tout en soutenant en paroles l'embargo sur le pétrole à destination des Etats-Unis, décidé par les pays arabes, elle a exporté aux USA quinze millions de gallons de pétrole , en trois mois, pendant cette période.
Les sociaux-impérialistes n'ont aucun titre pour se présenter comme des défenseurs des pays en voie de développement. N'ont-ils pas déclaré d'ailleurs, en totale contradiction avec toute leur démagogie : "Bien que le pétrole arabe soit, formellement propriété arabe, il est en réalité propriété internationale. Il est un produit dont dépendent la vie du monde moderne et ses industries". A la session spéciale de l'ONU sur les matières premières, ils se sont opposés violemment à ce que la déclaration finale, préparée par les pays du tiers monde parle d'un "nouvel" ordre économique international, montrant leur attachement à l'ancien ordre de pillage et d'oppression. Ils ont prétendu que la déclaration devait être conforme aux intérêts de tous les "groupes de pays", c'est-à-dire à ceux des impérialistes comme à ceux des pays qu'ils oppriment, et donc en fin de compte à ceux des impérialistes. Ils ont rejeté l'idée que le mouvement de décolonisation était "le plus important succès" des trente dernières années. L'opposition ferme et unanime que ces manœuvres ont rencontrée de la part des pays du tiers-monde montre bien que, malgré sa démagogie, le régime soviétique est de plus en plus démasqué pour ce qu'il est : non plus un pays socialiste fraternel aux peuples en lutte, mais un nouvel impérialisme, un des deux plus grands pillards de notre époque, qui se dispute avec l'autre pour le partage du monde.

l'extension du militarisme soviétique

La restauration du capitalisme en URSS a transformé ce pays en une puissance impérialiste. Sur le plan militaire, son potentiel agressif n'a cessé de croître. Sous le couvert de "défense de la paix mondiale", de "détente", malgré la multiplication de plans de "désarmement", de "non prolifération des armes nucléaires", l'Union Soviétique se livre avec les USA à une course aux armements, au déploiement d'une force d'agression dans diverses parties du monde.
Depuis un peu plus de 10 ans, l'Union Soviétique a préparé et signé un certain nombre de traités de "désarmement" mais tous ces accords ont pour but de permettre à l'URSS et aux USA de poursuivre seuls le développement des forces militaires (classiques ou nucléaires) bénéficiant ainsi d'une situation de monopoles vis à vis des autres pays.
En 1963, l'URSS et les USA signaient un accord interdisant les essais nucléaires dans l'atmosphère. Mais depuis plus de 10 ans, l'Union Soviétique a effectué plus de 400 essais souterrains. Cet accord de 1963 ne gênait en rien le social-impérialisme (ni les USA) qui pouvait, à ce stade, poursuivre ces essais sous terre. Ce traité n'avait pour but que de maintenir aux mains de l'URSS et des USA le monopole nucléaire. En outre, depuis cette date, l'URSS a multiplié les essais de fusées en tout type dans le but d'améliorer la qualité de ses missiles balistiques intercontinentaux, qui sont passés de 100 en 1963 à plus de 1500 en 1973, les missiles balistiques installés sur sous-marins étant 5 fois supérieurs à ceux de 1963.

En 1968, un nouvel accord était signé portant sur la "non-prolifération des armes nucléaires". C'est précisément après cette date que l'Union Soviétique a doté sa marine de sous-marins nucléaires pouvant lancer des missiles balistiques à longue portée, disséminant ainsi l'arme nucléaire dans tous les océans du monde, le nombre de ces sous-marins est passé de 7 en 1968 à 39 en 1972. Voilà comment dans les faits l'Union Soviétique envisage la "non-prolifération des armes nucléaires".
En mai 1972, l'accord URSS-USA prétendait porter sur la "limitation des armes stratégiques offensives". Or, à cette époque, le problème de l'URSS n'était plus d'accroître le nombre de ses missiles, mais de les moderniser. Il s'agissait alors de diversifier les types d'armements nucléaires, d'augmenter la force d'intervention nucléaire en respectant le "quota" précisé par l'accord. Dans un laps de temps d'un peu plus d'un mois après la signature de cet accord, l'Union Soviétique a effectué 7 essais de missiles intercontinentaux et 8 essais de missiles balistiques lancés par sous-marins, soit un essai tous les 3 ou 4 j'ours. Sans sortir de la "norme" de l'accord, elle a procédé, en janvier et février 1974, au lancement de vecteurs dans le Pacifique. Le but de ces essais était d'expérimenter divers types de missiles balistiques intercontinentaux, y compris des MIRV (Missiles à têtes multiples indépendamment guidées). La signature de l'accord de 72 a simplement permis à l'URSS de gagner du temps pour rattraper et dépasser les USA pour les armes stratégiques en quantité comme en qualité.
L'URSS dispose, avec le Pacte de Varsovie, d'un dispositif d'agression sur l'ensemble de l'Europe. Depuis 1968, les troupes soviétiques (fortes de 600.000 soldats soviétiques stationnés hors de l'URSS, dans les pays d'Europe de l'Est) ont augmenté de 20% et les forces aériennes tactiques de 50%. Les 3/4 des missiles de moyenne portée sont braqués vers l'Europe. Aux frontières aussi de l'URSS, 700 missiles à tète nucléaire sont dirigés en permanence contre l'Europe occidentale. Le pacte de Varsovie, à l'ouest de l'Oural, dispose de 45.000 blindés et de 2850 avions de guerre de différents types. Rien qu'en Europe, 3500 ogives nucléaires sont sous contrôle soviétique.

Tous les accords de désarmement signés entre l'URSS et les USA prennent soin d'éluder les questions essentielles et les engagements tout à fait concrets : jamais ils n'ont osé s'engager à ne pas employer les premiers à aucun moment et dans aucune circonstance les armes nucléaires ; jamais ils n'ont envisagé l'interdiction générale et la destruction totale de ces armes ; jamais ils n'ont envisagé d'évacuer les forces nucléaires stationnées en dehors de leur propre territoire. Régulièrement, depuis l'époque de Khrouchtchev, l'Union Soviétique propose de réduire de 10% les dépenses militaires , afin de venir en aide aux pays sous-développés. Cette proposition "généreuse" se heurte à un "petit inconvénient" Dans tous les pays, le budget militaire relève du secret national ; il se pose donc deux questions : comment évaluer les budgets militaires et combien l'Union Soviétique dépense chaque année.
En 1958, l'URSS a proposé de réduire de 10 à 15% les dépenses militaires. En 1961, les dépenses soviétiques avaient augmenté de 23% par rapport à 1958. De 1965 à 1973, le chiffre net de l'augmentation des dépenses militaires fut le double de celui de l'époque de Khrouchtchev. Actuellement, le nombre de missiles balistiques est 4 fois supérieur à celui de 1968. Le tonnage des bâtiments de guerre a doublé ces dix dernières années. Cette expansion des armements équivaut à une augmentation inévitable des dépenses militaires. Le caractère démagogique des propositions soviétiques en matière de réduction des dépenses militaires apparaît avec évidence aux yeux des peuples du monde car les chiffres officiels publiés par les soviétiques (qui sont bien inférieurs à la réalité) sont les suivants : en 1958, les dépenses militaires officiellement reconnues s'élevaient à 9,3 milliards de roubles et en 1964 à 13,3 milliards (soit une augmentation de 40% en 6 ans) et en 1972 à 17,9 milliards (soit une augmentation de 90% par rapport a 1958). Ces 17,9 milliards de roubles (soit 20 milliards de dollars) est le chiffre publié par l'Union Soviétique. L'institut d'études stratégiques de Londres les évalue à 70 ou 80 milliards de dollars. Dans ces conditions, sur quels chiffres pourraient être basés les 10% ?

Non seulement l'Union Soviétique s'arme jusqu'aux dents, mais elle se conduit vis à vis des peuples en lutte comme un vulgaire marchand de canons. Toutes les armes envoyées à titre d'"aide" aux pays arabes ont été vendues à un prix élevé, payables comptant et en devises à tel point que certains pays furent obligés de se procurer des dollars US sur le marché européen. Vers 1960, l'Union Soviétique avait une clientèle de 6 pays qui lui permettaient d'empocher 95 millions de dollars, soit 11,3% du commerce mondial de matériel de guerre. Vers 1970, plus de 20 pays lui rapportait 37,5% du total mondial. Dépassant les USA, l'URSS est devenue le premier trafiquant de canons du monde.
En 1966, l'aide économique de l'URSS au tiers-monde était de 1,24 milliard de dollars et ses exportations d'armes lui rapportaient 300 ou 400 millions. En 1972, la vente d'armes lui a rapporté, 1,1 milliard .de dollars, l'"aide économique" n'était que de 580 millions. L'URSS a pour marchés principaux de ses armes le Moyen-Orient et l'Amérique du Sud. Durant la guerre indo-pakistanaise de 1965, les USA et la Grande Bretagne ayant mis l'embargo sur le matériel de guerre, l'Union Soviétique saisit l'occasion pour acheminer en Inde de considérables quantités d'armes. Fin 1971, elle incita l'Inde à déclencher une guerre d'agression pour démembrer le Pakistan et gagna ainsi des profits considérables en lui fournissant des avions, des tanks et des engins téléguidés d'une valeur de plus de 750 millions de dollars.

Les tentatives de pénétration dans le tiers-monde

La soif de rapine des impérialistes les a toujours amenés à vouloir contrôler intégralement, sur le plan politique et militaire, les pays auxquels ils veulent étendre leur pillage ; ceci dans le but de faire face à la volonté d'indépendance des peuples et à la concurrence de leurs rivaux impérialistes. Lorsque l'URSS est apparue sur la scène mondiale comme un nouvel impérialisme, elle s'est immédiatement heurtée à l'impérialisme dominant à l'époque : l'impérialisme US, qui possédait de multiples colonies et néo-colonies et qui avait plus ou moins établi son influence dans les pays impérialistes européens qui contrôlaient les autres. L'URSS n'a pas cessé depuis de tenter de mettre à profit l'affaiblissement de l'impérialisme US et des impérialismes européens sous les coups des peuples en lutte pour leur indépendance, afin de se glisser à leur place. La clef de cette expansion est la lutte contre l'impérialisme US pour l'hégémonie mondiale. Ses limites résident dans la force de l'adversaire, mais plus encore dans la lutte des peuples pour leur indépendance, qui la rend déjà difficile.

Le Moyen-Orient et la Méditerranée et la région du Golfe arabo-persique constituent aujourd'hui un secteur d'affrontement entre les deux super-puissances.
Le Moyen-Orient est la charnière de l'Europe, de l'Asie et de l'Afrique d'une part, de la Méditerranée et de l'Océan Indien d'autre part avec le Canal de Suez. Le Moyen-Orient et la région du Golfe constituent d'autre part les principales réserves du monde de pétrole à bon marché. Le social-impérialisme n'a cessé de manœuvrer pour arracher à son rival cette source de profits fabuleux qui constitue en outre une région stratégique, du fait que la politique impérialiste des pays d'Europe occidentale les a placés sous la dépendance énergétique de cette région et partant de l'impérialisme qui la contrôle. C'est dire que la lutte pour le contrôle de l'Europe se joue pour une part dans cette région du monde.
Au Moyen-Orient, la politique social-impérialiste a consisté depuis des années à entretenir la situation de "ni guerre ni paix". Le social-impérialisme met à profit l'agression du sionisme et de l'impérialisme US contre les peuples et les pays arabes pour imposer son contrôle par le biais de "l'aide" militaire politique et économique. Il vise en même temps à maintenir dans la région le foyer de troubles que constitue L'Etat sioniste, afin de poursuivre cette politique d'"aide" et de limiter l'expansion de l'Etat sioniste, du fait qu'il est un instrument de l'autre superpuissance.
A la faveur de la défaite subie par les pays arabes en juin 1967, le social-impérialisme est ainsi devenu le grand fournisseur d'armes de plusieurs pays arabes, passant aussi avec eux des accords politiques et économiques pour les placer sous sa dépendance. Il a toujours manœuvré de façon à ce que les pays arabes ne soient pas maîtres de l'armement qu'il leur fournit, gardant le contrôle technique et limitant les munitions, donnant ses fournitures de façon à pouvoir arrêter à son gré, comme en octobre 73, toute offensive des pays arabes en vue de libérer leurs territoires. Il a renforcé ainsi de la sorte la dépendance financière des pays arabes, qui se trouvent considérablement endettés à son égard, mettant à profit cette situation pour se faire livrer, comme en octobre 73, du pétrole contre des armes. Depuis la guerre d'octobre, l'impérialisme US ayant su profiter de la nouvelle situation dans la région pour marquer des points dans les pays arabes, le social-impérialisme s'est découvert une grande aversion pour la "solution par étapes" qu'il réclamait autrefois, tout simplement parce qu'elle se faisait maintenant sans lui ; il s'est proclamé soutien du peuple palestinien, dont il condamnait en 1970 les guérilleros comme des terroristes. Ce que vaut ce soutien, on le comprend quand on voit qu'en même temps, le social-impérialisme accepte de faire passer à 80.000 pour 18 mois le rythme de l'émigration des juifs soviétiques vers "Israël", ce qui constitue une augmentation considérable.

On ne peut séparer l'expansion du social-impérialisme au Moyen-Orient de son expansion en Méditerranée. C'est en effet à la faveur de la guerre de juin 67 que la flotte soviétique a pénétré massivement en Méditerranée, y obtenant de multiples facilités portuaires.
Cette flotte atteint aujourd'hui 50 à 60 unités (soit plus que la VIe flotte US) et 90 dans les périodes de crise. Elle vise à assurer à l'URSS le passage vers l'Océan Indien et au-delà le Pacifique par le canal de Suez et en même temps à menacer le flanc sud de l'Europe. On a pu voir l'importance stratégique de cet enjeu au moment de la crise de Chypre, quand les sociaux-impérialistes ont tourné leur veste, soutenant la Grèce après avoir soutenu la Turquie, faisant mouvement par mer vers l'île et mobilisant 7 divisions aéroportées, tentant de s'immiscer dans les affaires de l'île par le biais de l'ONU. C'est que l'Île de Chypre contrôle précisément la route maritime des Dardanelles au canal de Suez, route décisive pour le social-impérialisme dans son expansion vers le Golfe arabo-persique et l'Océan Indien.

Une autre direction dans la: quelle s'exerce la poussée social-impérialiste est en effet l'Asie du Sud et l'Océan Indien.
En ce qui concerne l'Asie du Sud, on se souvient comment l'URSS s'est infiltrée en Inde; par exemple en soutenant l'expansionnisme indien dans ses agressions contre la Chine et le Pakistan.
Aujourd'hui, l'Inde est pour une large part devenue une néo-colonie du social impérialisme, qui contrôle par exemple à 80% son industrie de machines-outils. L'expansionnisme indien est l'instrument principal des menées social-impérialistes dans la région. En quelques années, on a pu voir :
1) un premier pas dans le démembrement du Pakistan, Etat indépendant et membre du CENTO (Alliance mise en place par l'impérialisme US), avec l'affaire du Bangla-Desh. On se souvient que cette affaire s'est déroulée sous le signe du "traité de coopération" signé en août 71, trois mois avant l'agression, entre l'URSS et l'Inde, traité sous le couvert duquel se sont faites les livraisons massives d'armes qui ont permis le succès de l'opération.
2) Quelques temps après, un coup d'Etat renversait le monarque de l'Afghanistan, et hissait au pouvoir un membre de sa famille connu pour ses sympathies pro-soviétiques. Immédiatement, le nouveau pouvoir engageait une campagne pour la réalisation du "grand Patchounistan", qui visait à poursuivre le démembrement du Pakistan par l'annexion de sa partie nordique. Une agitation séparatiste était entretenue à la charnière de l'Iran et du Pakistan parmi, les populations balouches, agitation alimentée par des armes soviétiques.
Un coup d'œil sur la carte montre aisément à quoi l'on a affaire, il s'agit pour le social-impérialisme de se frayer par les mêmes méthodes de subversion que la CIA une voie terrestre vers l'Océan Indien. Tel est le sens des propositions de "traité de sécurité collective en Asie", agitées à maintes reprises par le social-impérialisme : se substituer dans ce continent à l'impérialisme US et encercler la Chine Socialiste. L'océan qui baigne cette région, l'Océan Indien, est également un des terrains où s'exerce la rivalité soviéto-US. Commencée en 1965 sous prétexte de "visites" dans les ports indiens, la pénétration social-impérialiste y est aujourd'hui très avancée, comportant une flotte permanente de 30 à 40 navires de guerre et plus de 10 ports de bases où l'URSS a des facilités de mouillage. L'Océan Indien est en effet une base d'agression possible contre les pays asiatiques, et le deuxième maillon de la voie de passage entre l'Atlantique et le Pacifique, le premier étant constitué par la Méditerranée. Tandis que le social-impérialisme peut espérer voir à court terme la réouverture du canal de Suez qui joint la Méditerranée au Pacifique, ses navires de guerre ont systématiquement violé le détroit de Malacca, voie de passage entre le Pacifique et l'Océan Indien, située dans les eaux territoriales de la Malaysia et de l'Indonésie. C'est à son propos notamment que le social-impérialisme se détermine pour "l'internationalisation" des détroits. L'importance de l'enjeu que constitue l'Océan Indien est indiquée par la réaction du rival américain, qui tente aujourd'hui de combler son retard en installant une base géante dans l'île de Diego Garcia.
L'activité du social-impérialisme s'étend également a l'Afrique, où il tente particulièrement de pénétrer sur la côte est, et l'Amérique Latine en prenant pour base Cuba ; il a installé là-bas une base pour sa flotte qui croise en mer des Caraïbes, autre secteur stratégique vital, et une base de télécommunication : à partir de là, ses navires s'infiltrent tout le long de la côte de l'Amérique du Sud. Cependant, à la faveur des contradictions qui se développent entre les pays d'Amérique Latine et les USA, il amorce une pénétration commerciale, quitte à consentir un lourd déficit, et vend même des armes dans ces pays.

En considérant l'ensemble de cette situation, on peut conclure que le social-impérialisme a marqué des points contre son rival US dans la lutte pour le contrôle du Tiers-Monde. Il reste que sa progression commence à se heurter au principal obstacle qu'elle est appelée à rencontrer : la volonté d'indépendance du Tiers-Monde. La marque "socialiste" sur laquelle il avançait, profitant du passé glorieux de l'URSS de Lénine et de Staline, est sérieusement fissurée. A l'ONU, les divers pays du Tiers-Monde ont rejeté énergiquement les tentatives social-impérialistes pour supprimer la mention d'un "nouvel ordre économique" dans la résolution sur les matières premières, affirmant nettement que cela revenait à défendre l'ancien ordre, l'ordre impérialiste. De même, dans la conférence sur le droit des mers, ils ont rejeté ses prétentions à maintenir l'ancienne limite des eaux territoriales, à internationaliser les détroits, etc...
La conscience du caractère impérialiste de l'URSS se manifeste dans le mouvement des masses populaires du Tiers-Monde elles-mêmes. C'est ainsi qu'au Bangla-Desh, trois ans après l'agression indienne perpétrée avec son soutien sous prétexte de "libération", le nouveau régime est de plus en plus ouvertement honni des masses, comme on a pu le voir à l'occasion du voyage du président du Pakistan, qui a donné lieu à des manifestations contre l'expansionnisme indien. C'est la force qui arrêtera irrésistiblement la poussée social-impérialiste dans le Tiers-Monde.

(prochain article : l'Europe, les marxistes-léninistes et l'Indépendance Nationale). 

 

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