LE 21 éme
CONGRÈS DU P"C"F, UNE VOIE SANS ISSUE
Au lendemain de l'élection de
Giscard d'Estaing le 19 mai 74, les dirigeants du parti
révisionniste affichaient leur satisfaction: jamais,
selon eux, la "gauche unie" n'avait réuni un bloc de
voix aussi important, frôlant de peu la
majorité absolue. Ce n'était certainement pas
le sentiment des travailleurs qui avaient voté
Mitterrand sans enthousiasme, sans grandes illusions,
simplement parce qu'ils ne voulaient plus voir les
mêmes politiciens au gouvernement, et notamment
Giscard, parce que, pensaient-ils, de toute manière,
ça ne pourrait être pire qu'auparavant avec
Mitterrand. Pour eux, l'élection de Giscard
signifiait qu'en principe, dans le cadre électoral,
pendant 7 ans ils ne pouvaient s'attendre à aucun
changement significatif si ce n'est à l'aggravation
de leurs conditions de vie.
Déception
d'autant plus grande que le parti révisionniste avait
laissé entendre que les meilleures conditions
étaient réunies pour une victoire
électorale de la "gauche". Et dans une large mesure,
c'était vrai: "l'union de la gauche"
présentée par le P"C"F depuis des
années comme la panacée,
réclamée, attendue, préparée,
avait enfin abouti au "programme commun" deux ans à
peine plus tôt. Elle conservait donc encore un certain
pouvoir d'illusions malgré les législatives de
1973, une certaine "dynamique". D'autre part, il ne
s'agissait plus d'élections législatives
où les découpages et les modes de scrutin
électoraux déforment le score réel des
différents partis bourgeois, mais d'élections
présidentielles où la "gauche" et la droite
peuvent se compter voix par voix, à l'échelon
du pays. Enfin, lors de ces élections
provoquées par la mort de Pompidou, les candidats
officiels de la bourgeoisie apparaissaient au premier tour
divisés face à un candidat unique de la
"gauche".
*
Pour offrir, malgré cet
échec particulièrement sensible, une
perspective crédible, la direction du P"C"F, Marchais
en tête, se lançait dans une sorte de fuite en
avant vers un réformisme et un électoralisme
encore plus ouverts et avoués
qu'auparavant.
L'échec
électoral est expliqué ainsi: il n'y a pas eu
de majorité électorale pour la " gauche " dans
la mesure où la "gauche" semblait encore trop vouloir
"passer à la construction d'une société
socialiste". La conclusion est; elle aussi, claire: il faut
carrément abandonner, même à titre
d'horizon lointain, l'idée de socialisme et gagner de
nouveaux électeurs en leur précisant bien
qu'il ne s'agît absolument pas de changer de
société, que le programme commun ne touche en
rien au système capitaliste et ne débouche pas
obligatoirement du tout sur le socialisme.
C'est le sens du
nouveau slogan "Union du peuple de France pour le changement
démocratique". Le 21° congrès
extraordinaire, convoqué pour fin octobre 74, devait
normalement ratifier cette orientation. C'est ce que
Marchais a expliqué avec beaucoup de cynisme et de
sans gêne à deux journalistes bourgeois. Harris
et Sédouy, quelques jours seulement après le
Comité Central de juin: "Qu'est-ce que je leur ai dit, aux
camarades, à ce Comité Central ? .... Je leur
ai dit ceci: (...) nous sommes un grand Parti: 400.000
membres; 21.000 cellules, etc. Mais malgré cela, nous
sommes incapables de réaliser tous seuls les
transformations que nous souhaitons. Se pose donc le
problème de savoir avec qui s'allier... En
l'occurrence, le Parti Socialiste et les radicaux de
gauche... Résultats aux présidentielles: 49,2%
des voix: 13 millions d'électeurs ont voté
pour nous...
On peut se
féliciter... Mais on n'a toujours pas la
majorité... Et même, franchirions nous la barre
avec 50,02% que ce serait pour nous encore insuffisant,
cette majorité formelle... Il nous faut un courant
qui rassemble beaucoup plus de monde, si nous voulons
réussir l'expérience que nous proposons.
Déjà, à bien regarder les
résultats, on s'aperçoit que nous mêmes,
mais surtout le Parti Socialiste, n'avons pas fait le plein
au premier tour. (...)
Bref, au second tour,
l'alliance de la gauche a fait le plein des voix sur
lesquelles elle pouvait compter. Alors ? Alors j'ai dit
aussi cela au Comité Central et je le redis dans le
Parti, partout où je vais: que cela nous plaise ou
non, il n'y a pas aujourd'hui en France de majorité
qui souhaite "passer à la construction d'une
société socialiste"... Je dis aux militants:
si nous nous battons sur ce mot d'ordre, vous allez
fêter le 100° et même le 150°
anniversaire du Parti dans l'opposition... Vous et vos
enfants... et la bourgeoisie continuera de diriger le
pays...
Il ne faut
donc pas que le programme de transformations que nous
proposons aux Français soit tellement avancé
qu'il entraîne un phénomène de rejet
chez des gens que nous pouvons gagner. (...) D'ailleurs, on ne changera pas de
société puisque, de sociétés, il
n'y en a que deux : capitaliste ou socialiste. Mais on
changera des choses qu'il est indispensable de changer avant
d'aller plus loin. Ceux qui croient au "grand soir",
à la révolution, se font des illusions, dans
un pays développé comme le
nôtre. (...)
- - Le programme commun, vous y
tenez toujours autant ?
Du point de vue de son
contenu fondamental, oui. Mais évidemment, il faudra
lui faire subir des adaptations conjoncturelles. C'est
l'évidence... Surtout si la prochaine
échéance électorale est dans deux ou
quatre ans.
- - Et si des élections
ont lieu dans 6 mois ?
Nous ferons aussi des
adaptations conjoncturelles du programme commun. (...) Si
nous nous assignons comme objectif premier de COMMENCER la
transformation socialiste, si c'est cela notre mot d'ordre,
ce n'est pas 13 millions de voix que nous aurons, c'est
10... Il faut tout de même se décider à
voir les gens comme ils sont, et pas comme on voudrait
qu'ils soient..." (Harris et
Sédouy P 428-429).
*
De fait, toute la préparation
du congrès a été axée sur
l'abandon du mot d'ordre de socialisme. Marchais
déclarant au lendemain du CC: "II ne s'agit pas de socialisme, pas
non plus du commencement de la construction du socialisme.
Il s'agit de réformes
démocratiques". Et au CC:
"la majorité de
notre peuple n'est pas disposée à passer au
socialisme". Voilà qui
tranche avec les formules employées encore par
Waldeck Rochet, au lendemain de mai 68 : "Le socialisme se trouve à
l'ordre du jour, en France comme partout dans le monde... La
classe ouvrière, la majorité du peuple doivent
être conquises à l'idée et à la
pratique d'une transformation socialiste de la
société". (Manifeste
de Champigny).
A partir de là,
à partir de cet abandon avoué de l'objectif du
socialisme, la direction du P"C"F espérait
élargir au maximum ses bases électorales, les
étendre à tout un électorat
réactionnaire : "Aujourd'hui, est-ce au socialisme que
nous voulons gagner la masse de ceux qui n'ont pas encore
rejoint le combat pour des objectifs simplement
démocratiques ? Non, c'est à ces objectifs
démocratiques que nous voulons les gagner". A partir du moment où disparaît
même l'idée d'un passage au socialisme, le
rassemblement essentiellement électoral autour
d'"un changement
réel" pouvait en effet
englober à peu près toutes les classes
sociales: "Fixons-nous
une limite à ce rassemblement ? Notre réponse
est catégorique: Non, aucune limite, à l'exception de la
poignée de féodaux des grandes affaires et de
leurs commis politiques."
Le P"C"F a alors
particulièrement en vue ce qui reste de
l'électorat gaulliste. Après la défaite
de Chaban, Marchais ne s'en cache pas et fait, à la
télévision même, des avances publiques
à Sanguinetti, dès, qu'est acquise
l'élection de Giscard. Il souligne dans son rapport
au CC: "Je le dis en
pesant mes mots: nous tenons le rapprochement avec les
travailleurs et patriotes gaullistes comme une des questions
déterminantes de la réalisation de l'union du
peuple français qui est notre objectif". Ainsi, des politiciens gaullistes comme
Charbonnel, traité quelques mois auparavant de
fasciste parce qu'il menaçait certains fonctionnaires
de sanctions, se verraient félicités et
encouragés dans leur opposition à Giscard
d'Estaing. Ainsi aura lieu une rencontre officielle entre
des responsables de la J"C" et ceux de l'UJP, sorte
d'antichambre de l'UDR réservée aux plus
jeunes et dont certains servaient de force d'appoint aux
nervis des SAC.
L'autre perspective
d'alliance sur laquelle le P "C"F insiste
particulièrement, ce sont " les petits et moyens
entrepreneurs": "atteints par les mesures de
concentration du capital, ils s'interrogent sur leur avenir.
Ils peuvent mesurer combien -loin d'être
opposés à l'amélioration des conditions
de leurs salaires - leurs intérêts leur
commandent d'agir avec l'ensemble des forces populaires,
pour les changements démocratiques". A la rentrée de septembre 1974, lors
de la fermeture de plusieurs petites entreprises, le P"C"F
chercha, localement, mais sans succès, à
affirmer, sur le terrain, cette possibilité vraiment
nouvelle d'alliance entre patrons et
ouvriers...
Ce qui se dessine
alors, ce qui est encouragé c'est la
généralisation d'une euphorie
réformiste diluant toute référence
à des positions de classe, débouchant
ouvertement sur la collaboration de classes. A titre
d'exemple, cette déclaration, parmi d'autres, d'un
membre du P"C"F, publiée dans la "Tribune de
discussion" avant le 21° congrès: "Alors, est ce que ce but n'est pas
apte à rallier les chrétiens, les UDR, les
séminaristes, les cadres supérieurs, le voisin
de palier. J'en passe et des meilleurs... Je pense donc que
nous pouvons, sans arrière pensée, être
fiers de la pureté de nos buts, tendre la main
à l'électeur de droite, à des hommes
politiques de droite en sachant qu'ils acceptent de
s'associer à cette tâche. Car ils sont, comme
nous, témoins de la crise matérielle,
économique et morale qui envahit la France:
pornographie, érotisme, drogue, injustice,
chômage...".
Désormais, l'application du programme commun par un
gouvernement de gauche n'est plus présentée
comme une étape transitoire, un moyen indispensable
pour passer au socialisme. Au contraire, le CC souligne:
"la démocratie
que nous voulons n'est pas conçue comme un moyen pour
aller plus loin." Et la "Tribune
de discussion" renchérit:
"II ne me semble pas juste de dire
qu'au bout de la législature, le peuple
décidera démocratiquement de poursuivre ou non
vers le socialisme. Nous affirmons que le choix sera plus
étendu:
- poursuivre
sur la base du programme commun
- choisir un
autre gouvernement, de droite
- faire un
nouveau pas vers plus de bien être, de
démocratie, de liberté... oui,
peut-être, pourquoi pas ? ... poser en commun les
bases du socialisme..." La
nouveauté de l'affaire, c'est de faire figurer le
passage au socialisme comme une possibilité bien
improbable, le plus certain étant la prolongation
indéterminée du système capitaliste
avec un gouvernement de "gauche"... ou de droite !
Voilà qui est fait pour réconforter et
rassurer une frange de l'électoral
réactionnaire, mais qui n'offre plus aucune
perspective, même en trompe l'œil, à la masse
des travailleurs qui aspirent à des changements
profonds.
Pour faire passer
cette orientation, la direction entend
accélérer la transformation du Parti. Quand
elle parle de le renforcer il s'agit d'y faire rentrer en
nombre des éléments réformistes ou
réactionnaires carrément hostiles à
l'idée de socialisme: "Je ne pense ni erroné, ni
inutile de déclarer que peuvent être membres du
Parti des gens qui ne souhaiteraient pas le passage au
socialisme" déclare dans la
"Tribune de discussion" officielle, un révisionniste
de Paris. Et quand Plissonnier parle "d'en profiter pour promouvoir une
nouvelle génération de dirigeants à
tous les échelons", il
s'agit d'accélérer ce qui est très
sensible, notamment depuis 1968, la promotion aux postes de
responsabilités de techniciens, cadres, enseignants
attirés par le réformisme accentué du
P"C"F et par l'espoir d'y faire rapidement
carrière.
Mais cette transformation plus ouverte
du P"C"F en un parti réformiste, bourgeois dans son
fond, basé sur la collaboration de classes, de
multiples indices montrent, dans le cours même de la
préparation du congrès, que la direction du
P"C"F rencontre des résistances pour la faire
accepter.
La "Tribune de
discussion" ouverte avant le congrès dans
"L'Humanité", destinée, il est vrai, à
offrir une image "démocratique" du parti
révisionniste, se consacre essentiellement, et ce
n'est pas un hasard, à vaincre un certain nombre de
résistances, même si ces résistances
surtout dans ce cadre, s'expriment de façon souvent
confuse.
Une grande partie de
la "Tribune" consistera à multiplier les
contre-attaques face à un avocat du diable - un
certain Sterdyniak - à qui est laissée, en
début de campagne, la possibilité d'exprimer
son opposition sur deux points clés:
1°) d'une part la
question du socialisme:
"même actuellement, on ne peut
se contenter de dire: "la majorité de notre peuple ne
veut pas du socialisme" et de ranger le socialisme dans
notre placard en attendant des jours meilleurs; de dire
"rassurez-vous ! le
programme commun, ce n'est pas le socialisme, comme si le
socialisme était un repoussoir".
2°) d'autre part
la question du recrutement dans le parti
révisionniste:
"il me parait erroné et inutile
de déclarer que peuvent être membres du PCF des
gens qui ne souhaiteraient pas le passage au
socialisme".
Par ailleurs, le thème de
l'alliance avec les PME, thème qui a les plus grandes
difficultés à obtenir dans les entreprises un
minimum d'écho auprès des travailleurs,
même influencés par le P"C"F, suscite dans le
cours de la "Tribune", un malaise persistant: "II est
difficile... de convaincre les petits patrons et leurs
salariés qu'ils sont ensemble victimes de la
politique des grands monopoles en se contentant de
l'affirmer". A quoi il est apporté des
réponses qui se veulent rassurantes mais qui restent
floues, et pour cause, et très peu convaincantes, du
type: "Notre juste souci de gagner les propriétaires
des PME à l'union du peuple de France, l'assurance du
maintien de leur existence et de leur activité
donnée par le programme commun, ne peuvent en aucun
cas nous amener à céder en quoi que ce soit
sur les revendications de ces travailleurs" déclare
Poperen, membre du BP du P"C"F. Patrons et travailleurs de
PME auraient des "intérêts convergents et non
toujours identiques"! Alors que des millions d'ouvriers
savent, par expérience, que les patrons des PME, face
aux difficultés économiques, aux restrictions
de crédit, recourent toujours au
blocage des salaires, à l'accélération
des cadences, au chômage partiel, aux licenciements,
et comme en particulier dans le bâtiment, à la
fermeture pure et simple. Quant à l'alliance avec les
gaullistes, elle ne suscite pas apparemment de remise en
cause nette. Toutefois, nombre de "contributions" reviennent
dessus, et dès qu'elles essaient de sortir des
considérations générales sur
l'indépendance nationale, et de devenir plus
concrètes, elles offrent, en clair, la perspective,
inquiétante pour des travailleurs tant soit peu
attachés au socialisme, de collaboration avec des
éléments foncièrement anticommunistes.
Ainsi ce témoignage d'un révisionniste qui
avait fait ses études dans une école militaire
de 58 à 66, où prédominaient des
officiers gaullistes et anti-communistes: "dès cette
époque, à la faveur de rencontres sportives
mettant en contact des cadres sportifs adhérant au
PCF et des cadres sportifs militaires, des discussions
passionnées étaient engagées... Ces
contacts se sont d'ailleurs mués parfois en
amitié: tel sous-officier, responsable des sports,
aux propos anti-communistes, qui la retraite venue, se fit
une joie d'offrir ses services à un club
d'athlétisme d'une municipalité communiste".
Voilà qui en dit long en tout cas sur la politique et
le personnel sportif des municipalités
révisionnistes...
*
Quelques semaines à peine avant
le congrès, le climat et les objectifs mêmes du
congrès se modifient brusquement. Jusqu'alors ce qui
était mis au premier plan, c'était:
"l'union du peuple de
France, la main tendue aux gaullistes et aux PME, et
à tous.... à l'exception d'une poignée
de féodaux", "les changements limités du
programme commun... qui ne sont pas conçus comme un
moyen d'aller plus loin",
"le socialisme n'est pas
à l'ordre du jour".
C'étaient les thèmes centraux des
réunions de cellules "à cœur ouvert"
organisées au mois de juillet. Désormais, les
responsables du P"C"F, dans les conférences
fédérales, les réunions "plein-phare"
mettent au contraire en avant une nouvelle batterie de mots
d'ordre: "renforcement
du Parti", "le PCF parti d'avant garde de la
classe ouvrière",
"le PCF seul garant de
l'application du programme commun de la gauche"..., "le
renforcement du PCF, condition du maintien de l'union de la
gauche"... Dans le même
temps, les remontrances aux "alliés", le PS et les
radicaux de gauche, ne tarissent pas, ils sont
quotidiennement accusés de "faire objectivement le jeu du grand
capital", "d'être tentés de renouer
avec leur passé de collaboration de
classes", d'exercer "un chantage sur le PCF".
La raison apparente
immédiate de ce revirement, ce sont les
résultats des élections législatives
partielles de septembre: les révisionnistes y ont
perdu des voix et n'ont obtenu aucun siège. Alors que
radicaux de gauche et socialistes progressaient au
détriment de l'UDR, mais aussi du P"C"F et obtenaient
plusieurs sièges. Si cet échec
électoral, réel mais limité, a pu
être l'occasion d'un tel revirement, c'est qu'il
pouvait servir d'aliment et d'argument à toutes les
résistances plus ou moins clairement exprimées
à "l'union du peuple de France" telles qu'elles se
manifestaient à l'intérieur du
P"C"F.
Cet échec
électoral ravivait de façon aiguë toutes
les méfiances latentes, au sein du P"C"F
vis-à-vis de la solidarité de l'union de la
gauche, la confiance qui pouvait être accordée
au PS et à Mitterrand. En clair, deux questions,
même si elles ne sont pas explicitement
formulées, viennent à l'ordre du jour.
*
à qui profite
l'union de la gauche ?
L'échec électoral de
Septembre révèle crûment que le P.S.
est, de loin, le plus gros bénéficiaire de
l'opération. Réduit à 5% de
l'électorat en 1969, lors de l'élection
présidentielle, la vieille social-démocratie
pourrie, discréditée va se donner un nouveau
visage "de gauche", grâce principalement au P"C"F qui
a répété depuis plusieurs années
que le P.S. avait changé de nature, qu'il
était l'ornière de la collaboration de classe,
etc... Que Mitterrand n'avait plus rien à voir avec
l'anticommuniste des années 50 etc ... Ainsi remis en
selle, le P.S. rénové a reconquis une base
électorale et, maintenant, de ce point de vue,
dépasse le P"C"F.
Or pour supplanter le
P"C"F, le P.S. joue sur deux tableaux:
- t en tant que vieux parti bourgeois qui
inspire entière confiance à la bourgeoisie,
qui a su, depuis longtemps, la servir avec zèle
(répression des mineurs en 1948, guerre
d'Algérie avec Guy Mollet) et qui conserve son
réseau de notables réactionnaires, il est
en mesure de rassembler toute un électoral
bourgeois, petit bourgeois, réactionnaire qui, par
de vieux réflexes, se méfie encore du
P"C"F.
- Il cultive la peur du P"C"F parmi
toute une partie de l'électorat qui persiste
à voir dans ce parti des velléités
révolutionnaires ou craignent l'instauration d'une
dictature terroriste semblable aux nouveaux tsars du
Kremlin. Il se présente ainsi comme le meilleur
garant de la démocratie bourgeoise, jouant
à l'occasion sur ses liaisons maintenues
officiellement dans de nombreuses
municipalités.
- td'un autre côté, le P.S. se
pose en parti "plus à gauche" que le P"C"F,
s'offrant le luxe de parler de socialisme, au moment
où le P"C"F met ce mot d'ordre au placard ; par le
biais de la C.F.D.T. et des "Assises" , en maniant
démagogiquement une phraséologie
révolutionnaire et des thèmes comme
l'autogestion, le P.S. est en mesure de
récupérer des travailleurs qui
s'écartent du P"C"F parce qu'ils constatent son
évolution toujours plus franche avec le
réformisme.
où veut en venir
le ps ?
A partir de là, une seconde
question se pose à nombre de militants du P"C"F: OU
VEUT EN VENIR LE P.S.? Tout indique que le P.S., disposant
d'une influence électorale plus large que celle du
P"C"F et de Mitterrand, propulsé par deux fois comme
vedette, lors des présidentielles, avec l'aide du
P"C"F, tout indique que le P.S. a désormais les
moyens de jouer le rôle de "parti charnière",
et, une fois au gouvernement, de rester maître du jeu,
libre de maintenir ou de rompre son alliance avec le P"C"F
en fonction d'intérêts de la bourgeoisie.
Dès Août 74, Lecanuet appelait les socialistes
à se séparer du P"C"F, à rejoindre les
centristes et se déclarait déjà
prêt à les accueillir...
Comment nombre de militants du P"C"F
n'auraient-ils pas senti durant la campagne
présidentielle que, tandis qu'ils servaient de
colleurs et de diffuseurs pour le premier secrétaire
du P.S., Mitterrand, lui, entouré d'un
état-major d'où était exclu tout
représentant du P"C"F, menait une campagne sur un
programme "personnel" passant pratiquement sous silence le
programme commun ? Comment ne pas se souvenir de 1947, de
l'expulsion par les socialistes des ministres P"C"F du
gouvernement ?
En ravivant les
inquiétudes latentes: à qui profite l'Union de
la Gauche ? Le P.S. se prépare-t-il à rompre
l'alliance à son profit ? L'échec
électoral de Septembre en soulève d'autres,
étroitement liées : A quoi bon aller de
concession en concession, d'ouverture en ouverture, sous
prétexte d'obtenir l'alliance des socialistes, si
tout cela n'aboutit qu'à affaiblir
électoralement le P"C"F, renflouer le P.S. et lui
donner la possibilité de rejeter, le moment venu,
après l'avoir utilisé comme marche-pied, le
P"C"F dans l'isolement ? A quoi bon faire un pas de plus sur
cette voie en tendant la main aux P.M.E. et aux gaullistes,
en enterrant l'objectif du socialisme ? Pour couper court
à toute une série de questions qui pouvaient
surgir et se développer à la suite de cet
échec électoral et dans le cadre des
discussions avant le Congrès, le P"C"F a choisi alors
de dire tout haut, d'écrire publiquement ce qui,
jusqu'à présent faisait l'objet d'explications
officieuses, de bouche à oreille vis-à-vis des
travailleurs récalcitrants. Jusqu'à
présent tandis que ('"Humanité" affirmait
quotidiennement "la
gauche unie progresse",
"le P.S. a changé
de nature", on rassurait les
militants inquiets en leur disant: "il faut faire patte de
velours pour obtenir la majorité, mais une fois au
gouvernement, Mitterrand, on le tiendra, les petits patrons
subiront notre loi... le P"C"F a prévu tout cela et
il est le plus fort."
Ainsi le XXIème
Congrès, qui aura du consacrer euphoriquement
"l'Union du Peuple de France" a été contraint
de se transformer en un congrès défensif
où se sont multipliées les interventions de
dirigeants notamment, pour rassurer les
militants sur le mode: oui nous sommes le parti de la classe
ouvrière, le Parti révolutionnaire de l'Union
de la gauche, oui nous resterons vigilants, nous ne
permettrons pas que le P.S. retombe dans la collaboration de
classe, oui nous exigerons l'application intégrale du
Programme Commun etc... C'est la première fois qu'un
Congrès du P"C"F se tient dans ces conditions. Certes
l'orientation d'ensemble a été de fait
adoptée. Les amendements adoptés, assez
nombreux, tout en servant à améliorer la
façade démocratique, ne représentent
que des concessions formelles, et visent effectivement
à rassurer les militants inquiets. D'une part,
"les réformes
profondes" y sont plus nettement
rattachés au projet de "socialisme aux couleurs de la
France", avec un rappel du
"manifeste de
Champigny"; d'autre part une mise
en garde contre les dangers d'infidélité qui
pèsent sur les partenaires du P"C"F a
été incorporé au texte primitif; enfin,
toute une partie a été rajoutée dans le
paragraphe sur le Parti, pour souligner "le PCF est le grand parti
révolutionnaire de notre temps. Il lutte pour le
socialisme". Mais l'orientation
définie par le Comité Central de Juin n'est
pas modifiée dans le fond : il faut aboutir à
des "réformes
profondes " sur la base des
"orientations
fondamentales" du Programme
Commun.
Quant au programme lui-même:
d'une part des dispositions conjoncturelles devront
être revues, le moment venu, d'autre part "il pourra
s'enrichir de convergences nouvelles dégagées
par les partis signataires, des idées positives
soumises par les forces qui s'associent à l'union".
La main reste tendue, bien sûr, aux centristes, aux
gaullistes, aux petits et moyens patrons; et l'horizon du
socialisme est évoqué plus souvent, la
résolution souligne en conclusion: "Aujourd'hui... le
P"C"F consacre toute son énergie au rassemblement des
forces capables de réaliser les changements
démocratiques nécessaires." Depuis le
Congrès de Vitry, le mot d'ordre de l'"Union du
Peuple de France" est passé au second plan, le P"C"F
n'a pas cessé de mettre en avant la mise en garde et
les griefs vis-à-vis du Parti socialiste. Si le P"C"F
met sur la place publique des griefs contre le P.S., qui
circulaient dans ses rangs, c'est qu'il a de plus en plus de
mal à répondre aux militants réticents
connus par le passé, avec des arguments du type: "de
toute façon, nous sommes les plus forts". L'expansion
et les ambitions du P.S. enlèvent de plus en plus
toute solidité à ce genre d'argumentation
machiavélique. Et dans le même temps, les
attaques publiques contre le P.S. apparaissant tardivement,
sont peu crédibles et ne peuvent guère
rassurer les militants inquiets. Car elles portent sur des
points que Marchais le premier avait semble-t-il admis il y
a peu de temps, pour conclure le programme commun ou pour
propulser Mitterrand aux présidentielles.
> Accuser maintenant le P.S. de vouloir se
renforcer au détriment du P"C"F, qu'est ce que cela
veut dire ? Il n'y a rien de nouveau. Mitterrand ne s'en est
jamais caché, du moins auprès de ses
"collègues socialistes européens": "notre
objectif fondamental, c'est de faire la démonstration
que sur 5 millions d'électeurs communistes, 3
millions peuvent voter socialiste" déclarait-il le
lendemain même de la signature du Programme
Commun.
> Accuser maintenant le P.S. de s'allier
à des partis bourgeois de "droite" pour gérer
des municipalités, qu'y a t-il de nouveau ? La chose
n'a nullement empêché la conclusion du
programme commun. Et le P.S. ne s'est jamais engagé,
pour, autant, à rompre ces alliances
municipales.
> Accuser maintenant le P.S. d'être
prêt à prendre la tête d'un gouvernement,
Giscard restant président de la république,
c'est avoir la mémoire bien courte. Lors des
législatives de Mars 1973, Marchais avait clairement
laissé entendre que la "gauche" était
prête en cas de victoire électorale au
Parlement, à prendre en mains les rênes du
gouvernement, Pompidou restant président de la
république.'
> Accuser maintenant le P.S. d'oublier le
programme commun, c'est oublier un peu vite que le P"C"F a
soutenu, sans broncher, la campagne présidentielle de
Mitterrand qui, avec son programme "personnel", ne se
gênait pas pour prendre les plus grandes
libertés vis-à-vis, du programme commun et le
reléguer dans l'ombre.
> Accuser le P.S. de vouloir simplement
"gérer la crise
du capitalisme" au
détriment des travailleurs, c'est s'apercevoir, un
peu tard, que le programme économique de Mitterrand
n'avait pas d'autre but, c'est oublier que le P"C"F n'avait
trouvé, alors, rien "à y redire".
> Comment faire croire que le P"C"F est plus
révolutionnaire que le P.S. parce qu'il
réclamait davantage de nationalisations, alors que
Marchais déclarait lui-même à Maire et
Séguy, au lendemain du C.C. de Juin: "ceux qui croient à la
révolution se font des illusions".
En envoyant publiquement quelques
attaques au P.S., en reprenant celles qui se murmurent
depuis longtemps à l'intérieur du P"C"F, en
tentant de se présenter comme le parti
révolutionnaire de l'union de la gauche, le P"C"F
cherche à étouffer les contradictions qui se
développent dans ses rangs et autour de lui. Mais
comment prendre au sérieux ces attaques, puisqu'elles
s'en prennent à des faits et à des positions
admises et acceptées depuis longtemps par le P"C"F,
au nom de l'Union. Et surtout comment peuvent- elles
satisfaire les travailleurs qui s'interrogent puisqu'elles
laissent intacte la ligne révisionniste: alliance
électorale avec les partis de gauche, venue au
pouvoir par le biais des élections, maintien
intégral du programme commun et des propositions
d'alliance avec les gaullistes, les petits et moyens
patrons. Ce n'est pas en se demandant très fort, et
avec des arguments qui se retournent contre le P"C"F, si le
P.S. ne pratique pas la collaboration de classe, qu'il est
possible de répondre à des travailleurs qui
mettent en doute le P"C"F lui-même, sa ligne
d'ensemble, sa capacité même à jouer
encore un rôle révolutionnaire en
France.
*
Ainsi le P"C"F est de plus en plus
pris dans l'étau de ses contradictions, s'enfonce de
plus en plus dans la logique irréversible de sa
dégénérescence révisionniste.
Pour détourner les travailleurs de la voie
révolutionnaire, de la voie de la destruction de
l'Etat bourgeois, le P"C"F, depuis près de 20 ans, a
propagé la thèse du passage pacifique au
socialisme, par le biais des élections et donc au
moyen d'alliances électorales. Pour que la
thèse révisionniste acquière une
certaine crédibilité, le P"C"F a
été nécessairement amené
à essayer d'élargir sa base électorale
propre, c'est à dire à multiplier ouvertement,
à l'adresse de l'électorat bourgeois, petit
bourgeois ou réactionnaire, les preuves qu'il n'y a
plus rien à craindre de lui, qu'il a bel et bien
abandonné toute velléité
révolutionnaire. D'autre part, pour que l'idée
de "l'union de la gauche" se matérialise, pour que la
vieille social-démocratie accepte de s'allier
à lui, et le considère comme un partenaire
acceptable pour la bourgeoisie, capable de gérer le
capitalisme, le P"C"F a été également
amené à accentuer franchement son orientation
réformiste, bourgeoise, à multiplier les
concessions et à les matérialiser dans le
programme commun. Cette fuite en avant vers un
réformisme avoué, se distinguant de moins en
moins de la social-démocratie est une
nécessité inéluctable pour le P"C"F. Il
n'a pas d'autre choix. Et dans toutes ses attaques actuelles
contre le P.S., le P"C"F prend bien soin de souligner qu'il
n'envisage aucunement la rupture de l'alliance avec le P.S.
Il lui est impossible de prendre l'initiative de remettre en
cause l'alliance avec le parti socialiste,
présentée pendant des années comme le
seul débouché politique possible à la
classe ouvrière: ce serait bouleverser tout le
système d'illusions pacifistes,
électoralistes, qu'il a déployé depuis
des années. Mais en même temps, le parti
révisionniste, en tant que parti bourgeois, n'a de
raison d'être dans le système politique
bourgeois, et donc de chance de parvenir à maintenir
son influence sur les travailleurs, que s'il parvient
à prolonger l'illusion qu'il lutte pour des
changements véritables, pour la disparition du
capitalisme.
C'est donc au moment où les
aspirations révolutionnaires des masses prennent un
nouvel essor que le P"C"F est amené, pour
matérialiser et rendre crédible son projet de
passage pacifique au socialisme, à conclure enfin
l'alliance avec le parti socialiste et par conséquent
à accélérer sa fuite en avant vers un
réformisme des plus avoué.
Pour répondre
à sa manière, aux aspirations
révolutionnaires des masses, il n'a, on le voit dans
toute une série de luttes revendicatives, ainsi
d'autre choix que d'aggraver ses contradictions avec les
masses. On voit en particulier dans toutes les luttes de
plus en plus nombreuses, qui, au-delà des
revendications immédiates, mettent en cause
l'organisation capitaliste de la vie et du travail, et
posent, de façon plus ou moins nette, la question
d'une autre société, socialiste, à
construire. Dans toutes ces luttes, le P"C"F se
révèle incapable de prendre en compte les
aspirations des travailleurs.
Quand les
hauts-fournistes d'Usinor accusent le capitalisme qui
assassine les ouvriers et envisagent une organisation du
travail qui mettent en premier plan la vie et la
santé de l'ouvrier, le révisionnisme s'oppose
catégoriquement à eux et propose seulement de
perpétuer la férocité de l'exploitation
par une prime de sécurité. Face à la
révolte profonde des mineurs de Liévin,
victimes depuis des dizaines d'années de la politique
énergétique délibérée de
l'impérialisme français, le P"C"F ne peut que
chercher à l'étouffer par ce chantage:
"si vous allez trop
loin, les Houillères vont fermer encore plus
vite".
Le salaire au
rendement ? Il n'en est pas question dans le programme
commun. L'augmentation uniforme ? La préservation de
la hiérarchie est un des dogmes du programme commun.
Un salaire minimum décent ? Malgré la grande
lutte des postiers qui réclamaient notamment 1700 Frs
et d'autres luttes encore, la C.G.T., impose quand elle
peut, la revendication du salaire minimum à 1500 Frs.
Les petites boites qui ferment ? Au nom de "l'union du
peuple de France", le P"C"F appelle les ouvriers à
trouver les moyens de s'unir avec les patrons qui
licencient...
Et lorsque, comme
à Lip, les travailleurs exigent jusqu'au bout la
satisfaction de leurs revendications, alors les propositions
révisionnistes sont amenées à se
démasquer crûment comme auxiliaires de la
bourgeoisie et à être massivement
rejetées.
Ce que révèle la
querelle ce sont les contradictions qui se font jour et qui
s'aiguisent au sein du P"C"F. Et ces contradictions ne sont
elles-mêmes que le reflet des contradictions
croissantes qui opposent le P"C"F aux masses, même
s'il les influence encore, à leurs aspirations
révolutionnaires. La vie le prouve: de plus en plus
nombreux des militants ouvriers, membres du P"C"F ou
influencés par lui, parce qu'ils se posent de
nombreuses questions, rejetant les calomnies
révisionnistes, engagent la discussion avec notre
Parti, s'associent à nos actions et souvent demandent
à adhérer. Malgré son apparente force
numérique, financière, électorale, le
P"C"F est profondément miné par la
contradiction entre sa politique de plus en plus ouvertement
réformiste et la montée des aspirations
révolutionnaires des masses. La possibilité
est ouverte de décomposer à terme,
d'éliminer le parti révisionniste. Nombre de
ses militants et de travailleurs qu'il influence encore sont
prêts dès maintenant si on sait les mobiliser,
à venir renforcer le Parti authentiquement
communiste, large, auquel ils aspirent et que nous sommes en
train de construire.
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