REVOLUTION PROLETARIENNE n°2. janv 1975
revue politique mensuelle du Parti Communiste Révolutionnaire (m-l)

Pages 15-16-17-18

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LA BATAILLE PROLONGÉE
CONTRE LA MAINMISE DU PS
DANS LA CFDT

Le 25 Mai, une semaine après son échec à l'élection présidentielle, F. Mitterrand lançait au nom du P.S., un appel à la tenue pour l'automne "d'assises du socialisme". Il s'agissait alors pour le P.S., au lendemain de la campagne électorale, de profiter et récupérer au maximum les résultats du score électoral pour se renforcer au détriment de son allié "communiste".

Une semaine après, le bureau national de la C.F.D.T. décidait à son tour d'associer la confédération à ces assises sur le socialisme :
"le Bureau National apprécie comme un élément positif l'appel lancé par F. Mitterrand. Nombre de ces militants, dans le respect de l'autonomie syndicale à tous les niveaux, tiendront à apporter leur contribution spécifique et à favoriser autour d'un véritable projet de société socialiste, démocratique et autogestionnaire, la naissance de la grande force socialiste dont le mouvement ouvrier a besoin".

Voilà un appel clair. Depuis des années, la direction C.F.D.T. se proclamait et se proclame toujours indépendante de tout parti politique et dénonce la direction du P"C"F dans la CGT. En fait, le thème du socialisme autogestionnaire, sert de justificatif aux dirigeants "apolitiques" de la C.F.D.T. pour élargir ses liens avec le réformisme, pour renforcer la main mise du P.S.,sur ce syndicat.

Les tentatives pour faire croire que le syndicat n'était pas engagé dans cette opération, qu'il ne s'agissait que de militants s'y engageant individuellement, ont été constamment démenties ! Le B.N. lui-même invitait les militants à répondre aux propositions de Mitterrand ; 10 membres du B.N. et des responsables régionaux et fédéraux, lançaient un appel public signé à "titre individuel" et le syndicat ne serait pas engagé ! L'utilisation des structures syndicales pour faire signer cet appel, alors que le débat n'était pas engagé dans les sections, montre bien qu'il s'agissait d'une opération orchestrée par l'équipe dirigeante.

Donc, les 12 et 13 Octobre 74, se sont tenues ces "assises" dites du socialisme convoquées par le PS; y étaient présentes la minorité du P.S.U. qui avait suivi Rocard et la troisième composante, composée essentiellement des responsables C.F.D.T. avec à leur tête : Chérèque, responsable de la F.G.M. Y étaient exclus tous ceux qui voulaient débattre du socialisme, des liens partis-syndicats, mais qui refusaient d'accepter l'adhésion au P.S. Le document "Pour le socialisme" qui aurait dû être au centre du débat, n'a pratiquement pas fait l'objet de discussion.
Mais tout au long de cette campagne, de nombreuses protestations se sont faites jour. Ce fut d'abord des sections d'entreprises, certaines fédérations ou Union Régionales (Section Schlumberger, Fédé Hacuitex, UR Basse Normandie, etc...). Puis ce fut l'initiative prise par un groupe de syndiqués de faire circuler une pétition contre les assises et appelant à développer les acquis des luttes et la démocratie syndicale.

Cet appel a récolté plusieurs milliers de signatures et a permis de susciter un large débat dans le syndicat. Le Parti a soutenu à fond cette initiative. Aujourd'hui, l'opposition à la main-mise réformiste du P.S. sur la C.F.D.T. continue à se développer comme en témoigne l'opposition qui est apparue à l'occasion des différents congrès qui se sont tenus récemment, F.G.M., UR Basse Normandie, UD 13, etc... (Voir compte-rendu ci-dessous).

Toutes ces actions ont contraint Maire et son équipe à des reculades verbales :
A réaffirmer que le syndicat n'était pas engagé sans pour cela désavouer ceux qui, à la C.F.D.T.,avaient été le plus en avant dans la campagne de racolage du P.S.
Pour justifier l'absence de débat dans toute organisation avant les décisions prises par le B.N., celui-ci déclare dans le préambule au rapport syndicat - parti :
"les positions confédérales se sont peu à peu enrichies, l'action de la C.F.D.T. à l'égard des partis s'est affermie. Mais la succession des événements n'a pas toujours permis de donner une vue d'ensemble des positions confédérales, de leur logique. Des positions ont dû être prises rapidement sans toujours donner lieu à des discussions préalables suffisantes".
Cet extrait est un aveu de l'absence de débat démocratique, que la confédération avait déjà reconnue au congrès F.G.M. Quant à "l'action de la C.F.D.T. à l'égard des partis", traduisons qu'elle s'est affermie par la tentative de subordination plus grande. Aujourd'hui, pour les communistes militant dans la C.F.D.T., pour les syndicalistes révolutionnaires, pour les délégués et syndiqués, pour tous ceux qui ont été conscients de l'importance de la lutte contre la main-mise du P.S. sur la C.F.D.T., plusieurs tâches s'imposent :

- Engager une campagne contre la crise du capitalisme et le chômage.

Nous devons préparer les luttes de la classe ouvrière qui ne vont pas manquer de se développer. Dans les usines, ne plus se contenter des journées d'action bidon comme celle du 12 Décembre, mais plutôt à l'exemple de Saviem ou de Brandt, tenir des meetings dans les ateliers, expliquer qu'il est possible de lutter contre la crise, de refuser le chantage de la bourgeoisie, se porter à la tête des luttes contre les licenciements. En effet, notre travail ne peut être seulement de lutter contre le P.S., cette lutte doit être étroitement liée aux luttes de la classe ouvrière contre la bourgeoisie.

- Faire un bilan de masse de la grande lutte des postiers

Nous devons demander des comptes aux dirigeants C.F.D.T. de la fédération P.T.T. : pourquoi, derrière un langage parfois violent, la fédération P.T.T. s'est-elle constamment abritée derrière l'unité CGT-CFDT ? Elle a tenté de dévaloriser les revendications des postiers, souvent même elle les a totalement oubliées dans la période d'extension du mouvement. Elle n'a pas mieux appelé à l'extension du mouvement le 19 et a laissé le mouvement sans aucune perspective après le 19.
Quelle a été l'action du P.S. pendant cette grève, si ce n'est de rappeler constamment qu'un gouvernement de gauche saurait faire accepter par les travailleurs les mesures nécessaires à l'économie capitaliste. Le soutien à la grève par le P.S. a été complètement nul.

- Participer et impulser largement le débat parti-syndicat

Nous devons enfin nous emparer du débat parti-syndicat que le BN est obligé de lancer pour justifier l'absence de débat auparavant.
Ce débat doit être mené dans toutes les sections syndicales où nous sommes présents et avec le maximum de travailleurs: y compris des syndiqués CGT peuvent y être invités. Les travailleurs doivent participer à l'élaboration des orientations syndicales.
Ce débat doit prendre en compte tous les acquis des grandes luttes de ces dernières années, Lip, Usinor Dunkerque, P.T.T. etc..., contradictoires avec les propositions des partis bourgeois de gauche P.S., P.C.


Les syndiqués et les militants C.F.D.T. particulièrement actifs dans les dernières luttes, empêchent les agents recruteurs du PS de transformer leur syndicat en courroie de transmission de la social-démocratie

2 CONGRÈS RÉVÉLATEURS DES DIFFICULTÉS DES RÉFORMISTES A IMPOSER LE RALLIEMENT AU PS

Nous publions ici des extraits des comptes-rendus des congrès CFDT de la Fédération Générale de la Métallurgie (FGM) et de l'Union Régionale (U.R.) Basse-Normandie, élaborés par des syndicalistes-révolutionnaires .

Congrès de la Fédération Générale des Métaux

Un congrès anti-démocratique : la métallurgie est un pilier de l'industrie moderne; se sont retrouvées à ce Congrès de nombreuses boites où les luttes ont été riches d'enseignement ces dernières années : Lip, Usiner, Saviem, Renault, Titan-Coder, Peugeot, St-Nazaire, etc...
Dès le début du Congrès les délégués avaient en leur possession un document de réflexion présentée par les syndicats de Besançon, Belfort et Vesoul qui faisait apparaître un pôle d'opposition aux réformistes et qui demandait une modification de l'ordre du jour. Ce texte n'a pas été diffusé dans les syndicats avant le Congrès sous prétexte qu'il n'avait pas été proposé dans le délai de trois mois conformément au statut. Toutefois, une modification de l'ordre du jour a été mise au voix: 17,42% l'ont votée, la tendance réformiste l'a donc emporté en utilisant son autorité et l'absence de discussion au préalable par les délégués qui ne pouvaient donc pas juger de son importance.
Ce texte demandait une réforme des structures non adaptées au besoin des luttes des travailleurs :
- il était proposé que les sections syndicales d'entreprises (SSE) et union interprofessionnelle de base deviennent plus autonomes, qu'elles soient les structures principales de l'activité syndicale au profit d'une plus grande démocratie ouvrière et d'une activité interprofessionnelle plus importante. Les unions métallurgiques sont dénoncées comme organismes bureaucratiques coupés des travailleurs.
- Un délégué de Lip à la tribune dénonce la fédération qui n'a pas fait circuler le texte depuis le 1/10/74: "le conseil général a peur des idées nouvelles, il a préféré à l'époque parler des assises" (applaudissements). Un ponte réformiste lui répond : "il faut savoir si oui ou non nous sommes au service d'une structure". Réponse du délégué : "Ce sont les structures qui doivent être au service des travailleurs". A noter qu'il y a un an, en octobre 73, au plus fort de la lutte des Lip, le conseil fédéral avait décidé d'être "ferme" contre la section Lip même s'il "fallait la désavouer" ; celle-ci ayant dénoncé le plan Giraud, avait été qualifiée de section anti-CGT !
Au moment de l'élection du conseil fédéral, une liste de noms à rayer avait été communiquée à de nombreux délégués, ce procédé a permis d'exclure Vittot et Aussant de Lip et Saviem, représentants du pôle d'opposition aux réformistes. Avec les mêmes méthodes anti-démocratiques 15 interventions gênantes sur le rapport d'orientation ont été refusées pour question de temps.

La main-mise du PS est dénoncée

Le premier rapport, dans son fond réformiste, présenté par Chérèque : "Une stratégie d'action pour tous les métallurgistes" approuve la nécessité de développer une "grande force socialiste autogestionnaire" et porte un jugement positif sur la tenue, des "Assises" ; il est accepté avec 77% des suffrages exprimés. Mais en tirer la conclusion que le réformisme l'a emporté serait ne pas voir l'essentiel, en effet, malgré un débat étouffé, refusé, où les délégués n'avaient pas tous les éléments pour se déterminer, de profondes contradictions sont apparues.
En effet, les mêmes qui ont voté le texte d'orientation par 77% des mandats, rejetaient la main-mise du PS par 30% des mandats.
Pendant les débats, un délégué de SAVIEM déclare: "La CFDT, paraît-il, se défend d'engager le syndicat au PS, mais alors, pourquoi n'a-t-elle pas envoyé des protestations aux journaux qui citaient des responsables CFDT engagés dans ce processus. Comment se fait-il que l'appel pour les Assises ait été envoyé à tous les secrétaires fédéraux pour qu'ils le signent, comment se fait-il que des Membres du bureau national aient tenu une réunion clandestine à ce sujet, n'y invitant pas les responsables non d'accord ? "
Puis un délégué au nom de 14 syndicats : "Le Bureau National regrette que cette position sur les Assises ait été rapide..., mais le regret ça ne suffit pas ! Nous refusons la politique du fait accompli... nous refusons de nous allier avec la social-démocratie qui veut se faire une base ouvrière..." "Dans les luttes, si le PS brille, c'est bien par son absence" ! (applaudissements de la majorité de la salle alors que 30% seulement ont voté contre la main-mise du PS). Ces apparentes incohérences montrent bien que beaucoup de délégués ayant voté pour le rapport d'orientation ont des divergences qui vont se développer.
Pendant les interruptions de séance, des centaines de délégués discutent par groupes et dénoncent le mode de préparation antidémocratique de ce Congrès. Soyons sûrs que dans les mois qui vont venir, les dirigeants réformistes de la FGM seront de plus en plus isolés.


Congrès de Union Régionale Basse- Normandie

L'opposition à la main-mise du PS sur la GFDT était majoritaire à 80%. C'est sur les questions politiques que s'est principalement déroulé le Congrès.
La question des Assises a été largement débattue et à cette occasion les positions de l'Union Régionale (U.R.) (Juin 74) ont été réaffirmées avec force tout au long des débats, notamment par une intervention du syndicat PTT de Trouville attaquant vivement la confédération sur cette question, ainsi d'ailleurs que les propos de Maire contre Charles Piaget, intervention saluée par un tonnerre d'applaudissements. Sur les rapports syndicats/partis de gauche, un amendement est voté affirmant que, la gauche au pouvoir, rien ne changera pour les travailleurs, que "de toute façon, l'affrontement avec la bourgeoisie étant inéluctable, non seulement la CFDT ne devra pas faire écran aux luttes des travailleurs, mais apparaître comme une force de mobilisation, d'initiative, d'organisation de la classe ouvrière" ou encore "la transformation de la CFDT ne se fera que par la prise du pouvoir par les travailleurs eux-mêmes".
A propos de la tactique de la CFDT dans l'éventualité d'un gouvernement de gauche, le texte d'orientation disait que les travailleurs et les syndicats pourraient accepter de modérer leurs revendications ou de les échelonner dans le temps. Une vive opposition s'est manifestée et un amendement qui supprime cette position a été largement voté. La méfiance par rapport à la gauche a aussi été révélée par une intervention d'un délégué de Moulinex qui faisant référence à la période 45/47, dit qu'on avait toutes les raisons de se méfier et par rapport à ça, consolider l'autonomie de la CFDT. Peu de débats sur la question de l'autogestion, jamais définie clairement. La question du syndicalisme de masse a fait l'objet d'un large débat. A cet égard, une expérience positive a été tentée à la SAVIEM : tenue régulière de 25 mini-meetings dans les ateliers qui ont rencontré un succès important (800 ouvriers ont été réunis) dans la mobilisation et l'association des syndiqués de base aux tâches et à la vie syndicales. A l'exemple de cette initiative, le Congrès a décidé de lancer le renforcement du syndicat par les adhésions et par une série d'initiatives allant dans le sens d'élargir les noyaux actifs de la CFDT dans les entreprises. Dans le même ordre d'idées, l'UR a mis sur pied un comité de soutien interprofessionnel, qui, avec la participation de toutes les sections, entre en action chaque fois qu'une lutte se déclenche. Pendant la grève des postiers, ce comité a organisé la popularisation, le soutien financier et un meeting - 6 h pour les PTT - sur le thème: "postiers-ouvriers, même combat", avec film, théâtre, expositions, forums.. Le Congrès a clairement réaffirmé : la CFDT doit donner les moyens aux travailleurs de prendre leurs affaires en main, de diriger eux-mêmes leurs luttes : les divergences entre organisations syndicales doivent être portées devant les AG de travailleurs qui tranchent. Le Congrès s'est prononcé pour les comités de grève et de soutien là où c'est possible. Voilà un magistral démenti de l'accord confédéral CGT. CFDT de juin 74 !
Il a été également décidé de faire un effort important en direction des travailleurs agricoles, des retraités, des femmes, pour les organiser, et pour que dans la CFDT, ils aient la place qui leur revient.

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