LE PROGRAMME COMMUN DE "LA GAUCHE"
=
UN PROGRAMME BOURGEOIS !

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Suite è

Les "nationalisations démocratiques" :
un renforcement du capitalisme
monopoliste d'État.

Renversons
l'État bourgeois
pour construire le socialisme !
 

LES NATIONALISATIONS EN RÉGIME CAPITALISTE
ONT TOUJOURS ÉTÉ AU SERVICE DE LA BOURGEOISIE

Le P"C"F et le PS présentent les nationalisations effectuées en France comme des mesures "démocratiques" imposées par de grands mouvements de masses (36, puis la Libération), dirigées au début contre la domination du grand capital, mais qui ont été progressivement détournées de leurs buts. P"C"F et PS veulent faire croire ainsi au prolétariat que la bourgeoisie au pouvoir est toujours contre les nationalisations parce que celles-ci affaibliraient son pouvoir, même si elle cherche à les accommoder à son profit; et qu'en conséquence, avec un gouvernement "de gauche" à la place d'un gouvernement de droite, les nationalisations peuvent améliorer la situation de la classe ouvrière et des masses populaires. La réalité est tout autre.

Des nationalisations souhaitées par la bourgeoisie...

En France, c'est la bourgeoisie elle-même qui a pris l'initiative d'un certain nombre de nationalisations parce que cela servait ses intérêts. Cela a commencé à partir de la 1 ère guerre mondiale avec les potasses d'Alsace, puis la Compagnie Française des Pétroles. 1945 marqua un bond important dans les nationalisations bourgeoises, avec les charbonnages, l'électricité, une grande part de l'aéronautique, de grandes banques de dépôt et de nombreuses compagnies d'assurances. Ces nationalisations furent décidées uniquement en fonction des intérêts de la bourgeoisie monopoliste française à ce moment-là :

-- il lui fallait remonter " la pente" assez rapidement pour se tailler une place dans la concurrence internationale inter-impérialiste ; et pour cela, activer la reprise et rendre plus efficace la gestion -au profit de l'ensemble de la classe bourgeoise -dans les branches de l'énergie ( charbon, électricité, gaz) et de la distribution du crédit, branches-clés commandant tout le redressement de l'économie capitaliste.

-- il lui fallait renouveler le matériel dans les mines et commencer la construction d'un système hydroélectrique: chose qui, sans la mobilisation directe des fonds de l'État (c'est à dire l'utilisation des impôts, des emprunts publics, etc...), était difficilement réalisable du fait de la masse énorme d'investissements à réaliser et qui aurait grevé le taux de profit des capitalistes privés.

-- il lui fallait aussi tromper la classe ouvrière, lui faire croire que, puisque des entreprises devenaient propriété de l'État, de l'État bourgeois, elle cessait de travailler pour engraisser le Capital, et qu'elle travaillait désormais pour elle-même et les masses populaires. Le P. C. F, avec les ministres "communistes", joua un rôle irremplaçable pour propager ces illusions.
De tous les partis, le P.C.F. était le seul à pouvoir imposer à la classe ouvrière un effort aussi exceptionnel, un labeur aussi écrasant. Aussi la bourgeoisie lui donna- t-elle tous les postes-clés relatifs à la production et au travail: ministère de la Production industrielle, de l'économie nationale, de la Reconstruction, du Travail, de l'Armement.
Les révisionnistes modernes, désireux de prouver à la bourgeoisie leurs grandes, aptitudes de "chefs d'État", leur capacité à gérer efficacement "l'économie nationale" (c'est à dire l'économie capitaliste) firent preuve d'un zèle infini pour encourager les ouvriers au rendement et leur faire accepter une diminution rapide de leurs conditions de vie et de travail.
"Produire, produire, et encore produire, c'est la forme la plus élevée de votre devoir de classe" ; "Retroussez vos manches" ; "Unir, produire, travailler", tels furent les mots d'ordre du P.C.F.
"Pour refaire la grandeur de la France", les ouvriers durent accepter, à l'instigation du P.C.F. et de la bourgeoisie, une semaine de travail de près de 60 h (c'est Marcel Paul, ministre communiste qui fit voter la loi portant majoration des heures supplémentaires, donnant ainsi le coup de grâce aux 40 heures) , l'extension du salaire au rendement et le rétablissement de la prime individuelle de production dans les mines, et une telle dégradation du pouvoir d'achat que ce dernier était en 47, du propre aveu du P.C.F., à peine 60% de ce qu'il était en août 45 ! Ces nationalisations de 45, dont beaucoup avaient été préparées par le régime de Vichy, furent soutenues clairement par De Gaulle qui déclarait le 1er oct.1944 à Lille: "Pour cette mise en valeur en commun de toutes les ressources du pays, il y a des conditions à remplir dont la 1ère est évidemment que la collectivité, c'est à dire l'État, prenne la direction des grandes sources de la richesse commune et qu'il contrôle certaines des autres activités."
Le secteur ainsi nationalisé joua un rôle décisif dans le relèvement de l'économie capitaliste, après guerre.

Sous la forme juridique de "propriété d'État", les entreprises nationalisées restent des entreprises capitalistes.

D'abord, c'est l'État bourgeois qui nomme ou désigne le haut personnel de direction de ces entreprises. La classe capitaliste qui maîtrise tous les rouages de la machine d'État, corrompt les différentes administrations, se les approprie, les fait fonctionner pour le service exclusif de ses intérêts de classe: et c'est cet appareil corrompu, lié de mille manières à la bourgeoisie, qui désigne les responsables des entreprises nationalisées !
Ensuite, la haute administration, la hiérarchie capitaliste et le personnel répressif d'encadrement, de surveillance, etc... restent en place intacts et sont même renforcés. A cet égard, l'exemple des Houillères est clair: alors que les directeurs et les ingénieurs avaient poussé à la production pour les nazis, ouvert l'exploitation des veines à grand rendement pour l'impérialisme allemand, dénoncé aux agents de Vichy et fait arrêter les résistants, alors que les ingénieurs et les porions se montraient particulièrement féroces, allant jusqu'à frapper les ouvriers pour les faire travailler, tout cela resta en place après la Libération et la nationalisation, à part quelques cas individuels d'épuration pour calmer les mineurs qui exigeaient le vidage de l'encadrement fasciste, tandis que les dirigeants du P"C"F et de la CGT disaient dès 45 : " L'épuration d'accord, mais on ne peut pas en parler pendant 107 ans, avant tout il faut produire".
Les entreprises nationalisées fonctionnent exactement selon les mêmes lois que les autres entreprises: recherche du profit, concurrence, aggravation de l'exploitation de la classe ouvrière.

 
Benoit Frachon appelant les mineurs à "retrousser les manches".

Les nationalisations ont souvent montré la voie du renforcement de l'exploitation capitaliste.

Ni à la libération, avec la participation du PCF au gouvernement de 45 à 47, ni après, les entreprises nationalisées n'ont entravé la paupérisation des masses, au contraire, elles ont souvent montré l'exemple dans le renforcement de l'exploitation de la classe ouvrière.
Par exemple, c'est la régie Renault qui, en étant la première entreprise à introduire les machines-transferts puis les chaînes de machines-transferts, a joué un rôle de pointe dans l'organisation d'un travail extrêmement parcellaire, abrutissant et de plus en plus accéléré, pour l'ouvrier. C'est la même entreprise qui s'est faite l'initiateur du salaire au poste qui permet en payant l'ouvrier non pas à sa qualification, mais selon le poste de travail qu'il occupe, de le déclasser progressivement avec l'introduction de nouvelles machines.
A la SNCF, la modernisation va de pair avec une réduction considérable des effectifs (200 000 cheminots en moins en 30 ans) et une augmentation de la charge de travail de chaque cheminot.
Dans les Houillères
, de 49 à 70, le nombre des mineurs est passé de 275 000 à 97000 pour l'ensemble de la France. Cette réduction s'est faite en application du "statut du mineur" qui, mis au point en 46 par les ministres "communistes" Marcel PAUL et Ambroize CROIZAT, a prévu, noir sur blanc, la possibilité, avec la modernisation de l'entreprise nationalisée, de jeter une partie des mineurs à la porte.
C'est avec la nationalisation des Houillères que les ministres PCF ont institué en 46 le salaire individuel à la tâche, pour les mineurs qui font l'abattage. Bien entendu, cette " innovation" qui pousse les ouvriers à produire à la limite de leurs forces et divise les mineurs entre eux, a été conservée par la bourgeoisie. Les nombreuses heures supplémentaires, l'accroissement vertigineux du rendement, le non-respect des consignes de sécurité car le mineur qui respectait les consignes ne faisait pas assez de mètres de charbon pour gagner sa croûte, tout ceci ajouté aux innovations telles que les étançons en fer, le creusement des longues tailles, avaient doublé en 47 le nombre d'accidents du travail dans les mines par rapport aux années d'avant-guerre.

Les nationalisations permettent à la bourgeoisie monopoliste de s'assurer le profit maximum.

Les nationalisations, en régime bourgeois, constituent un moyen par lequel les groupes monopolistes s'assurent le profit maximum supérieur au profit moyen et ceci grâce à une exploitation accrue du prolétariat, notamment par le biais de l'impôt.
La plus-value produite par les ouvriers des secteurs nationalisés de l'énergie et des transports est répartie aux groupes monopolistes par toute une série de mécanismes et notamment les tarifs préférentiels largement inférieurs au prix de revient. Là est la cause du soi-disant "déficit" des entreprises nationalisées.
Le financement des investissements des entreprises nationalisées s'effectue en grande partie sur le budget d'État qui, comme on le sait, est alimenté par les impôts prélevés au premier chef sur les masses exploitées. En 1971, l'État a accordé aux entreprises nationalisées 11,4 milliards de n.f. sur un budget de 170 milliards, soit 7%. C'est à dire que lorsque un ouvrier paye ses 1000 f. d'impôts, il en paye 7%, soit 70 f. pour permettre aux Charbonnages, à la SNCF, etc... d'accorder aux monopoles capitalistes des tarifs largement inférieurs aux prix de revient.
Ainsi, les nationalisations, en régime capitaliste, signifient un renforcement de l'oppression de la classe ouvrière qui se trouve pressurée doublement: en tant que productrice de plus-value et en tant que contribuable, par le représentant de l'ensemble de la classe capitaliste: l'État bourgeois.

LES NATIONALISATIONS DU PROGRAMME COMMUN
N'ENTAMERONT EN RIEN LA DOMINATION DE LA
BOURGEOISIE.

Les nationalisations prévues dans le programme commun sont elles différentes de ces nationalisations de 44-47, des nationalisations bourgeoises ? Encore une fois on ne voit pas ce qui contraindrait la bourgeoisie à qui on a laissé intact tout son appareil répressif (armée, police) à tolérer des mesures qui lèseraient ses intérêts ; et l'examen du fonctionnement des entreprises nationalisées, exposé dans le programme commun prouve que les nationalisations du PS et du P"C" ne lèsent en rien les intérêts de la bourgeoisie.

Maintien de tout l'appareil répressif chargé de faire suer la plus-value aux prolétaires.

Que réservent le P"C"F et le PS, dans les bagnes capitalistes qu'ils prétendent nationaliser, à l'armée d'ingénieurs, de cadres, d'agents de maîtrise enrôlée pour faire suer le maximum de plus-value à l'ouvrier, ne faisant aucun travail productif et payée justement sur la plus-value extorquée aux ouvriers ? Le maintien intégral de cette armée, le maintien de tous ses privilèges ! Avec les formules de "salarié", "grilles uniques de classification et de rémunération couvrant tous les niveaux de la hiérarchie professionnelle", le programme PS-P"C" cache soigneusement l'antagonisme qui existe entre les ouvriers et les valets du capital chargés d'organiser, planifier, accélérer leur exploitation. Par exemple il est significatif que, lorsqu'ils parlent des nationalisations "détournées" de leur but, révisionnistes et réformistes n'ont absolument rien à dire sur l'armada d'ingénieurs "de production", chronométreurs, agents de méthode, agents de maîtrise qui prolifèrent à Renault ou dans les Houillères et permettent à la bourgeoisie d'intensifier au maximum le travail des ouvriers ! Révisionnistes et réformistes sont fiers de ces individus, et s'inclinent devant leur "qualification professionnelle". Bref, "l'union de la gauche" n'entend nullement diminuer, encore moins supprimer cette armada, et ses privilèges, au contraire, toutes ses dispositions consistent à convaincre le prolétariat qu'il doit lutter pour le maintien et l'extension des privilèges de ces individus !

La "gestion démocratique", une gestion au profit de la bourgeoisie.

Pour convaincre la classe ouvrière déjà échaudée par les exemples de nationalisations qu'elle a aujourd'hui sous les yeux, le programme PS-P"C" précise que celles qu'il propose sont radicalement différentes de celles déjà effectuées par la bourgeoisie: elles seront dotées de la "gestion démocratique", elles permettront "un large développement de la participation des travailleurs et de leurs organisations à la direction et à la gestion des entreprises nationales" (p.110).
Par quel miracle, alors que la bourgeoisie conserve tout son pouvoir, les pièces maîtresses de son appareil d'État, les travailleurs pourront-ils participer à la direction des entreprises ? Les politiciens bourgeois du P"C"F et du PS ont leur solution : modifier le conseil d'administration ! " Responsable de l'orientation, de la direction, et de la gestion, le conseil d'administration des entreprises nationales, sera constitué de représentants élus des travailleurs, de certaines catégories d'usagers, (syndicats, collectivités publiques, grandes entreprises nationales), et de représentants désignés par le nouveau pouvoir démocratique" (p. 110) , c'est à dire si on examine dans le détail :
-- des représentants de l'État bourgeois: la pratique de désigner des représentants de l'État au sein du conseil d'administration, n'est pas une nouveauté, c'est même la règle que suivent tous les gouvernements bourgeois depuis qu'existent des nationalisations ! Ces représentants sont puisés dans les cabinets des différents ministères, dans les secteurs de la haute administration (finances, économie...) ; habitués à accomplir la besogne d'État, à travailler la main dans la main avec la haute administration des trusts, à faire le chassé-croisé entre l'administration de l'État et l'administration des trusts (tel NORA le collaborateur "social" de Chaban, qui est devenu PDG d'Hachette), ces individus poursuivent à une place ou à une autre leur besogne pour le compte des capitalistes, indépendamment des changements de ministères, et même des changements de "républiques". Par exemple, le "socialiste" Dreyfus est PDG de Renault depuis plus de 20 ans ! C'est dans cet appareil là, maintenu intact, par le "nouveau pouvoir démocratique" que seront puisés les représentants pour les entreprises nationales !
-- des représentants des différents intérêts capitalistes baptisés pour la circonstance "usagers" : qui sont les usagers essentiels des Houillères, de l'EDF, ou de la SNCF, sinon les entreprises capitalistes elles-mêmes utilisatrices de charbon, d'électricité, faisant transporter leurs marchandises ? Leurs représentants au conseil d'administration seront là pour réclamer les tarifs les plus bas, pour protester contre les grèves ...! Quant aux collectivités publiques, il s'agit sans doute des municipalités, des communautés urbaines... qui elles aussi, moyennant les habituels pots de vin, tenteront d'obtenir des avantages pour leur maffia municipale.

-- des représentants élus des "travailleurs" : d'une part il y aura donc les représentants de ces "salariés" très spéciaux que sont les chiens de garde du capitalisme, petits chefs, chronos, agents de méthodes, ingénieurs de production... qui revendiqueront l'augmentation de leurs privilèges, des mesures et des moyens supplémentaires pour encadrer et exploiter les ouvriers; d'autre part il y aura un fort contingent de délégués révisionnistes ou réformistes, dont on sait qu'ils se font d'une manière ou d'une autre les défenseurs de ce programme bourgeois, et qu'ils sont prêts pour en assurer l'application à faire trimer au maximum la classe ouvrière (on a vu leur attitude en 44-47). On voit comment aujourd'hui leur participation aux conseils d'administration des entreprises nationalisées (car la bourgeoisie leur a déjà donné des sièges), aux commissions gouvernementales... les amène à cautionner les restructurations, les licenciements, les mesures contre les immigrés... Enfin, s'il y en a, les représentants ouvriers au conseil d'administration des entreprises nationalisées qui ne défendraient pas la ligne PS-P"C", seraient condamnés à entériner toutes les décisions prises au nom de l'intérêt de l'entreprise, des impératifs de rentabilité, et à justifier aux ouvriers l'exploitation accrue qui en découle pour eux.
On conçoit donc qu'un tel conseil d'administration n'entamera en rien la gestion de la bourgeoisie sur l'entreprise. Et le programme PS-P"C" craignant peut-être que les choses ne soient pas assez claires pour la bourgeoisie a tenu à préciser comment les entreprises qu'il nationalisera continueront à fonctionner comme n'importe quelle entreprise capitaliste: c'est ce que révèle l'examen de "l'autonomie de gestion" et de la "planification démocratique".

"L'autonomie de gestion", la "planification démocratique" ne "limitent" en rien l'anarchie capitaliste.

Voyons de plus près le programme, on y lit :
-- que tout en inscrivant leurs activités dans les objectifs du plan qu'elles auront pour leur part contribué à établir, les entreprises nationales fixeront elles-mêmes leurs choix. Elles disposeront de l'autonomie de gestion. Elles détermineront leur politique, décidant notamment de leur programme, de leur budget, de leurs marchés.
-- qu'elles "fixeront les accords à passer avec les autres entreprises nationales et avec le secteur privé".
-- que "le contrôle de l'État et particulièrement celui de l'assemblée nationale, sur leur gestion, s'exercera a posteriori", que "la nationalisation ne sera pas étatisation".
-- que "les entreprises publiques et privées fixeront leurs prix, l'État en contrôlera (!) l'évolution". Rien donc de changé avec aujourd'hui.

Ainsi si l'on résume, on voit que les entreprises nationalisées n'auront rien qui les distingue fondamentalement des entreprises capitalistes: elles détermineront elles-mêmes la nature et le volume des produits à fabriquer, leurs prix, fixeront comme elles l'entendront les salaires et les conditions de travail, embaucheront et licencieront selon leurs besoins, choisiront elles-mêmes les moyens de production, les sources de financement, etc...
Ainsi donc chaque entreprise sera soumise entièrement aux mutations du marché, et n'aura en vue que le critère de sa propre rentabilité, de son profit.
Il est clair que dans ces conditions, non seulement la concurrence restera intacte sur le plan international, entre les groupes financiers français (nationalisés ou pas) et les groupes financiers étrangers, mais aussi sur le plan national, entre le "secteur public" et le "secteur privé" et entre les entreprises nationalisées elles-mêmes.

Ainsi donc de ce point de vue, l'avènement de la "Démocratie Avancée" et les nationalisations de certains trusts supplémentaires ne changeront rien, ni au motif de la production -la recherche du profit -ni aux rapports entre les entreprises -la concurrence, l'évincement réciproque -ni aux conséquences sur la classe ouvrière -la surexploitation -. Il s'agira toujours pour chaque entreprise nationalisée sous peine de se faire évincer, d'organiser toujours mieux l'exploitation de la classe ouvrière, de rationaliser, d'intensifier le travail, de fixer les salaires au dessous de ce qui est nécessaire à l'ouvrier pour reproduire sa force de travail, etc...

Nous voyons donc que de telles entreprises ne sont que des entreprises capitalistes. Pour supprimer la recherche et la concurrence entre les entreprises et tous les maux qui en sont la conséquence pour la classe ouvrière ( chômage, cadences, baisses du salaire réel, etc... ), il faut supprimer le fondement du système capitaliste : l'appropriation privée des moyens de production. Il faut d'abord que la classe ouvrière renverse la bourgeoisie, brise la machine d'état qu'elle a instituée pour préserver sa domination, et instaure sa propre dictature de classe.

Une des premières tâches de cette dictature est d'exproprier les exploiteurs et d'instaurer la propriété sociale des moyens de production (usines, machines, etc). La classe ouvrière par l'intermédiaire de son État -l'État prolétarien -concentre alors, centralise entre ses mains les moyens de production, les fait fonctionner selon une direction unique, unit en un tout les nombreuses entreprises et unités de production qui sont subordonnées à un plan unique permettant la satisfaction des besoins sociaux.
Aussi en expropriant les anciens exploiteurs et en instaurant la propriété sociale sur les moyens de production, le prolétariat supprime en même temps que la propriété privée, la recherche du profit, la concurrence entre les différentes entreprises, l'anarchie de la production, le chômage, etc...
Ce programme, le programme du prolétariat, est exactement l'opposé du fameux "programme commun".

LES NATIONALISATIONS "DÉMOCRATIQUES" : UNE VASTE
ENTREPRISE POUR RENFORCER L'EXPLOITATION DE LA
CLASSE OUVRIÈRE.

Les nationalisations prévues par le P"C"F et le PS ne remettent nullement en cause la domination de la bourgeoisie, sa dictature. Loin de contribuer à soulager le sort de la classe ouvrière, elles s'accompagneront même inévitablement d'un surcroît d'exploitation pour les ouvriers.

Nationalisations "démocratiques" : nouvelles restructurations, extension du chômage.

Pour faire face à la concurrence internationale, pour assurer la place de l'impérialisme français dans la lutte inter-impérialiste, l'État bourgeois est amené à prendre une part croissante dans la gestion directe de certains secteurs de l'économie afin de renforcer leur compétitivité, de fournir les investissements nécessaires à leurs modernisations, de favoriser les opérations de restructurations nécessaires, et de renforcer l'exploitation de la classe ouvrière par le chômage et l'intensification du travail. D'ailleurs la prise en main de plus en plus directe par l'État bourgeois de certains secteurs peut se faire de différentes manières: soit par la nationalisation pure et simple, soit par des prises de participations importantes (Sociétés d'Économie mixte), soit encore par des "plans d'aide", tel celui de la sidérurgie qui a permis par exemple à De Wendel-Sidelor de se moderniser en mettant 12 000 travailleurs à la porte.
Les mesures proposées par le P"C"F et le PS consistant à nationaliser 9 trusts (Dassault, Rhône-Poulenc, etc...) et à réaliser "des prises de participation financière pouvant aller jusqu'à des participations majoritaires" dans 4 autres (dont 3 trusts sidérurgiques: Usinor-Vallourec, Wendel-Sidelor, Schneider) , vont tout à fait dans le sens d'une plus grande concentration et efficacité du Capital, avec l'aide directe accrue de l'État, qui se soldera par une exploitation renforcée du prolétariat.
D'ailleurs, Mitterrand et Marchais ne cachent pas leurs intentions. D'après eux, les nationalisations permettront "une nouvelle politique de restructuration" (p. 57). Le programme commun précise: " Le secteur public et nationalisé jouera un rôle de premier plan dans la mise en oeuvre de la politique industrielle. Il permettra d'orienter la production, d'opérer les conversions nécessaires, de renforcer et d'adapter les structures industrielles pour ...faire face à la compétition internationale" .
Voilà qui est clair !
Nous avons vu comment mineurs et cheminots ont fait, depuis 1945, les frais de telles restructurations.
S'appuyant sur le secteur nationalisé, "le gouvernement stimulera le rendement économique et social des entreprises".
Les ouvriers de chez Renault savent parfaitement ce que signifie la course au rendement, "l'efficacité de la gestion" de cette "entreprise-pilote" et "l'extraordinaire expansion qu'a connue la Régie" et dont se vante l'Huma (30-6-72) : une intensification forcenée du travail, une exploitation toujours plus grande de la force de travail. C'est assurément pour "stimuler le rendement économique et social" que Dreyfus a enrôlé la milice à Tramoni ! Nos candidats à la gestion du Capital n'ignorent pas, au fond, les conséquences de la "politique industrielle dynamique et efficace". Ils savent fort bien, qu'en régime capitaliste, tout ce qui accroît la compétitivité des entreprises pour faire face à la concurrence internationale -par la modernisation, la restructuration - s'accompagne nécessairement pour la classe ouvrière de réductions de personnel, de fermetures d'usines, de licenciements, de mutations, de déclassements, de déplacements, bref, de la surexploitation et du chômage sous toutes ses formes.

Par les indemnisations, la classe ouvrière paiera une deuxième fois ce que le Capital lui a déjà volé.

Le programme commun déclare expressément :
" L'indemnisation des entreprises expropriées fera l'objet d'une solution équitable".
L'oligarchie financière n'a pas à se faire de soucis: les propriétaires des entreprises à nationaliser seront équitablement "dédommagés"... du Capital qu'ils ont accumulé par l'exploitation de leurs ouvriers !
Pour les capitalistes nationalisés, la chose est donc claire: recevant des mains de l'État l'équivalent de leur capital, ils pourront le placer dans d'autres sphères de la production, plus rentables.
Mais qui paiera les indemnisations, sinon le budget d'État ?
Or chacun sait que le budget d'État est alimenté principalement par les impôts dont la première victime est la classe ouvrière. Ainsi donc, la nationalisation "démocratique" et l'indemnisation des magnats de la haute finance (qui ne seront pas expropriés par ce gouvernement "de gauche" ! ) se soldera ni plus ni moins par une augmentation des impôts, de l'exploitation de la classe ouvrière.
Si l'on envisage l'ensemble de la classe bourgeoise, l'opération "nationalisation" se soldera par une augmentation du Capital social en fonction.
D'une part, le Capital fonctionnant dans les entreprises à nationaliser (et converti en achat de moyen de production et de force de travail) restera intact et sera simplement transféré des mains des capitalistes individuels aux mains de ce capitaliste "collectif" : l'Etat bourgeois.
D'autre part, les indemnisations versées par l'État permettront à la bourgeoisie d'augmenter le Capital en fonction, de réaliser un certain nombre d'investissements dans d'autres branches ou d'autres usines que celles touchées par les nationalisations.
Et pour l'ensemble de la classe ouvrière, cette augmentation du Capital social en fonction -conséquence des indemnisations aux anciens propriétaires -sera exactement compensée par une extension supplémentaire de plus-value volée au prolétariat par le biais de l'impôt.


Aprés la nationalisation, grève des mineurs en 1948 

La participation des ouvriers ...à leur propre exploitation.

Ne changeant rien à l'exploitation de la classe ouvrière et à son renforcement -du fait des restructurations, du maintien de la gestion capitaliste et de la concurrence, des indemnisations, etc...- les mesures de "nationalisations démocratiques" auront un avantage supplémentaire pour la classe bourgeoise :
l'illusion d'un "large développement de la participation des travailleurs", de "conseils d'administration démocratiques" dans les entreprises nationalisées, "d'hommes de gauche" au gouvernement, alors que tout le pouvoir continuera d'appartenir à la bourgeoisie, permettra de duper cyniquement la classe ouvrière, et de lui faire accepter des mesures de surexploitation qu'aucun gouvernement ou "conseil d'administration" ouvertement bourgeois ne serait capable de lui faire accepter aujourd'hui.
Depuis longtemps, la bourgeoisie essaie de masquer les contradictions de classe par la "participation".
Voilà qui sera fait sous la "Démocratie Avancée" , et bien fait.
On pourra "expliquer" aux ouvriers que, dorénavant, ce n'est plus pour les anciens propriétaires qu'ils travaillent, ni même pour l'ensemble de la classe capitaliste, mais "pour eux-mêmes", "pour la France", et qu'en conséquence, ils doivent travailler mieux et plus vite que s'ils étaient exploités, pour assurer la "prospérité" du pays !
Bien mieux, on leur expliquera que, pour prouver la supériorité de la "Démocratie Avancée" et des "nationalisations démocratiques" sur "l'économie privée", ils devront faire preuve du maximum "d'efforts", "d'ordre", de "discipline" et de "rendement" !
D'ailleurs, dans ce domaine, les révisionnistes du P"C"F ne sont pas des novices : ils ont déjà l'expérience de la Libération ! Gageons que demain, les révisionnistes modernes, ainsi que ces éternels gérants loyaux du capitalisme que sont les vieilles charognes "socialistes" feraient preuve du même zèle, au nom de la " Démocratie Avancée" pour inciter les ouvriers à défendre "l'intérêt national", "la place de la France dans le monde" et à travailler dur pour assurer les positions de l'impérialisme français dans le monde.

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