HISTOIRE POLITIQUE DU MOUVEMENT DES FOYERS SONACOTRA (suite)

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 -IV -

ENGAGEMENT DES DIFFÉRENTES ORGANISATIONS POLITIQUES

LE P.C.F. ET LA C.G.T.:

..... Au début du mouvement, ils ont tenté de le contrôler, de rentrer dans le C.C. pour le diriger. N'y arrivant pas, ils ont organisé un "second C.C.", fantôme, ne regroupant qu'un ou deux foyers pour négocier avec la Sonacotra et présenter leurs accords comme "une victoire". Démasqués par les résidents des foyers, ils n'ont cessé ensuite de les calomnier, de les combattre avec toutes leurs forces, refusant de reconnaître le C.C. et ne parlant que de négociations foyer par foyer avec la C.G.T. Ils cachaient mal leur haine d'une organisation ouvrière autonome de leur politique raciste et chauvine.
..... Chaque fois que le mouvement était attaqué, ils en rajoutaient sur la répression policière et juridique accusant le C.C. d'être "responsables" de ces attaques. Et, avec l'Amicale des algériens, ils profitèrent de la violence des attaques à la fin du mouvement (expulsions) pour s'infiltrer dans les foyers et négocier à la place des résidents des accords qui en fait voulaient dire: organisons ensemble -mairies et Sonacotra -la dictature sur les résidents.
..... Cette position, il ne faut pas l'oublier aujourd'hui où le P.C.F. engage sa campagne raciste contre les immigrés; elle montre que le P.C.F. a un long passé raciste et d'ennemi de toute organisation du peuple qui ne soit pas à sa botte.

-LE P.S.

..... Il était moins menacé que le P.C.F. n'ayant pas lui la prétention du monopole de l'organisation de la classe ouvrière. Mais, opposé à l'égalité des droits politiques (Cf ses projets de lois), participant au système de double exploitation dans le logement des immigrés (un des directeurs Sonacotra était P.S.), il n'était que très peu favorable à ce mouvement, en fait il était opposé à sa nature de classe. Ainsi, il ne le soutint que du bout des lèvres, à une ou deux occasions par l'envoi de délégations symboliques à une manifestation (Juin 78) ou à Garges (Mitterrand). En fait, c'était plus des opérations publicitaires, dans sa rivalité avec le P.C.F., pour apparaître comme "lié" aux forces ouvrières.

 -LA C.F.D.T:

..... Le fait que des sections C.F.D.T., voire l'Union Régionale Parisienne de la C.F.D.T., aient participé à des manifestation de soutien a pu faire croire que la C.F.D.T. avait soutenu le mouvement. Pour l'essentiel, c'est faux. La C.F.D.T ., en tant que telle, malgré quelques déclarations, n'a jamais soutenu l'essentiel de la grève:
...-la justesse de sa plate-forme
...-la reconnaissance du C.C. comme seul habilité à négocier.
..... La participation d'une fraction de ces sections à des initiatives traduisait surtout l'ampleur, la force, du mouvement, qui poussait certains militants syndicalistes à reconnaître l'importance du mot d'ordre d'égalité des droits. Mais ces sections portaient dans le mouvement la seule idée de la "solidarité", d'une unité de combat et non politique, d'une égalité des droits limitée à quelques aspects (syndicaux, logements...). Et la C.F.D.T., comme force d'ensemble, a toujours choisi, elle, l'unité avec les autres syndicats (C.G.T.) pour refuser le droit des résidents a diriger complètement eux-mêmes et négocier leur grève: la nouveauté politique radicale de ce mouvement, dans ses mots d'ordre porteurs de l'antagonisme à cette société impérialiste et son organisation propre, le C.C., est synonyme de destruction de la structuration syndicale du peuple.

-L'EXTREME-GAUCHE:

..... * Le P.S.U., les trotskystes (L.C.R., L.O.): n'ont soutenu que très épisodiquement et du bout des lèvres le mouvement. Participation symbolique aux manifestations, et pas toutes encore. Leur rôle essentiel fut chaque fois qu'ils étaient présents de "prêcher" l'unité avec le P.C. et le P.S.; plus préoccupés de leur rôle de parasites des forces de "gauche" que de l'importance et de l'avenir d'un véritable mouvement de masse.

..... * Le P.C.R. ml: soutient jusqu'en Mai 76, puis disparaît jusqu'en 78-79. Dans cette deuxième période, son rôle est proche de celui des trotskystes. Avec en plus un travail souterrain dans les sections syndicales.

..... * Le P.C.M.L.-H.R.: s'est engagé après le 25 février 76 dans le soutien à la grève. Mais sans jamais faire du travail en son nom propre pour expliquer l'importance politique de cette grève pour l'unité français-immigrés dans les différentes couches du peuple. Leur conception du soutien était d'envoyer des militants dans les C.S., où ils jouaient les " cochers de fiacres" du C.C., sans aucune initiative propre. Et par ailleurs de faire eux aussi un travail dans les sections syndicales pour " rallier les français ". Conception proche de la fraction du C.C. qui ne croyait pas à l'unité organisée français immigrés. Sa conception de son rôle politique fut en fait de se limiter à être l'arrière logistique de ses " frères immigrés "; curieuse conception de l'unité politique de classe du prolétariat; plutôt relent de paternalisme.

..... * Le P.C.I.: Il arrivera plus tard dans le soutien. Concurrent direct d'H.R., en plus suiviste du C.C., et anonyme encore dans les C.S. Malgré de grandes déclarations sur le caractère " de classe " du mouvement, aucun travail propre et proposition pour constituer cette unité politique de la classe ouvrière.

..... * O.C.FM.L.- Drapeau Rouge: engagée assez tard également, va développer un travail de soutien assez important, en particulier en Bretagne (meeting à Rennes). D.R. développera aussi un certain nombre de critiques justes sur la question des C.S., sur la question de l'unité français-immigrés (Cf lettre ouverte au C.C.) mais sans développer à ce moment là de politique propre, autonome, de relance de la question du soutien et plus généralement de l'unité français-immigrés. D.R. se joindra à nous vers la fin du mouvement pour des manifestations comme le 16 Juin et le 1er Juillet 79 à Garges.

 - V -

LE TRAVAIL DES MAOISTES DE L'U.C.F.M.L.

..... Nous ne détaillerons pas ici l'ensemble du travail de soutien au mouvement des foyers que nous avons fait (Cf également annexes, lettres au C.C ).
..... Nous rappellerons seulement certains points essentiels.
..... Nous avons toujours considéré le mouvement des foyers comme un mouvement de masse d'une fraction de la classe ouvrière et du peuple lié à un combat central dans la situation politique actuelle en France: celui pour l'égalité des droits entre français et immigrés. Mouvement d'autant plus important qu'il fut autonome de toutes les force politiques bourgeoises et qu'il sut se doter de sa propre direction, le C.C. C'est pourquoi nous lui avons apporté, à la mesure de nos forces, notre soutien.
..... Et cela du début du mouvement en 75 au foyer R. Rolland de St-Denis jusqu'aux dernières batailles de résistance aux expulsions de foyer fin 79, et même au-delà puisque nous organiserons le travail pour la libération de Bouaziz, délégué du foyer du Port de Gennevilliers, injustement emprisonné à la suite de manoeuvres crapuleuses de la C.G.T. et du P.C.F.
..... Notre conception du soutien était de le développer suivant deux grands axes:

....-. SOUTIEN AUX INITIATIVES CENTRALES OU LOCALES DU C.C. ET DE COMITÉS DE RÉSIDENTS, là où nous pouvions être présents. Soutien matériel, distribution de la propagande et des appels du C.C. (21 Février 76, manifestations Barbès Ménilmontant...). Cela fut le cas pendant tout le mouvement SANS AUCUNE EXCEPTION, y compris dans des périodes où il existait des divergences entre le C.C. et nous. Le seul moment où nous ne soutiendrons pas un appel du C.C. fut celui où cet appel fut fait conjointement AVEC d'autres forces (syndicats, organisations immigrées) et en excluant par principe les organisations politiques à Garges pour les rassemblements des 7 Juillet et 29 Septembre, rassemblements qui n'avaient d'ailleurs pas pour objectif principal le soutien à la grève mais la mise sur pied d'une opération à dominante syndicaliste pour le combat contre les lois racistes. En ce qui concerne les C.S., nous étions d'accord sur le principe de leur développement et nous avons participé à certains d'entre eux. Mais nous nous heurterons à plusieurs reprises à une hostilité à l'intérieur des C.S. quand nous y feront des propositions pour leur développement, accusés de vouloir remettre en cause la direction des comités de résidents ou du C.C. ou quand nous tenterons d'y faire vivre le débat politique sur leurs orientations et l'analyse de la conjoncture, accusés de vouloir " paralyser " les C.S. par des débats qui n'avaient pas lieu d'être.

....-. L'AUTRE AXE ÉTAIT D'INTERVENIR EN NOTRE NOM PROPRE:
..... -1) pour soutenir les initiatives centrales du C.C.
..... -2) pour développer un travail de popularisation et de débats dans des lieux où fractions du peuple où le C.C. intervenait peu ou pas (usines, jeunesse...)
..... -3) pour débattre de l'importance politique du soutien à la grève et son lien avec les autres tâches politiques.
..... ..... Travail matérialisé par plusieurs " feuilles" spéciales sur la Sonacotra, de nombreux articles dans notre journal, des dizaines de tracts, des réunions publiques et meetings (12 Juin 76, 31 Juillet 79...), l'organisation de manifestations (1er Juillet Garges...).
..... ..... Pourquoi ce travail en notre nom ? Parce que le mouvement des foyers par delà la victoire des revendications des résidents, était lié à deux questions essentielles dans la lutte de classes en France:
..... -le combat pour l'égalité des droits
..... -l'organisation de l'unité politique français-immigrés, particulièrement de la classe ouvrière internationale de France.

..... ..... Et l'avancée de ce combat pour les mêmes droits, l'organisation de cette unité ne sont pas de la responsabilité unique de la direction d'un mouvement de masse comme le C.C., même si ce mouvement porte ces questions. Elles sont parties prenantes des taches d'une organisation qui a pour projet de créer un Parti communiste de type nouveau, dont une des conditions d'existence est que les ouvriers immigrés AU MÊME TITRE que les ouvriers français participent à son édification. Un mouvement comme la grève des foyers a été très important dans la lutte de classe en France. Mais qu'à travers ce mouvement comme à travers d'autres (grèves d'usines, combat contre les lois racistes...) se développe une organisation prolongée de la classe ouvrière, français et immigrés, du peuple, pour créer un véritable Parti révolutionnaire est une question décisive, un point d'appui central pour que pas à pas les ouvriers et le peuple puissent combattre l'ensemble de cette société impérialiste et les partis bourgeois jusqu'à les détruire, édifier une autre société.
..... Ce travail, nous sommes la seule organisation à l'avoir mené. Avec des insuffisances , en particulier sur les usines où nous n'arriverons pas à développer suffisamment le travail pour être capable d'organiser efficacement la lutte contre les saisie-arrêts sur salaires; avec des tentatives d'unité politique, à travers les C.P.A.C. (Comité Populaires Anti-Capitalistes), entre le peuple dans les cités et les résidents des foyers sur des questions d'intérêt politique commun comme le problème du logement; avec des succès significatifs comme le soutien à la création des P.A.E., organisation regroupant français et immigrés dans la lutte contre les lois racistes, les expulsions et attentats et soutenant le mouvement des foyers.

- VI -

CONCLUSION: QUELQUES LEÇONS DU TRAVAIL DE SOUTIEN

..... ..... Le soutien au mouvement des foyers était en fait porteur de 2 questions différentes:
..... * LE SOUTIEN AUX ACTIONS DU MOUVEMENT LUI- MÊME. Celui-ci a existé, permettant l'organisation de manifestations significatives et des plus offensives de la période 75-79 en France. Il a permis une défense réelle (militante, juridique, matérielle...) de la grève et du C.C. au moment de certaines attaques violentes de 1'Etat ou du P.C.F ., il a permis d'empêcher l'isolement complet du mouvement malgré le silence quasi-absolu de toute la presse bourgeoise.
..... Il fut en même temps assez faible, par rapport à l'ampleur du mouvement. Plusieurs raisons à cela, principalement que la grève des foyers était un mouvement réellement prolétarien, antagonique aux forces bourgeoises dans une période d'embrigadement politique, via le programme commun, assez fort. Des raisons aussi de non mobilisation des résidents eux-mêmes pour élargir le soutien...

..... * LE LIEN A VEC LE COMBAT POUR L'ÉGALITÉ DES DROITS ET L'ORGANISATION DE L'UNITÉ FRANÇAIS-IMMIGRÉS.
..... Le soutien au mouvement des foyers fut le principal moyen de faire de la question de l'égalité des droits français-immigrés une question de masse, particulièrement après les manifestations de 76. C'est depuis ce moment que cette question est devenue une question politique centrale en France. En même temps, se développe à partir de cette époque un débat sur les formes d'organisations pour mener ce combat et principalement la question de l'unité organisée entre français et immigrés. II y eut deux voies:
..... ...la voie représentée par les " syndicalistes de gauche ", la plupart des organisations d'extrême -gauche et en grande partie par le C.C. dans la fin du mouvement qui de fait refusait cette unité réelle, voulait organiser les immigrés d'un côté mais sans droit réel à faire de la politique en France et les français de l'autre en "soutien", en "solidarité". Cette voie a échoué; dominante dans la deuxième partie de la grève, elle n'a abouti qu'à rendre le soutien au mouvement et le mouvement lui-même dépendants des syndicats et en fait du P.C.F., qui a montré dès ce moment là qu'il était un parti raciste. Et les " variantes " qui comptaient plus sur la C.F.D.T. ou le P .S. ne sont guère différentes sur le fond, voulant faire l'économie d'un travail politique commun, français et immigrés, pour développer cette unité en se rendant dépendants des forces parlementaires bourgeoises qui n'acceptent pas, et s'opposent à une unité politique solide entre français et immigrés.
..... ...l'autre voie, celle que nous avons défendue, est celle de la nécessité de l'unité politique français et immigrés. C'est à dire que les ouvriers immigrés ont les mêmes droits et les mêmes responsabilités que les ouvriers français dans l'édification d'un véritable parti communiste, dans le développement aujourd'hui des Noyaux Communistes.
..... ..... C'est à dire que l'unité du peuple, dans les quartiers, dans les cités, pour être une unité politique solide, doit s'appuyer sur l'unité français-immigrés, être une unité entre foyers et cités. Comme un point d'appui essentiel à la lutte contre toutes les divisions actuelles du peuple. Et que cette unité politique se développe aujourd'hui dans les C.P.A.C.
Et qu'aussi se développe l'unité la plus large possible contre toutes les politiques racistes, de Giscard au P.C.F ., contre toutes les pratiques racistes (des attentats aux propos racistes en passant par les expulsions de foyers et de France des sans-papiers et les contrôles racistes de la police), cette unité que développe aujourd'hui les P.A.E. regroupant ouvriers français et immigrés, jeunes, employés, tous les anti-racistes véritables.

..... Car aujourd'hui où le racisme et la division entre français et immigrés visant à l'organisation d'affrontements entre français et immigrés sont des composantes essentielles des politiques bourgeoises, l'heure n'est plus à la seule "solidarité", au ,(soutien" et à "l'aide ", mais à l'organisation d'un combat commun. C'est aussi une des leçons essentielles du soutien au mouvement des foyers: QUAND UNE "LUTTE" S'ATTAQUE A LA QUESTION DE L'ÉGALITÉ DES DROITS ELLE S'AFFRONTE EN FAIT AUX POLITIQUES DE L'ÉTAT ET DU P.C.F. POUR ETRE VICTORIEUSE, IL FAUT QU'ELLE S'APPUIE SUR UNE POLITIQUE D'ORGANISATION, D'UNITÉ SOLIDE ENTRE FRANÇAIS ET IMMIGRÉS.

CONCLUSION

..... La grève des foyers a occupé une place centrale dans la lutte des classes en France de 1975 à 1979. Elle a mobilisé des dizaines de milliers de résidents, elle a suscité un significatif mouvement de soutien et d'opinion; toutes les organisations politiques ont été sommées de prendre position L'État, pour en venir à bout, a été dans l'obligation de déployer un dispositif répressif juridique et policier considérable et prolongé.
..... Quelles sont pour nous les leçons de ce mouvement et quel bilan faisons-nous de la politique que nous y avons menée ?

- I -

..... Nous avons caractérisé la grève des foyers comme une authentique LUTTE DE CLASSES; c'est là un point très important car tout mouvement social, ou toute révolte n'est pas à tout coup une lutte de classe.
..... Une lutte de classes, au sens marxiste et léniniste, c'est un mouvement de masse qui est dans un rapport antagonique conscient à la société capitaliste et impérialiste. Lénine dit: " antagonisme avec l'ensemble de l'ordre politique et social existant ". 

PORTÉE POLITIQUE DU MOT D'ORDRE D'ÉGALITÉ DES DROITS

..... En Décembre 1975, nous écrivons dans un N° spécial du "Marxiste-Léniniste" consacré à la Sonacotra: "Le mouvement actuel n'est pas simplement une riposte à la crise du capitalisme. C'est l'offensive ouvrière contre les foyers-prisons et les gérants fascistes, CONTRE LE DROIT BOURGEOIS QUI INTERDIT TOUT DROIT POLITIQUE AUX TRAVAILLEURS IMMIGRÉS. Voilà le fond du problème. Quand les ouvriers habitant les foyers Sonacotra exigent le statut de locataires, c'est un droit politique qu'ils exigent... C'est l'interdiction aux gérants fascistes de pénétrer à tout moment dans leurs chambres, c'est pouvoir y recevoir leurs amis, hommes et femmes, c'est avoir les mêmes droits juridiques que tous les locataires en France ".
..... La dynamique initiale de la grève, est une révolte de masse contre les FOYERS-PRISONS que la bourgeoisie a mis spécifiquement en place pour les travailleurs immigrés vivants seuls en France; le fonctionnement des foyers additionne des prix exorbitants à une réglementation qui est une RÉGLEMENTATION SPÉCIALE D'HABITATION POUR LES ÉTRANGERS, c'est une politique ségrégative. Le règlement intérieur de la Sonacotra est répressif, policier, humiliant; il signifie tous les jours aux résidents qu'ils n'ont pas les droits élémentaires des locataires, que leurs conditions d'habitation sont particulières.
..... La plate-forme du C.C. met fin à ce règlement intérieur discriminatoire, elle met en avant sur la question du logement le principe de l'égalité des droits entre français et immigrés.
..... L'égalité des droits est un mot d'ordre antagonique au droit bourgeois défendu tant par la bourgeoisie classique que par le P.C.F. Pour eux, le droit est lié à la citoyenneté, les nationaux ont quelques droits (du moins selon la loi), les étrangers aucun. Ceux qui font partie de l'État-nation, les citoyens existent en tant que personnes juridiques; ceux qui n'en font pas partie, les étrangers, n'ont aucun principe d'existence dans le droit, l'État peut tout contre eux.
..... Contre le droit bourgeois qui fait des immigrés des gens sans droits, s'oppose le mot d'ordre " Français-immigrés, égalité des droits", qui est une base essentielle de la politique révolutionnaire aujourd'hui.
..... En vérité, à propos des immigrés en France, il n'y a en fin de compte que deux attitudes possibles:
...-1) Ceux qui les considèrent d'abord comme des étrangers, quel que soit l'argument mis en avant: origine nationale, langue, religion, coutumes et façons de vivre...
..... Pour ces gens-là, qui mettent en avant les différences, dans la logique générale ..les immigrés ne sont pas comme nous, les français.., la question des rapports entre immigrés et français -comme ils disent -va nécessairement se poser dans des termes conflictuels; tôt ou tard, ils vont soulever comme inquiétante à leurs yeux la question des "trop grandes concentrations d'immigrés ", etc...
..... Aujourd'hui, en février 1981, on peut constater que cette logique-là conduit nécessairement à laisser faire et à cautionner sur le fond la politique de répartition du P.C.F. {répartition d'immigrés entre les différentes communes, quotas des familles immigrées dans les HLM, d'enfants " immigrés " dans les écoles, en attendant le quota des femmes immigrées dans les maternités, des malades immigrés dans les hôpitaux, etc...).
..... Cette répartition dans différents lieux d'habitation sera nécessairement autoritaire. Elle relève de la logique de l'apartheid, c'est-à-dire d'une politique de lieux de résidence forcée pour une catégorie de population.

..... La proposition de répartition c'est aussi la volonté du P.C.F. d'enrayer certains processus sociaux et démographiques du capitalisme. Actuellement, le logement ouvrier, immigré, est soumis aux lois de l'offre et de la demande, à sa mesure, à la concurrence. Le P.C.F. préfère la réglementation autoritaire et policière qui serait une véritable assignation à résidence pour les ouvriers immigrés.
...-2) Ceux qui considèrent -et nous sommes de ceux-là - et en faisons un grand axe de bataille politique et d'organisation, qu'il faut partir de la classe ouvrière et du peuple et de ce qu'ils sont aujourd'hui.
..... Les immigrés, les ouvriers immigrés et leurs familles habitent là où habitent les ouvriers et leurs familles; que ce soit au niveau de la commune, du département ou de la région, on "trouve " les immigrés là où sont les ouvriers.
..... La classe ouvrière de France -et donc le peuple avec elle - est multinationale. Elle est issue de groupes, de communautés, de minorités d'origines historiques. culturelles, nationales, diverses. C'est cela la réalité historique, c'est de cela dont il faut partir; c'est une question de principe; si on ne reconnaît pas cette situation, si l'on reste dans la problématique des " français " et des " autres ", on est sur le terrain de la ségrégation, de la discrimination.
..... Dans notre conception où la classe ouvrière est multinationale, son unité ne peut être que politique, et très certainement pas " sociale "; impossible aujourd'hui de décrire un ouvrier-type; socialement parlant, c'est la diversité qui règne selon les régions, selon le type d'industries, etc...
..... Pour construire l'unité politique de la classe, le mot d'ordre d'égalité des droits entre français et immigrés est essentiel.
..... La grève des foyers en s'inscrivant dans la lutte pour l'égalité des droits, affirmait son caractère de lutte de classe.

 UNE DIRECTION INTERNE AU MOUVEMENT:
LE COMITE DE COORDINATION

..... Le caractère de classe de la grève des foyers se trouvait également affIrmé dans sa volonté d'indépendance, voire dans son antagonisme face aux deux bourgeoisie. Si le mouvement dans sa nature même, s'opposait à la Sonacotra et à Stoléru, il eut à batailler tout au long de son histoire contre le P.C.F .et la C.G.T. et dans une certaine mesure contre la C.F.D.T., qui, les faits le montrent, étaient dans un rapport antagonique à lui. La grève des foyers est un exemple tout à fait significatif de ce que nous, maoïstes, appelons lutte contre les deux bourgeoisies, la lutte sur deux fronts.
..... Si, vers la fin du mouvement, le C.C. s'est mis à avoir des rapports privilégiés avec certaines sections C.F.D.T ., c'est qu'il n'était plus en mesure d'appliquer le principe de compter sur ses propres forces, et, dans le même temps, de maintenir ses capacités de ripostes et de contre-offensives face au P.C. Ceux qui pensaient que travailler avec quelques sections C.F.D.T. pouvait tenir lieu de ligne politique au C.C. pour organiser la résistance aux expulsions de foyers, ont été dans les faits les organisateurs de la faiblesse et de l'impuissance, même si cela se camouflait en déclarations fracassantes: "On tiendra jusqu'au bout, jusqu'à la victoire...".
..... L'existence du C.C. comme direction interne du mouvement représente à nos yeux la matérialisation en terme d'organisation du caractère de classe du mouvement; c'est une des grandes leçons de la lutte des foyers. Quand le mouvement de masse développe d'authentiques positions de classe, il édifie sa propre direction interne.
..... ..... Le fait:
..... * que le mouvement des foyers n'a pas été un mouvement simplement local, mais régional ou national.
..... * que ses mots d'ordre ont été de nature antagonique à la société bourgeoise impérialiste. En conséquence de quoi il s'est trouvé engagé dans une lutte sur deux fronts, contre les deux bourgeoisie.
..... * qu'il a cherché à rallier à sa cause des fractions significatives du peuple.
..... * qu'il s'est doté de sa propre direction interne, indépendante des deux bourgeoisie et des syndicats,
..... ..... a conduit l'U.C.F.M.L. à définir le mouvement des foyers comme un AUTHENTIQUE MOUVEMENT DÉMOCRATIQUE RÉVOLUTIONNAIRE.

- II -


CRITIQUE DE L'ORIENTATION PRINCIPALE DU COMITÉ DE COORDINATION EN MATIÈRE:

* D'UNITE DES RÉSIDENTS

* D.UNITÉ DE LA CLASSE OUVRIÈRE

* D'UNITÉ DU PEUPLE 

..... Le C.C. a toujours présenté comme exemplaire l'unité entre les résidents en grève originaires d'une multitude de pays. A ses yeux, l'unité du mouvement qu'il incarnait l'autorisait à tenter d'imposer sa propre conception de l'unité de la classe ouvrière et du peuple comme la seule politique correcte.
..... Qu'il y ait eu des formes d'unité, cela est sûr, les grandes mobilisations, la ténacité du mouvement en témoignent; qu'il se soit agi d'une unité politique sûre et solide, c'est une autre question. Pratiquer l'unité sur les objectifs de la lutte, tout particulièrement contre les hausses de loyers et les gérants racistes ne signifiait pas que l'unification politique soit pour autant acquise. En effet, s'unifier politiquement est plus vaste et plus complexe que simplement s'entendre sur des objectifs de lutte.

..... ..... ..... -1) L'unité des résidents

..... La grève des foyers regroupait des résidents de toutes les nationalités, 27 indiquait le C.C.; le mouvement avait su casser la politique de division que développaient systématiquement les gérants et qui visait à opposer les différentes nationalités entre elles. Les résidents de différentes nationalités étaient unis sur la charte et sur le fait que le C.C. était leur direction. Il s'agissait donc d'une unité DANS UNE LUTTE, liée à ses objectifs et à ses formes particulières.
..... Quand les résidents disaient "tous unis, nous vaincrons" cela signifiait tous unis dans la lutte, sur la base de la plate-forme, nous vaincrons. Bref, c'est parce qu'ils luttaient ensemble que les résidents disaient qu'ils étaient unis. Ceci dit vers la fin du mouvement, quand le C.C. parlait de l'unité des résidents, il avait en tête la formidable transformation des rapports sociaux que la grève avait entraînée dans les foyers et dont le signe quotidien principal était que le gérant ne faisait plus la loi. Mais l'unité politique face aux expulsions était loin d'être réalisée.
..... En fait, l'unité des résidents était à reconstituer après chaque étape que franchissait le mouvement face à chaque nouveau problème. Elle n'était pas acquise en soi. En effet, l'ensemble des résidents était traversé par plusieurs courants politiques. L'existence de ces courants était d'une part la conséquences des attaques des forces bourgeoises, attaques répressives autant qu'idéologique, d'autre part la conséquence du rapport entre le nouveau et l'ancien (par exemple s'affrontait parmi les résidents deux conceptions de la politique, l'une issue de l'expérience du FLN algérien, l'autre des combats dans l'usine après 68...). L'existence de ces courants nécessitait une intervention spécifique sur les formes de conscience qui leur correspondaient. Car ces différentes formes de conscience entraînaient des débats parmi les résidents, suscitaient des questions qu'il fallait traiter. Or, le C.C. a eu une politique de fuite, voire de refus total de poser le problème et de chercher à y répondre. Ceci depuis Août 76, mais qui éclata au grand jour après Juillet 78. Le C.C. ne répondait plus aux questions que se posaient les résidents; il n'était plus un point d'appui à l'avancée des larges débats parmi les masses. Les A.G. servaient principalement à communiquer les directives, à traiter les questions techniques de travail. Pour lui, l'unité avait été soi-disant acquise avec la rédaction de la plate-forme. Quiconque pensait que cette affirmation ne répondait plus, à elle seule, aux tâches du mouvement, était traité de diviseur.

..... ..... ..... -2) Le C.C. et " l'unité de l'immigration ":

..... A partir d'Août 76, un courant majoritaire au sein du C.C. va progressivement considérer qu'au delà de sa dimension de direction de la grève, le C.C. doit être l' organisation politique de l'immigration. C'est particulièrement sensible lorsqu'il appelle les immigrés à la grève générale le 14 Mars 77 au moment du retour des délégués expulsés, dans la forme que prend son appel contre les mesures Stoléru en Novembre 77 et dans sont refus affirmé depuis Aout 76 que les organisations politiques qui le soutiennent viennent dans les foyers discuter avec les résidents, organiser des débats ...
..... Cette tendance à se considérer comme organisation politique de l'immigration fut pourtant freinée par le fait que pendant tout un temps, la force du C.C. provenait de celle des résidents mobilisés et donc de la grève des foyers. Mais à la fin du mouvement, au moment des expulsions massives, incapable de trouver une solution aux nouveaux problèmes posés, le C.C. bascula massivement dans sa conception d'être l'organisation politique de l'immigration; ce qui va le perdre (les rassemblements de Garges du 7 Juillet et du 29 Septembre 79, puis la manifestation du 1er décembre, en sont les exemples les plus frappants).
..... Ceci dit, en dehors du fait que cette orientation servait à masquer les difficultés du C.C. à définir une politique qui arme les résidents face à la Sonacotra, se concevoir comme l'organisation de l'unité de l'immigration est une orientation en elle-même erronée. Concevoir l'immigration dans son extériorité au peuple et à la classe ouvrière en France, est une forme d'intériorisation des politiques bourgeoises tant de l'État que du P.C.F. Penser qu'il y a d'un côté les français qui sont dans leur pays, de l'autre côté les étrangers, accrédite la conception bourgeoise et réactionnaire de l'État-nation, l'idée que les différences fondamentales entre les gens viennent de leur nationalité et non pas de leur position de classe.
..... Une telle conception mène d'autre part à la division des forces du peuple, à l'incapacité de dégager la ligne d'une unité politique concrète.
..... Cette conception de l'unité de l'immigration reprise par la majorité du C.C. les a conduit à prendre des orientations politiques erronées quant aux saisies-arrêts sur salaires, quant au rapport de la masse des résidents à la politique, quant à l'organisation du camp du peuple autour d'eux.
..... -a) Sur la question des saisie-arrêts sur salaires. Le C.C. scandait le mot d'ordre "français-immigrés une seule classe ouvrière". Il rappelait souvent que la grève était une grève ouvrière, mais il avait cependant pour ligne politique de fait de ne pas travailler sur l'usine à l'unité français-immigrés avec la lutte des foyers comme référence. A tel point que contre les saisies-arrêts sur salaires, rien, ou presque rien, ne sera fait.
..... Si l'on peut comprendre que comme direction de lutte le C.C. tenait délibérément l'espace de l'usine comme hors de son champ (ne sont pas significatives les quelques distributions de tracts pour appeler à des manifestations, des " portes ouvertes ", etc...), sa prétention à être l'organisation de l'immigration l'a conduit à défendre une ligne entrièrement syndicaliste sur les situations d'usines. A vrai dire ils pensait que l'usine était du ressort des syndicats, qu'ils concevaient comme l'organisation des ouvriers français. D'où ses tentatives, ses appels à l'unité avec les syndicats, en particulier avec les sections syndicales sur les usines où travaillaient les résidents. Ce fut un fiasco général.
..... -b) La volonté de certains membres du C.C. de faire de leur organisation "l'organisation politique de l'immigration " les a conduit à adopter une attitude erronée quant aux débats dans les foyers sur la situation politique d'ensemble en France. Quand le C.C. a décrété que les " organisations politiques " qui le soutenaient ne devaient plus venir dans les foyers et donc qu'il était exclu qu'elles puissent y faire de la propagande, y vendre leurs journaux, impulser des réunions, débats sur les lutte de classe en France..., il tentait de couper les résidents de la politique en France; il mettait en pratique sa conception de la politique: les français d'un côté, les immigrés de l'autre; la lutte des classes en France intéresse les français; les immigrés eux luttent pour leurs revendications.
..... En fait, le C.C. se substituait aux résidents pour juger ce qui les intéressait et ce qui ne les intéressait pas, qui ils voulaient voir et qui ils ne voulaient pas. De toute évidence, là-dessus, il manquait de confiance dans les résidents et sous-estimait largement l'importance des débats politiques.
..... A notre connaissance, il ne peut pas y avoir de prise de conscience sans débat et points de vue contradictoires. Comme le dit Mao Tsé Toung: " le vrai s'édifie dans la lutte contre le faux", et il faut là-dessus avoir confiance dans les masses. Nous pensions et nous l'avons dit au C.C. que l'entrée dans les foyers devait être libre.
..... ..... Nous étions convaincus, ainsi que l'expérience le montrait, que le P.C.F. et ceux qui attaquaient la grève seraient dénoncés et rejetés, et que, pour le reste, le mouvement ne pouvait que gagner à un débat politique.
..... Le C.C. pensait autrement. Il voulait avoir le contrôle absolu des débats, des discussions, et des propositions. il voulait " contrôler " les masses des foyers.
..... -C) Quant à l'organisation du camp du peuple, cette position les a amené à développer la conception du "soutien" comme unique forme d'alliance et unité politiques. Nous ne reviendrons pas là-dessus qui a été longuement développé.

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