10 ANS DE MAOÏSME
UNE HISTOIRE
UN BILAN
UNE POLITIQUE

(pages 25 à 34) LE MARXISTE-LENINISTE n°50-51 -printemps 1981-

 ç page précédente

Suite è

.3.

UNE POLITIQUE
DE LA CONJONCTURE

-----------------------------------------------------------
Crise : contre la mise en crise
du peuple
------------------------------------------------------------

       La crise, qui peut maintenant tromper sur son étendue, qui peut la discuter ?
        Les faits, chômage, inflation, montée des égoïsmes, décomposition des politiques, ces faits massifs se sont chargés de confirmer ce que nous disions dès 74-75 contre tous ceux qui, incrustés dans le ronron de la société impérialiste française, étaient devenus incapables d'en voir l'envers, c'est-à-dire la vérité profonde: la violence du capitalisme, le chauvinisme et le racisme, la soumission des peuples, les risques de guerre.  

MAIS QUELLE CRISE AU JUSTE ?
QU'EST-CE DONC QUI EST ENTRÉ: EN CRISE ?

        La crise actuelle, c'est non seulement celle de l'économie impérialiste dans son ensemble, mais aussi et surtout l'impuissance Etatique à formuler une politique de sortie de cette crise économique. Profonde confirmation de ce qu'elle touche non les formes toujours aménageables du système, mais le système lui-même. Crise de l'ordre économique impérialiste et du rapport d'exploitation pays impérialistes / tiers-monde, crise du rapport d'exploitation interne sur lequel s'était élevé la croissance des années 50 et 60.
        Cette crise structurelle qui s'indique comme l'envers de la période de croissance 1950-70, est appelée à durer, tant les problèmes qu'elle cumule échappent à la maîtrise et des capitalistes et de leurs États: repartage des forces inter-impérialistes, redistribution des cartes entre impérialismes et tiers-monde, restructuration du capital autour des branches les plus rentables, mise en place de nouvelles formes d'exploitation à l'intérieur (précarisation d'une partie de la classe ouvrière...).
        La résolution de ces problèmes par les capitalistes passe par la surexploitation, l'aggravation des tensions sociales internes au peuple, la concurrence impitoyable et sauvage, le risque de guerre.
        7 ans après le début de cette crise, aucun de ces problèmes fondamentaux n'est encore réglé et les politiques de crise adoptées par Barre, Thatcher et maintenant Reagan, en arasant les canaux institutionnels régulateurs de la période de croissance pour débrider les flots salvateurs du marché, n'ont fait qu'inonder la plaine. Est non seulement noyé le moteur de l'investissement, mais celui aussi de la consommation du fait de la compression des salaires et des prestations sociales, de sorte que les profits retrouvés par la baisse des salaires ne s'investissent pas faute de marchés. Est non seulement en panne la consommation intérieure mais aussi les exportations puisque la récession touche l'ensemble des pays capitalistes y compris la locomotive allemande.
        RÉSULTAT: plus d'un belge et d'un anglais actifs sur 10 sont chômeurs et l'Allemagne atteindra fin 1981 le niveau actuel du chômage en France.

La crise qui
frappe les pays
européens, c'est
le chômage, le racisme.
Ici, réaction spontanée
d'une communauté
(Brixton, Grande-Bretagne).

 

L'IMPUISSANCE DES POLITIQUES ÉTATIQUES:

        Alors que la dernière élection présidentielle de 74 et plus encore les législatives de 78 s'étaient jouées sur des projets Etatiques bourgeois forts, gaullo-giscardisme contre union de la gauche, programme de Blois contre programme commun, réformes contre réformes, il n'en est quasiment plus rien aujourd'hui.
        Aujourd'hui, où le débat sur les orientations véritables de l'Etat face à la crise ? Les programmes avancés ne sont pas destinés à gouverner l'État mais à organiser le peuple autour de grands thèmes idéologiques: sécurité, racisme, drogue... Chaque parti bourgeois est à la recherche de filons réactionnaires, de créneaux idéologiques.
        D'où cette succession de campagnes montées en épingle, de coups de force, de rivalités dans l'odieux et le mensonge, de basses flatteries.
        Sur ce terrain, les giscardiens ne sont pas forcément les mieux placés, bien obligés de se coltiner la gestion de la crise puisqu'ils sont au pouvoir. Bien obligés, malgré tout, de dire que ce qu'ils feront, c'est ce qu'ils font.

 
Des branches entières de l'industrie des vieux pays impérialistes en crise
(ici le Nord Sidérurgique en France).

        De ce point de vue, les forfanteries du savant économiste Barre ont fait long feu: les faillites et les licenciements pleuvent comme jamais, touchant toutes les régions, s'élargissant à toutes les branches y compris à ce pilier du capital qu'est l'automobile depuis 30 ans, la hausse des prix reste accrochée à son niveau officiel et annuel de 14-15% et le chiffre des 2,5 millions de chômeurs pour 1985 n'est plus contesté par personne.
        A court de perspectives, l'Etat giscardien s'en remet à la vieille Bible du capital et à ses commandements: libérez les prix, libérez les licenciements, il en sortira bien un jour quelque chose.
        Dans le cynisme de Barre, il y a toute la vérité du capital: système où le travail est détruit s'il ne rapporte plus suffisamment de profit, système qui ne peut traiter ses convulsions qu'en se prosternant devant le Dieu de la Concurrence et qui doit attendre que ce Dieu ait fait son oeuvre.
        Le rôle de l'Etat dans l'affaire ? Protéger les bourgeois de ce qu'ils redoutent, leur grande trouille: l'imprévisible émeute populaire.
        L'Etat distribue quelques pansements (primes de départ, pré-retraites, allocations chômage, pactes pour l'emploi) et désignent les boucs émissaires: les immigrés dont le plan du candidat Giscard organise l'accélération des expulsions (250 000 sur 4 ans).
        Pour couronner le tout, une philosophie de la médiocrité, du juste milieu. Philosophie molle de la capitulation facile, du repli égoïste, du maintien du petit-chez-soi-tant-qu'on-pourra.

        CHIRAC, quant à lui, ne prend même plus la peine de formuler une politique de résorption de la crise. Avant tout, il cherche de l'air, un peu d'espace pour ne pas être complètement laminé. Le voilà à la recherche d'un bon scénario qui tienne la route des présidentielles, soudain chaussé des bottes de Reagan et de Thatcher, déguisant Giscard en Carter, tapant à tour de bras sur les limitations de vitesse et les ceintures de sécurité, les fonctionnaires, les impôts, l'Etat, lui qui n'a jamais rien connu d'autre que les ministères et la tournée des popotes en Corrèze.
        Un seul exemple pour indiquer le bluff chiraquien, son vide politique, un exemple de retournement radical du chômage en pénurie sérieuse de main d'oeuvre. Un exemple entendu: il y a 2 millions de P.M.E. et 1,7 million de chômeurs en France; si chaque P.M.E. engageait une personne, il n'y aurait plus assez de bras...

        Dans le vide, MITTERRAND est certainement celui qui s'y tient encore au plus profond. Point de convergence de toutes les contradictions des forces parlementaires, assis entre de multiples chaises, il essaie de trouver son équilibre dans le flou, ayant apparemment compris que moins il en dirait, plus il avait de chances d'être cru.

        Enfin, MARCHAIS. Le programme de Marchais, ses "131 propositions de lutte", n'est qu'un assemblage racoleur des thèmes favoris du P.C.F .: fabriquons français, faire payer les milliardaires, nationaliser, se tourner vers les pays de l'Est, produire des millions de lave-vaisselle pour créer des dizaines de milliers d'emploi et ainsi de suite...
        Qui pourrait prendre cela pour une politique de résorption économique de la crise ? La réponse du P.C.F. à la crise est toute entière idéologique, dans l'instauration d'un ordre moral, en vérité un ordre politique et policier dont il cherche à imposer la nécessité par la violence de ses coups et ses pratiques terroristes. Ordre dont il donne le moyen: le renforcement du P.C.F.
        A regarder l'évolution des forces bourgeoises, cette évolution ne lui est pas particulière. Quand les politiques Étatiques sont impuissantes à organiser les gens autour d'une transformation réelle des choses, et c'est vrai de l'UDF au P.C.F., les forces bourgeoises, s'appuyant sur le grand désarroi qui accompagne toutes les périodes de crise, n'ont plus qu'un seul recours: METTRE EN CRISE LE PEUPLE LUI-MEME, selon l'expression des camarades des C.P.A.Cs.

LA MISE EN CRISE DU PEUPLE:

        Mettre en crise le peuple, c'est plus que la vieille idée diviser les gens, c'est travailler les mentalités, imposer une conception du monde où les contradictions au sein du peuple deviennent des contradictions de haine et de destruction, c'est trouver les artifices de cette haine et c'est entreprendre de décerveler les gens pour qu'il n'y ait plus rien à comprendre et tout à suivre aveuglément, hors de toute rationalité, hors de toute réalité.
        Mettre en crise le peuple, c'est vous dire d'aller accueillir votre ennemi au plus près, c'est à dire chez votre voisin. Il sera baptisé dangereux concurrent de travail, délinquant, immigré aux moeurs sauvages, drogué et s'ils ne le sont pas, qu'importe, l'important c'est qu'ils puissent l'être.
        Traquer l'indésirable, celui par qui la crise semble arriver et coaliser les gens sûrs, sains, propres, blancs, autour d'un nouvel ordre moral qui s'identifie aux valeurs et à la politique d'un parti, c'est la voie fasciste que, même et plus que tout autre, le P.C.F. a aujourd'hui les moyens de porter.
        De tous côtés, on s'entend pour n'y voir qu'une dérisoire pêche aux voix, un électoralisme sordide. Certes, cet aspect existe, mais c'est accorder au P.C.F. une bien courte vue et surtout se tromper radicalement sur la nature de son entreprise.
        Comme tout ce qui est de la crise, le P.C.F. y est à nu, dans son unité profonde, pour ce qu'il est comme parti et ce qu'il veut comme société: un capitalisme bureaucratique d'Etat, dont l'affaire de Vitry et la politique raciste des municipalités P.C.F. montrent bien la nature.
        A la logique de la division par la concurrence développée par les bourgeois classiques (les gens habitent là où ils veulent dans la mesure de leurs moyens, ce qui donne des quartiers de riches, de pauvres, de classes moyennes), il propose une logique d'Etat qui est une logique d'apartheid, c'est-à-dire d'habitat forcé d'une catégorie de population. Logique policière, logique humiliante que l'application de cette politique des quotas Etatiques dans l'organisation de la vie des gens: quotas d'immigrés dans les quartiers, les écoles, les dépenses de santé, les usines, et pourquoi pas, puisque le P.C.F. propose la prise en main de l'intérim par l'Etat, des quotas nécessaires d'intérimaires dans la population et les usines, des quotas de jeunes, de femmes, de vieux, de bretons et de corses puisque les antillais sont déjà au nombre des pestiférés.
        Comme on le voit, la crise actuelle, crise économique profonde, crise du capital et de l'impuissance Etatique, développe ses enjeux principaux sur le terrain de la mise en crise du peuple qu'organisent les politiques des partis bourgeois.
        C'est de là aussi que la politique maoïste part, autour d'un certain nombre de points de repère, de thèmes que la crise fait apparaître dans la conscience des gens.

LA POLITIQUE MAOISTE: QUELQUES THEMES DANS LA CRISE.

        -I) TOUT D'ABORD, la crise est une éclatante confirmation de ce qui a donné naissance et sens à la politique maoïste: la nécessité de la lutte sur deux fronts, contre les 2 bourgeoisies. Comment pouvoir dénoncer le racisme du P.C.F. sans être pour autant du côté malgré soi de la politique raciste de Stoléru ou dans les pas encombrés des hauts faits colonialistes du P.S. ? Comment s'indigner de l'offensive anti-populaire de Giscard, des licenciements, du marchandage de l'intérim sans tomber dans les pattes du discours anti-Giscard de Marchais ? Où et comment pouvoir sortir de cette tenaille dès lors qu'on refuse de rentrer sous sa tente ?
        La politique maoïste donne la raison de cette situation, la clairvoyance et le cadre pour développer le combat contre la crise.

        -II) DEUXIEME THÈME: celui de l'unité de la classe ouvrière et du peuple face aux entreprises de démolition subjective engagées par les forces bourgeoises.
        Soyons clairs: il n'y a jamais eu d'unité sociale de la classe ouvrière et du peuple. Tout au contraire, la classe ouvrière est d'une extrême diversité. Elle est multinationale, composée de jeunes, de vieux, de femmes, d'habitudes régionales. Il a toujours été réactionnaire et fasciste de prétendre résorber la diversité et donc la richesse sociale de la classe ouvrière dans une norme solide, un modèle auquel se plier, sous peine d'exclusion. Ainsi le modèle cégétiste de l' O.P., 40 ans, français bon teint, petit pavillon de banlieue.
        L'unité de la classe ouvrière et du peuple est une construction politique. C'est dans la conscience et l'organisation politiques que les ouvriers peuvent construire leur unité, travailler à supprimer étapes par étapes les contradictions organisées par le capital tout en préservant la richesse de leur diversité sociale.
        Donnons trois exemples:
        Lorsque nous avons avancé le mot d'ordre d'égalité des droits entre français et immigrés, de quelle unité sommes nous partis ? D'une conception politique de la classe ouvrière, à savoir qu'elle est ici internationale et qu'en droit bourgeois qui discrimine les gens selon leur nationalité, nous opposons cette conception révolutionnaire qui est que doivent avoir les droits, tous les droits y compris politiques, ceux qui travaillent. Position poussée jusqu'à reconnaître aux camarades immigrés toute leur place dans la lutte des classes en France, c'est à dire aussi dans l'édification du parti.
        Lorsque nous nous attaquons au problème du rapport entre les gens dans les quartiers, contre la volonté du P.C.F. d'uniformiser les gens dans le même moule du "petit blanc, sage et civilisé", nous partons d'une position d'unité politique: celle du refus de la concurrence au sein du peuple, de l'embrigadement policier par le P.C.F., de construction de l'organisation qui permette, là où on est, de penser les différences dans une volonté d'unité et de combat anti-capitaliste - c'est ce à quoi sont engagés les C.P.A.Cs.
        Lorsqu'enfin, dans les usines, le développement de l'intérim a fini par enfermer un certain nombre d'ouvriers fixes dans la défense de leur statut privilégié, les noyaux communistes ouvriers partent de cette idée politique que le point de vue des intérimaires sur les fixes, l'usine, l'organisation du travail, l'inégalité des tâches et des primes, peut être le regard neuf sur lequel s'appuyer pour que se reconstitue une solidarité ouvrière effective et active.

        -III) S'ORGANISER: L'IMPÉRATIF DE LA CRISE. S'organiser dans les noyaux, les C.P.A.Cs, l'U.C.F.M.L.
        ce n'est pas le prolongement salutaire de mouvements qui en auraient montré la nécessité. S'organiser, c'est aujourd'hui un commencement.
                Commencement:
        -pour d'abord exister, desserrer l'étau des deux bourgeoisies, ne pas être pris dans la tourmente réactionnaire, bref ne pas être en crise soi-même.
        -pour être en mesure d'avoir une mémoire, de connaître l'histoire pour que les faits et les mots gardent leur sens, d'avoir une pensée.
        -pour être en mesure collectivement de pouvoir ressouder une avant-garde à une classe ouvrière et à un peuple réunifiés autour des grands combats à venir.


La vision du P.C.F. de la crise : une conception impérialiste de la société impérialiste.

-----------------------------------------------------------
NOTRE POLITIQUE CONTRE LE P.C.F.
-----------------------------------------------------------

POURQUOI PARTICULARISER LE P.C.F. ?

        Il existe bien d'autres partis politiques en France, partis bourgeois de l'impérialisme. Pourquoi donc particulariser le P.C.F. ?
        Nous ne sommes pas de ceux qui l'appellent "le" Parti intériorisant ainsi sa volonté hégémonique. Nous n'avons aucune filiation avec le P.C.F.; nous n'en sommes aucunement issus par scission ou scission de scission, comme les autres groupes "marxistes-léninistes"; nous ne nous réclamons d'aucunes de ses périodes historiques comme exemple positif d'une politique révolutionnaire dans la France impérialiste.
        Notre critique du P.C.F. et de son histoire ne fait que s'approfondir à partir du présent politique et ne nous conduit nullement à un rapprochement avec telle ou telle étape de sa politique (par exemple dans les années 20 ou 30).
        Notre combat contre le P.C.F. ne nous mobilise pas en raison de son étiquette marxiste. Nous savons qu'il n'a pas plus à voir avec le marxisme que l'Armée du Salut n'a rien à voir avec la fraternité communautaire. D'ailleurs, le P.C.F. ne se sert plus guère de son masque de faux marxiste. A vrai dire, il ne l'utilisait depuis 1968 que dans ses roucoulades en direction de la petite bourgeoisie intellectuelle; mais il préfère désormais n'user vis à vis d'elle que de la logique de la force, logique d'autant plus efficace que la petite bourgeoisie est aujourd'hui entièrement décomposée idéologiquement. D'où que le P.C.F. est plus désignable désormais comme parti social-fasciste que comme parti révisionniste.
        Si le P.C.F. est un ennemi spécifique de la révolution et du communisme, ce n'est pas non plus parce qu'il aurait le monopole de l'influence bourgeoise dans le peuple et la classe ouvrière. Nous savons au contraire que l'ancienne bourgeoisie structure depuis longtemps un camp de l'impérialisme dans les masses fondamentales et qu'elle développe pour ce faire le parlementarisme et le syndicalisme.
        Dans le travail de masse, on rencontre donc toutes les positions et toutes les forces bourgeoises et pas seulement le P.C.F. Et cela d'autant plus que l'ancienne bourgeoisie relance sa propre structuration de masse dans la crise (Cf Fiat: 30 000 "travailleurs" défile avec la direction pour les licenciements, contre la grève). Le P.C.F. ne se particularise donc pas de ce qu'il serait la seule force bourgeoise ayant une "liaison de masse", mais de ce qu'il travaille à une "liaison" spécifique: son projet de Parti de masse, fusionnant à terme dans le pouvoir avec un Etat impérialiste réformé, aujourd'hui rivalisant avec lui pour structurer des forces politiques de masse; son ambition de réorganiser toute la société impérialiste, le mode spécifique d'embrigadement des ouvriers et des peuples dont il est porteur comme les nouveaux mécanismes économiques de gestion et répartition de la plus-value qu'il préconise, voilà qui en fait une nouvelle bourgeoisie et un parti social-fasciste. Ceci n'est pas l'idée abstraite de copier en France le modèle russe: c'est une offensive politique concrète, entamée depuis 1968, accélérée par la crise, qui tente de progresser désormais au rythme de coups politiques comme le bulldozer de Vitry, la délation de Montigny... Ce sont des pratiques politiques nouvelles qui font conjoncture dans les masses, interrogations spécifiques.

POINTS DE MÉTHODE :

        Quelle sont nos interrogations de maoïstes ?
        La question du P.C.F. n'est pas pour nous une question d'analyse (comprendre ce que cherche le P.C.F., pourquoi il fait cette politique) mais une question d'engagement: quel rapport avoir à lui ? Comment faire force contre lui ?
        Il faut être marxiste sur cette question comme sur les autres questions politiques. Ceci ne veut pas dire: juger le P.C.F. au regard de principes, de dogmes; exemple: "il a nié la dictature du prolétariat, donc il est devenu bourgeois" . Ceci veut dire plusieurs choses:
    -a) On ne part pas d'une analyse du P.C.F. comme si en découlerait fluidement une prise de position et une action. On part des révoltes qu'il suscite. De ces révoltes il y a à apprendre sur l'état subjectif des ouvriers et du peuple et aussi sur l'ennemi ( le P.C.F .et les autres forces bourgeoises ).
    -b) On part également de notre politique c'est-à-dire de ce qui reste avec nous comme organisation, conscience et forces. Pas plus que l'engagement ne naîtrait de l'analyse, la politique n'émerge de la révolte. La révolte, c'est quand on est contre quelque chose. La politique, cela avance quand on clarifie ce pour quoi on est, cela marche avec le projet, l'identité, la volonté de s'organiser pour faire force. Etre contre, cela met en mouvement, cela stimule la clarification de sa propre identité, et sans cette clarification, il y a grande faiblesse de l'antagonisme.
        Le levier pour passer de la riposte à la politique, donc à l'organisation, passe par la conscience, le travail sur soi. D'où que nous partons des formes de conscience et des courants de masse qui s'y dessinent.
    -c) Ceci est essentiel pour comprendre contre quoi est le P.C.F. Le P.C.F., comme toute force bourgeoise impérialiste, est contre-révolutionnaire. Il protège un ordre réactionnaire contre les forces de la révolution et du communisme. Le P.C.F. a émergé contre Mai 68 et la nouvelle bourgeoisie a décuplé ses ambitions réactionnaires dans le monde en combattant la révolution culturelle et le maoïsme. Le P.C.F a développé sa politique contre l'autonomie du peuple, contre les mouvements démocratiques révolutionnaires (Cf: Sonacotra). Il tire sa force de ces capacités. Pour nous il s'agit là de ses faiblesses, de nos forces qu'il tente de réduire.
    -d) Nous jugeons donc du P.C.F. au regard de ce qui existe comme autonomie et force dans le peuple, dans la classe ouvrière et qu'il vise à annihiler. Nous ne sommes pas pris dans le trouble idéologique qu'il organise, dans le terrorisme verbal qu'il pratique: les discours marxisants de sa période de transition est remplacé par le maniement systématique de l'inversion verbale pour retirer aux mots leurs sens" pour ôter aux gens les instruments minimaux de la pensée, pour porter le confusionnisme à son maximum:
    * quand il attaque les immigrés, il appelle cela de l'antiracisme.
    * quand il pratique la délation, c'est pour lui la plus haute forme de l'humanisme.
    * quand il appelle au renforcement de l'Etat et de la police, ce serait du communisme.
    * quand il soutient une invasion étrangère, il soutiendrait l'amitié internationaliste.
        Voilà une logique typiquement fasciste, où la contre-révolution se cache derrière les mots de la révolution, où les drapeaux les plus réactionnaires s'habillent de rouge. Voilà le trouble dont a besoin ce type de politique pour s'imposer. Il faut se tenir au plus près de ce qui se construit de nouveau dans la classe ouvrière et le peuple pour faire lie de ce terrorisme.
    -e) Notre conviction est que s'opposer au P.C.F. doit renforcer cette structuration révolutionnaire et produire de du nouveau. D'ailleurs, la critique de la présence organisée dans le peuple des partis sociaux-fascistes est inséparable des situations révolutionnaires (Cf Mai 68, le Portugal de 74 à 76, la Pologne aujourd'hui). La critique du P.C.F. a déjà produit (et continuera de le faire) du nouveau dans l'identité subjective de la classe ouvrière.

LES 2 PRINCIPAUX COURANTS D'OPPOSITION RÉACTIONNAIRE AU P.C.F. :

        - L'ANCIENNE BOURGEOISIE (droite et P.S.) :
        Elle critique le P.C.F. du point de vue de sa rivalité pour le pouvoir d'État.
        Elle ne défend pas les peuples, les immigrés... Elle est d'accord sur l'objectif de répartition des immigrés. Elle est en désaccord avec le P.C.F. seulement sur les moyens, car chacun rivalise là pour être la principale force réactionnaire. Elle ne veut pas du projet P.C.F. de réformer l'Etat impérialiste. Le P.C.F. veut rendre l'Etat encore plus actif dans l'économie (nationalisations... projet du capitalisme monopoliste bureaucratique d'Etat); il veut construire de nouveaux appareils para-Étatiques (milices locales); il veut renforcer l'intégration Etatique des syndicats; il prétend transformer le droit bourgeois: remplacer l'individu et ses droits par des ensembles arbitraires dont les droits fictifs seraient représentés par des bureaucrates (les "travailleurs" d'une entreprise remplacés par le bonze syndicaliste, les habitants d'une localité représentés par l'appareil municipal...). Le P.C.F. vise ainsi à transformer le fonctionnement ancien du parlementarisme, à embrigader de façon nouvelle le peuple. C'est contre cela qu'est l'ancienne bourgeoisie. C'est cela qu' elle nomme le fascisme du P.C.F. et non pas ce qui en est l'essence, c'est-à-dire la contre-révolution violente parée des simulacres de la révolution. C'est pour cela que l'ancienne bourgeoisie tente d'empêcher une véritable critique de masse du P.C.F. qui serait une avancée décisive du point de vue de classe, une rupture avec le syndicalisme, le parlementarisme et l'impérialisme.
        L'ancienne bourgeoisie obscurcit la critique du P.C. F.:
     -soit en taxant d'électoralisme ce qui est une politique social-fasciste de long terme.
     -soit en camouflant la politique de Parti du P.C.F. derrière une des nombreuses variantes de l'opposition interne entre base et sommet. Elle ressortira périodiquement le dossier Marchais, elle parlera de la main de Moscou, elle utilisera la fable récurrente des combats d'alcôve entre durs et mous, des alternances de périodes de glaciation ( où les mous deviennent durs) et de périodes de dégel (où tous lâchent du mou).
     -enfin en renvoyant le P.C.F. de force sous l'étiquette du marxisme afin d'enterrer là à bon compte le marxisme et le communisme.
        Cette critique nous est entièrement étrangère.

        - LES OPPOSITIONNELS ET DISSIDENTS:
        Il s'agit là du courant " Union dans les luttes" vertébré par les trotskystes de tous poils. Sur le fond, ces gens n'ont pas de politique. Donc ils ne peuvent être antagoniques au P.C.F. Leur critique se réduit à une opposition. D'où leur goût pour l'analyse infinie du P.C.F. dont il font leur principal gagne-pain. Mais à ce compte, leur opposition ne porte pas sur le contenu de sa politique de Parti.
        Ce qui ne va pas dans le P.C.F., pour ces gens, ce n'est pas le fond de sa politique, ce sont là encore ses méthodes et ses moyens. D'où le débat paravent sur la non-démocratie interne du P.C.F. qui masque le véritable débat sur la politique réactionnaire du P.C.F., mais révèle l'ambition ultime de ces gens: être les chefs du P.C.F.
        Ce courant vise à paralyser toute critique de masse du P.C.F., à faire comme si le P.C.F. était le coeur de la politique et de l'histoire, à gommer la rupture de masse portée par Mai 68.
        Aujourd'hui, la tâche est à forger les armes de cette rupture.

NOTRE POLITIQUE CONTRE LE P.C.F. :

   A) IL FAUT SITUER LE COMBAT CONTRE LE P.C.F DANS LA CONJONCTURE DE CRISE:
        La crise n'est pas seulement économique. Elle est politique; et elle ne l'est pas seulement pour la bourgeoisie. Il y a crise politique profonde dans la classe ouvrière et le peuple; il y a conjoncture de grande confusion que le P.C.F. entend aggraver pour en tirer parti.
        Nous ne croyons pas à la vieille idée qui traîne souvent que lorsque les conditions de vie s'aggravent avec la crise, il finit automatiquement par y avoir de la révolte et de la politique révolutionnaire. Cela n'est pas si mécanique car il faut tenir compte des formes de conscience face à la crise. Quand beaucoup de gens disent aujourd'hui: "cela va mal, cela ne peut plus durer" , veulent-ils dire: " on voit bien que c'est la crise du capitalisme, qu'il faut en finir avec lui, devenir des révolutionnaires, s'engager et s'organiser" ? Souvent cela veut dire précisément le contraire: "on regrette le passé impérialiste florissant. Il faut y retourner" .Et les gens qui disent cela s'engagent, oui, mais en fait contre ceux qui sont le plus attaqués par l'impérialisme. Attaquer les jeunes sans travail, les immigrés, les intérimaires, les sans-papiers, les pauvres, c'est une issue subjective pour les réactionnaires, cela donne corps à leur goût de la société impérialiste. C'est pour organiser ces gens que le P.C.F. fait aujourd'hui ses campagnes contre les jeunes sur le thème: "les jeunes sont des délinquants, des débauchés (drogués), contre les ouvriers immigrés sur les thèmes: "ce sont des charges. Répartissons-les" , contre les ouvriers intérimaires sur le thème "ce sont des ouvriers au rabais, briseurs de grève", contre les jeunes avec l'idée: "ce sont aussi des charges, chassons-les", contre les nomades également sur le seul argument: "ils ne vivent pas comme les bons français". Toutes ses campagnes sont abjectes. Elles sont social-fascistes: le propos est d'organiser un parti fasciste de masse et ses miliciens pour agir directement contre le peuple et les ouvriers afin comme l'a dit Séguy au nom de la C.G.T.: "de ne pas se laisser réduire au bol de riz". Toute cette horreur de la contre-révolution sait donc trouver ses arrières dans l'idée: "ça ne peut plus durer aujourd'hui", quand celle-ci signifie la défense à tous prix de la France impérialiste. Pourquoi cela ? Parce que ce qui fait qu'il y a crise politique dans le peuple, dans les ouvriers, c'est que les anciennes conceptions sur "comment lutter, s'unir, faire une force" sont attaquées et détruites avec la crise. A l'épreuve de la réalité, les conceptions antérieures montrent qu'elles sont insuffisantes. Il faut le marxisme, le léninisme, le maoïsme pour ne pas se laisser aller au découragement, mais arriver à comprendre la loi des choses, pour savoir comment passer à une autre étape. Cette question posée à chacun renvoie aujourd'hui à la question centrale du P.C.F.

   B) IL FAUT COMPRENDRE A FOND QU'ON A AFFAIRE CHEZ LE P.C.F. A UNE POLITIQUE DE PARTI:
        Attaquer le P.C.F., est-ce que cela nous affaiblit ou bien cela fait-il un point de force ? Cette question est souvent posée parce que la politique du P.C.F. devient une donnée de la vie des gens; elle acquiert autant d'effets subjectifs que la politique de l'Etat. Alors, le mouvement face à un acte ignoble du P.C.F. sera souvent de réduire plutôt - la critique au lieu de l'étendre: on ne parlera pas de la politique de parti du P.C.F., mais du Maire, de la municipalité, ou des dirigeants.

A la faculté de Saint-Denis, intervention des PAE et de l'UCFML avec de nombreux étudiants et personnels contre Zarka, bonze social-fasciste local, qui organise des campagnes contre les immigrés dans les cités.

 

Or, laisser en dehors le parti PCF, c'est mettre à part le lieu politique commun à tous ces gens qui est pourtant la cause de toutes ses pratiques. C'est comme Parti que le P.C.F .fait sa propre analyse de la conjoncture de crise, qu'il décide de sang-froid de lancer des campagnes et des attaques contre le peuple. Le P.C.F. pense que la crise politique est le moment pour lui à la fois d'encercler les autres forces de la bourgeoisie attachées au parlementarisme ( et spécialement le PS ) et de se forger dans le peuple comme parti militant de la nouvelle bourgeoisie. Avant cela, le P.C.F. visait principalement à tenir les ouvriers dans le syndicalisme et à se réserver la politique avant tout dans le cadre parlementaire. La conjoncture a changé. Le P.C.F. a fait son bilan de la crise et de Copernic. Il s'agit désormais de trouver parmi les ouvriers et le peuple ses hommes de main, hommes sans foi ni loi, pratiquant le mensonge, la délation, la terreur et les pogromes. Le P.C.F. appelle les gens à se transformer dans ce sens pour rallier la nouvelle bourgeoisie. Cela est nouveau. Nous parlons certes depuis longtemps de NOUVELLE BOURGEOISIE mais il ne faut pas comprendre cela comme un nom, mais comme un processus politique. Il y a une histoire de cette classe que l'on peut suivre du point de vue des combats politiques, alors que sur le plan économique la nouvelle bourgeoisie ne possèdent pas en France de moyens de production.
        Jusqu'à présent, on connaissait du P.C.F. son caractère contre-révolutionnaire tranché par 68, son projet de capitalisme bureaucratique d'Etat travaillé dans le cadre du programme commun. L'étape est nouvelle pour le P.C.F.: c'est le lien entre l'avenir de la nouvelle bourgeoisie et la question de son parti qui travaille directement. D'où que tout le travail du P.C.F. est orienté pour en faire une force militante de masse. D'où ses capacités nouvelles de critiquer jusqu' au syndicalisme. La nouvelle bourgeoisie se construit en se dotant d'un nouvel outil qui l'arrache à la perspective d'un parti parlementaire éternellement oppositionnel, pour se constituer comme force vraiment alternative, force d'embrigadement et de contre-révolution, force de pouvoir. Il faut bien comprendre cette politique de parti pour répondre à la question: qu'est-ce qui nous renforce ? Limiter la critique du P.C.F. ou la mener à fond ? Pour trancher cela, il faut surtout avoir un point de vue sur le nouveau:
comment le penser et le produire ?

   C) IL FAUT, CONTRE LE P.C.F., PORTER LA QUESTION D'UNE AUTRE POLITIQUE, D'UN AUTRE PARTI:
        C'est ce qui nous permet de ne pas être limité dans la critique du P.C.F.; nous changeons de terrain en nous fondant sur notre liaison de masse. Les " problèmes" dont parle le P.C.F. pour la vie des gens (comme les nazis pouvaient parler de "problèmes" posés par les juifs), ce ne sont pas des problèmes du peuple. Ce sont des problèmes étatiques, des problèmes de bourgeois pour gérer une société impérialiste en crise, pour continuer de faire un peuple divisé et faible.
        Notre travail politique organise l'antagonisme à cette voie. Il affirme d'abord LA FORCE DE LA CONSCIENCE; il faut penser jusqu'au bout ce qu'on refuse, pourquoi on le hait. Il faut aussi réaliser que ce qu'on pense ne nous isole pas face au P.C.F. et à toute la bourgeoisie, mais au contraire nous relie à d'autres, fait force. On peut ainsi penser collectivement et être nombreux. C'est ce qu'on prouvé nos contre-manifestations à Vitry, Montigny... Nous étions en réalité plus que le P.C.F. avec ses commandos. En osant faire confiance à nos idées, notre liaison, on s'organise effectivement et on est une force significative. Il est important d'en avoir conscience. En effet des gens sont tentés de réduire la critique du P.C.F. parce que le P.C.F. intervient dans la vie sociale pour attiser les tensions, s'opposer à la paix entre les gens, entre les familles ou même dans les familles. S'opposer au P.C.F., ce n'est pas se mettre en avant isolément, ce n'est pas non plus mettre de l'huile sur le feu. C'est au contraire ce qui permet de résoudre la crise politique dans le peuple, de former une nouvelle unité en se reliant aux autres.

        Nous affirmons LA NÉCESSITÉ DE L'ORGANISATION:
        C'est pour cela que nous proposons de nouvelles façons de s'organiser. La confiance dans le processus du parti de type nouveau est un point-clef. Sinon on en reste trop souvent à une critique des vieux partis du type: " il ne faut plus de parti". Alors on laisse l'initiative à ces vieux partis. Nous disons qu'il y a du nouveau à produire, que cette entreprise, ouverte par Mai 68, est DÉJA EN COURS avec l' UCFML, avec la construction des noyaux communistes, des C.P.A.C.s, de tout le pôle maoïste. Ce processus du parti de type nouveau, c'est cela la politique maoïste qui travaille à l'unité de la classe ouvrière, du peuple contre la société impérialiste et l'Etat, contre les deux bourgeoisies. Les autres articles de ce numéro développent notre politique, le cadre organisé dans lequel elle se matérialise.
        Contre le P.C.F., on travaille:
   -à une unité de la classe dans les usines avec les noyaux autour des chartes qu'ils construisent.
   -à une unité du peuple avec les C.P.A.Cs pour résoudre ses vrais problèmes, pour refuser l'antagonisme au sein du peuple.
   -au développement d'une intervention dans l'art et la culture contre les 2 bourgeoisies avec les groupes culturels.
   -à l'extension d'une grande force démocratique révolutionnaire anti-raciste avec les Permanences Anti-Expulsion.
   -à la multiplication autour de l'U.C.F.M.L. des initiatives politiques de masse pour s'opposer aux pratiques du P.C.F., pour organiser dans les masses un camp d'ensemble anti social-fasciste.
        Il faut désormais se préparer à lancer de telles initiatives au niveau national d'ensemble.

-----------------------------------------------------------
QU'EST-CE QU'UNE POLITIQUE
DEMOCRATIQUE AUJOURD'HUI
-----------------------------------------------------------

        La crise a aussi fait table rase de ce qui restait du mouvement démocratique -ou mouvement démocratique révolutionnaire -issu de Mai 68.

        Il est cependant erroné de dire, si on veut traiter de ce que serait une politique démocratique aujourd'hui, qu'on part du néant, au vu de la situation actuelle, faite de repli sur soi et d'individualisme soucieux.

        Car on ne part pas de rien, mais précisément de l'échec, du vol en éclat de ce mouvement, dans toutes ses composantes, à l'épreuve de la crise, qui désigne ce qui faisait sa faiblesse interne, et qu'il s'agit aujourd'hui de mettre à jour pour fonder du nouveau.

- I -

"SOUTIEN", MOUVEMENT DES FEMMES,
INTERNATIONALISME: TROIS FINS QUI
POINTENT LA QUESTION DU "SOI".

    -1 ) Fin du soutien et de la "solidarité":

        L'idée et la pratique de la solidarité et du soutien sont issues du mouvement qui en 68 porte les étudiants et la jeunesse aux portes des usines, les jeunes ouvriers aux côtés des étudiants et les lycéens et étudiants aux côtés des ouvriers, dans les affrontements avec la police. Mai 68 est aussi ce qui a fait exister un peuple, une levée et une exigence d'unité et d'identité immédiate, contre le broyage impérialiste gaulliste.
        Le mouvement continue tel quel, dans son unité immédiate jusqu'à la mort de Pierre Overney en 72, qui met durement en lumière l'absence de "direction ouvrière" de ce mouvement, c'est-à-dire son défaut de structuration politique interne. Comme on le sait, le problème de l'émergence d'une force politique ouvrière autonome ne fut pas traité par la Gauche Prolétarienne, qui préféra abandonner et prononça sa dissolution.
        Il persiste alors un mouvement qui n'est plus celui d'une identité politique immédiate, le "un" d'un peuple, mais un mouvement dont l'idée maîtresse est le soutien: Lip, le Larzac... Même si on peut discerner dans ces causes un choix, plutôt le Larzac que le mouvement des foyers à ses débuts, il reste cependant l'idée qu'il y a des causes, ouvrières et populaires, dont il faut être, qu'il faut soutenir. Les "Comités de soutien" de tous ordres fleurissent, matérialisant cette attitude de solidarité: soutien à des grévistes, mais aussi, et surtout, aux prisonniers, aux paysans résistant au nucléaire, aux gens qu'on enferme à l'asile...
        Tout cela s'achève avec la crise -avec les débuts même de la crise. Et on ne peut pas seulement incriminer l'absence de cause à soutenir, la crise politique au sein du peuple, la fin du "mouvement ouvrier". A preuve la faiblesse du soutien au mouvement des foyers. Même si on invoque à juste titre les défauts de la politique du Comité de Coordination des foyers en la matière, il n'empêche qu'existait là un authentique mouvement démocratique révolutionnaire ouvrier, doté de sa propre direction. Nous invoquions aussi pour expliquer cette faiblesse, le fait précisément que le mouvement des foyers était un authentique mouvement de classe; nous aurions pu ajouter: un authentique mouvement de classe à l'époque où les effets de la crise se font déjà sentir. Plus tôt, il aurait sans doute bénéficié d'un autre soutien.

        Avec la crise, plus d'unanimité ni de solidarité immédiate. La logique de classe reprend le dessus. Chacun se retrouve avant tout "de sa classe", et la conscience des différences, de la distance de classe, est plus aigüe que jamais dans la petite bourgeoisie des villes (avec ce qu'elle entraîne d'ignorance, de peur... on y reviendra). Quant à "soutenir" quoi que ce soit, cela n'a à priori aucun principe de réalité: il faut d'abord savoir ce qu'on a soi à voir là-dedans, au nom de quoi soi-même on est impliqué dans telle ou telle affaire, etc...
        Cette tendance, tôt annoncée dans la petite bourgeoisie intellectuelle est tout à fait développée aujourd'hui que la bourgeoisie elle-même fait état de la fin du consensus, parle de "sous-prolétariat", commande des rapports sur la "pauvreté en France", sans oublier Mitterrand commentant à la télévision la bêtise politique des gens sans instruction. La fin de l'idéologie du soutien est en soi une bonne chose. Nous l'avons toujours critiquée, précisément parce qu'elle place "celui qui soutient" en dehors de la question. Nous la critiquions au nom de l'unité de la politique révolutionnaire et opposions à la logique des comités de soutien celle des Comités Populaires Anti-Capitalistes, et plus tard des Permanences Anti-Expulsion, organisations de l'unité pratique entre français et immigrés et de l'anti-racisme actif. Mais cette idée que nous développions de l'unité de la politique révolutionnaire du peuple s'appuyait encore sur le postulat d'une unité populaire initiale, elle présupposait l'existence d'un camp populaire et démocratique réuni a priori, avant la politique, si on peut dire. C'était en somme une fidélité et une proposition de développement conséquent de la levée de Mai 68, contre la version affadie et déviée qu'en donnait l'idéologie du soutien, trahissant l'élan populaire initial pour le réintégrer dans l'ordre de l'assistance impérialiste. Aujourd'hui on l'a vu, plus de soutien ni d'unanimité supposée à laquelle se référer. L'unité possible est celle d'une politique, ou n'est pas. C'est celle d'un camp politique qui n'a aucune réalité à priori, mais qui se trouve regrouper, c'est un trait caractéristique des manifestations appelées par l'UCFML et le pôle maoïste, des gens très divers, dont la présence est pour chacun un résultat, la manifestation d'un choix politique pratique. Chacun est là, si on peut dire, de son fait, et en son nom.

     -2) Fin des pseudo-mouvements propres "d'identification": mouvement des femmes, écologie.

        On dira: si la disparition de ce qui composait le mouvement démocratique conduit à la question de qui était acteur de ces mouvements, de ce qu'on est soi-même en politique, qu'en est-il du mouvement des femmes ? Ne s'agissait il pas là d'affirmer une identité, l'existence des femmes comme réalité et comme force ? Et comment en arrive-t-on aujourd'hui au MLF appelant à voter Mitterrand, aux pleurnicheries télévisées de Mme Bouchardeau, sans compter "le franc-parler d'une femme du peuple" qui va leur dire leur fait à tous ces vilains !, pitreries qui se parent sans protestation de l'étiquette "femmes" -cependant, c'est surtout là un signe sérieux, que personne ne va y voir, "au nom des femmes", quand le P.C.F. fait expulser des femmes de leur logement parce qu'elles sont seules avec leurs enfants -de sorte que les familles immigrées se trouvent en meilleure situation pour affronter les sociaux-fascistes, grâce à la solidarité familiale et aux anti-racistes, que les femmes seules, qui se sentent souvent obligée de céder ou de se justifier devant les calomnies et les insultes.

        En vérité, ce mouvement n'a pas été celui de l'affirmation d'une identité des femmes -ou ce ne fut que très brièvement le cas. Il s'agissait de faire reconnaître par la société existante le label " femmes" , de faire reconnaître, précisément, que le label "femmes" a droit à l'assistance. L'unanimisme de principe du mouvement des femmes, la volonté de parler au nom des " femmes" en général, était le signe qu'on avait déjà renoncé à affronter l'air du dehors pour rentrer frileusement dans le giron de la société impérialiste, et qu'elle veuille bien, elle, nous réunir, et faire quelque chose.


L'absence de participation massive de la petite bourgeoisie intellectuelle
aux campagnes contre l'impérialisme français, un des signes du renoncement
à un point de vue sur l'internationalisme.

L'unanimité, c'est la définition extérieure plus la revendication. Cela a donné quelque chose avec le MLAC. Aujourd'hui, il en va de ce mouvement comme de l'ensemble des entreprises syndicalistes: ce n'est pas le temps de faire recette en réclamant sa part du gâteau ou d'assistance.
        La même conception des choses avait cours chez celles qui semblaient le plus éloignées du style syndicaliste. C'est pourquoi il n'y a pas eu de division significative et porteuse d'avenir dans ce mouvement. L'unanimisme "des femmes" y était aussi la règle, pareillement révélateur d'un assentiment à l'ordre établi concernant les femmes, non pas sous la forme de la demande d'assistance (occupez vous de nous), mais sous la forme de réclamer une prime: nous devons, nous autres femmes, être particulièrement reconnues, nous devons toucher une prime, au moins d'estime, parce que nous existons, nous faisons ceci ou cela, et en plus nous sommes des femmes. Cela nous coûte un effort supplémentaire. Il s'agit là, non plus certes de revendiquer platement, mais de se donner les moyens de monnayer correctement le fait qu'on entérine le statut ancien.
        Nous n'avons pas l'habitude de dire par exemple: c'est un immigré, et en plus il fait de la politique. Il mérite quelque chose. Nous savons de longue date ce que valent, en fait de libération, les organisations précisément dites "immigrées" qui tiennent un tel discours. D'où il ressort, ce serait la leçon, qu'affirmer une identité ne peut pas commencer, en reprenant à son compte, et comme drapeau, le nom générique qu'on a dans la société impérialiste (comme dans le roman de N. Michel "Le repos de Penthésilée", toutes les femmes ensemble, et dans la guerre, ne sauraient être "les femmes" ni "l'armée des femmes". Il leur faut un nom propre, sinon un signe et une mythologie). Une telle dénomination indique qu'il ne s'agissait là que de monnayer une absence d'identité. Une deuxième fois, le mouvement défait reconduit au problème de "soi-même" qu'il masquait. Quel point d'appui aujourd'hui pour du nouveau ? Des prises de position particulières, sur quoi peut être fondé plus tard un débat et des prises de parti. De telles prises de position commencent à se faire jour dans l'art.
        De l'écologie, on dira qu'il s'agit là de l'identification par le truchement d'une cause devenue poussiéreuse. Pourquoi et selon quel processus, il faudrait l'analyser. Malville est en tous cas un moment de rupture, peut-être parce qu'il s'y est avéré que, aux yeux de ceux qui en étaient, cette cause ne valait pas qu'on meure pour elle.

   -3) Fin de l'internationalisme démocratique spontané:

        Non seulement il n'y a plus depuis longtemps de "manifestations démocratiques de soutien internationaliste", mais même l'intérêt pour ce qui se passe à l'étranger a énormément faibli. Là encore, il faut invoquer la fin des références internationales de bon aloi, reconnues par tous -les guerres de libération contre l'impérialisme américain -qui oblige à avoir ses propres références. Et manifestement, des références démocratiques, ou bien il n'y en a pas, ou bien elles ne peuvent suffire à se mobiliser pour des causes apparemment démocratiques: la lutte contre les extraditions par exemple. Tel fut notre bilan des diverses tentatives de mobilisations, qu'il fallait aujourd'hui, pour se mobiliser contre les extraditions d'italiens ou d'allemands, un point de vue sur l'Italie et sur l'Allemagne (on dirait la même chose de l'Irlande, qui suscitait autrefois de grandes mobilisations). Mais il faut demander: d'où viendra ce point de vue, si l'intérêt pour ces situations fait défaut ? Comment rendre compte de ce défaut d'intérêt ? On peut sans doute l'attribuer à l'émergence de la question nationale comme question centrale. On pouvait "soutenir" les guerres de libération nationale du tiers monde: il faut "être partisans" de l'indépendance nationale face aux deux super-puissances, et de ce qu'elle implique. Les tentatives d'affirmation des autres peuples face aux deux superpuissances ne laissent guère d'espace de compagnonnage, et là encore, renvoient à la position qu'on a soi-même sur la question. C'est peut-être pourquoi pour l'instant, beaucoup préfèrent tourner la tête et ignorer avec application le monde extérieur.

- II -
LE "MOI" ACTUEL DES GENS DE
L'EX-MOUVEMENT DÉMOCRATIQUE,
ET SES BALBUTIEMENTS.

        Le retour à soi avait été vanté et semble-t-il dûment préparé dans les années précédant la crise par les chantres de l'individu suivis par les nouveaux philosophes et les tenants des "droits de l'homme". La maison aurait du attendre douillette. Cependant, on n'a eu qu'un repli frileux sur un vide, avec un élément d'inquiétude, de peur crépusculaire, envahissant peu à peu le tableau. C'est qu'il y a eu un télescopage. Les nouveaux philosophes et consorts prônaient le retour à soi du temps du programme commun. Il n'y avait qu'à rentrer au bercail de la démocratie occidentale, protégée, stable, promettant encore à ses enfants des jours tranquilles, y deviser des droits de l'homme: tout cela s'appuyait sur la stabilité politique de la bourgeoisie, que l'Union de la gauche semblait garantir. Le développement politique de la crise, à l'inverse, détruit ce qu'il pouvait y avoir d'identité protégée -le soutien à ceux qui " luttent" ici ou ailleurs, les femmes dans leur identité syndicale, etc..., et ramène à soi en un tout autre sens, qui est de ne permettre d'exister que pour ce qu'on est.
        Les greniers de surcroît ne contiennent pas grand chose. Le legs démocratique est quasi nul: on le voit après Copernic, où les fascistes convoquent le fantôme de l'avant- guerre, comme pour attester que personne n'a souvenir ni bilan de cette période, autre qu'impuissance, et le P.C.F. se dépêche d'enfoncer le clou en lançant, outre son bulldozer, le grand cri de "répartissez-les", sans provoquer sur le champ d'autre réaction que: "VOUS auriez pu vous passer du bulldozer".
        L'entreprise de mise au pas et de laminage de la petite bourgeoisie intellectuelle, amorcée par de Gaulle, a eu des effets: avec la crise et Giscard, la tendance est à l'alignement sur la petite bourgeoisie ancienne, celle des petits commerçants et boutiquiers.


"Nouveaux philosophes" au service
de l'anti-communisme et de l'anti-marxisme.

Le thème cher aux journalistes est celui de la "fin des idéologies". P.C.F. et P.S. poussent aussi dans ce sens. Le P.C.F. de façon évidente, qui passe des revendications et avantages pour tous du Programme Commun à l'essai d'embrigadement dans la défense social-fasciste des privilèges et les promesses, avec le thème de défense de l'école, les diplômes..., d'accéder avec eux à la bourgeoisie. Mais c'est la même chose pour le P.S., qui brandit l'étendard nostalgique, mais en ne gardant du passé de la petite bourgeoisie intellectuelle que la problématique des places stables, des avantages acquis, mais pas une seule idée.
        A partir de là, il y a deux voies:
   -ou bien accepter cette tendance à devenir petits commerçants (mais comment, commerçants en quoi ? ), se cramponner au vide: un signe de cette voie est aujourd'hui, dans certains milieux de la petite bourgeoisie, le déclin de la vie sociale dû à l'impossibilité de toute discussion, dans la mesure où il est essentiel, pour assurer cette voie si on peut dire, qu'il ne puisse y avoir, à aucun sujet, ni vrai ni faux, rien dans aucun domaine qui puisse " tirer à conséquence". Tel est le retour "social" à la problématique de classe.
   -ou bien chercher à exister et se situer soi-même. Il faut être attentif à ce que commence à produire de positif en ce sens la problématique de l'individu, du choix individuel. Le nouveau, comme on l'a vu en revenant sur le passé, passe par là. Le meilleur exemple en est le Manifeste des 51, qui est un engagement pour leur propre compte de ceux qui en sont signataires à faire telle ou telle chose pour s'opposer aux expulsions des jeunes immigrés. Et c'est à double titre que ce Manifeste prend pour référence l'époque de la guerre d'Algérie.
        Le fait que, après l'effritement rapide des idéologies type nouveaux philosophes (on a vu qu'elles n'étaient guère appropriées à la nouvelle situation), ses hérauts les plus à l'affût de la mode cherchent maintenant du côté de l'esprit de résistance, est aussi un indice de ce que les temps changent.
        Cette voie ne saurait être celle d'une fuite de la réalité de classe, laquelle s'impose dans la crise. La crise ne laisse guère de place en dehors ou au dessus de la mêlée. Ce doit être celle de la prise en compte politique des classes: c'est pourquoi, d'une façon ou d'une autre, elle induit le dialogue avec nous. Nous disions à juste titre de la manifestation Marais-Barbès qu'elle avait rassemblé, autour du pôle maoïste, une avant-garde d'interlocuteurs.

- III -
NOS TACHES :
QUELQUES DÉBUTS DE PISTES POUR UNE
POLITIQUE DÉMOCRATIQUE AUJOURD'HUI.

        Notre tâche est de servir de point d'appui dans ce travail de ré-identification. Cela implique d'achever la destruction de l'ancien, quant au rapport du mouvement démocratique à la politique et aux partis. La politique démocratique nouvelle le sera aussi dans son rapport à la question du parti.

   -a) Achever la destruction: la question du parti.

        Le risque de se faire manipuler par les organisations politiques, la crainte d'être "récupéré", est le grand argument de qui déclare que, sinon, il prendrait en main tel ou tel action démocratique. Cette méfiance mérite aujourd'hui d'être discutée en tant que telle - avec ceux chez qui on a lieu à priori de la supposer sincère, ce qui exclut bien sûr les groupes politiques dont toute l'activité consiste à brandir cet argument pour nous interdire la parole et laisser la place aux seuls syndicats et P.C.F., eux-mêmes se sacrifiant pour la bonne cause, aisément.
        Sur quoi se fonde cette méfiance ? Sur l'idée, issue du passé, de l'expérience du P.C.F. en particulier que, à partir du moment où parti il y a, on est forcément derrière ce parti, ou on n'est rien.
        Nous disons que cette conception est celle du Parti-Etat, et qu'elle correspond au marxisme d'avant la Révolution Culturelle. Du temps de Staline, il y avait effectivement le parti et les "sans-parti", sans autre définition que de ne pas en être. Dans cette conception, le terme des masses, du mouvement de masse, n'existe pas: ni non plus celui du communisme, comme processus réel. Il n'y a que l'Etat socialiste. Mao Tsé Toung dit: "Staline n'a pas vu que sans mouvement communiste, il est très difficile d'arriver au communisme". Il déclenche la Révolution Culturelle, qui est une révolution communiste, la première. Nous prétendons quant à nous édifier un parti authentiquement communiste, c'est-à-dire un parti d'après la Révolution Culturelle, un parti qui puisse organiser et structurer le mouvement de masse contre l'Etat qu'il dirige. Un tel parti a besoin de la contradiction en travail entre lui et les masses, ce qui implique que le terme "les masses" existe, soit structuré, ce qui implique aussi que " les masses" reconnaissent un tel parti, le considèrent pour ce qu'il est. Quiconque s'intéresse à la question peut voir que cette problématique est à l'oeuvre dans notre travail d'édification de l'Union: l'U.C.F.M.L., le pôle maoïste, noyaux et C.P.A.Cs, dans le type de rapports politiques que nous avons eu, ou tenté d'avoir, avec le Comité de Coordination, direction du mouvement des foyers... Moyennant quoi, nous ne demandons évidemment pas qu'on nous croie sur parole; mais qu'on ne nous oppose pas à priori la crainte d'être manipulé comme justification pour ne tenter en notre compagnie aucune aventure démocratique: car cela revient à nier volontairement notre projet, à décréter que le marxisme s'arrête définitivement à Lénine et Staline. Ceci n'est finalement que l'argument commun de la télévision et des transfuges professionnels du P.C.F. pour expliquer qu'on ne peut que se rallier à l'une ou à l'autre bourgeoisie.
        Mais à ce point de la discussion, nous devons garder la parole et questionner à notre tour. C'est là que ce débat devient débat de conjoncture.
        A nous de demander: cette idée du Parti-Etat, qu'on prétend soit suivre en abdiquant toute autonomie, soit abandonner pour rentrer chez soi, ne correspond-elle pas à la conception de l'engagement politique qu'a véhiculé et pratiqué jusqu'à présent la petite bourgeoisie intellectuelle ? Deux remarques là-dessus.
        D'une part, que, de la Gauche Prolétarienne aux Brigades Rouges italiennes, il s'agit d'imposer par la force un camp ou un autre. Ou vous êtes avec nous, ou vous êtes avec la bourgeoisie: si vous vous opposez à nous, c'est que vous changez de camp, etc... Cette conception est la plus anti-démocratique qui soit. C'est le parti qui, structurant la discussion au sein du peuple entre le vrai et le faux, entre l'ancien et le nouveau, permet et protège l'existence de courants.
        D'autre part, cette conception de l'engagement politique est celle qui maintient et protège un désengagement fondamental: et c'est pourquoi tant de gens sont si cramponnés au parti de Staline. On "suit" un parti, ensuite on est "déçu", deux faces de la même chose. Nous avons déjà eu pour notre part l'occasion d'éprouver la pression des "démocrates" en ce sens. Les mêmes qui crient partout leur dégoût de l'aliénation militante et leur allergie définitive aux "appareils" sont les premiers, dans certaines circonstances, à nous demander des ordres, et iraient au galop nous chercher des casquettes d'officiers.
        Comme le dit l'intervention centrale de l'U.C.F.M.L. au meeting du 28 Février 1981, nous ne promettons rien. Par conséquent, il n'y a pas lieu de nous suivre, ni d'être déçu par nous. Contre nos propres déviations éventuelles, contre notre propre dégénérescence possible, il n'y a pas d'autre garantie que le travail fait pour que se lèvent dans la politique la classe ouvrière, le peuple, et aussi les démocrates, et la maturité politique sur la question du parti.
        La question de la méfiance envers les appareils politiques et de la manipulation, nous devons aujourd'hui la poser nous-mêmes, comme étant au fond celle du rapport constitué de longue date de la petite bourgeoisie intellectuelle à sa propre responsabilité en politique. II faut détruire "la politique", "le parti", comme gourous ou fantômes servant en fait à perpétuer le désengagement et "l'être-ailleurs" petit-bourgeois. II y avait autrefois collusion d'intérêts entre le P.C.F. et ses démocrates pour maintenir une telle conception des choses. Critiquer cette conception est aujourd'hui nécessaire pour pouvoir, de là où on est, affronter la situation actuelle.

   -b) Prendre l'initiative pour susciter, renforcer et élargir l'avant-garde des interlocuteurs.

        -- COMMENT PARLER DES CHOSES ?
        Le cloisonnement, l'ignorance radicale de ce qui se passe, sont on l'a vu un des traits essentiels de la situation aujourd'hui. C'est particulièrement net dans la région parisienne. Paris ne sait rien de la banlieue, des exactions du P.C.F. casquette Amicale des locataires convoquant les femmes seules et les familles qui "reçoivent trop", aux flics rentrant au petit matin dans les foyers expulser les sans-papiers. La bourgeoisie a l'initiative sur ce qui devient une affaire, comme Vitry , qui apparaît. alors comme une opération politique -ce que c'est pour l'une et l'autre bourgeoisie, mais ainsi est masqué le fait qu'il s'agit aussi d'un épisode spectaculaire d'une politique globale et prolongée.

        Le P.C.F. se sert bien sûr de cette ignorance, de la conscience de cette ignorance, quand il dit: vous ne savez pas quels problèmes nous avons dans les banlieues. Cet argument est destiné à nourrir un vague sentiment de culpabilité et à paralyser ainsi les oppositions. Vieille recette.
        Ceci dit, serait-il utile de raconter ce qui se passe ?
Ce serait plutôt de nature à faire fuir et rentrer encore plus les gens dans leur trou: c'est du moins ce que laisse prévoir l'attitude de ceux des petits bourgeois intellectuels qui habitent la banlieue. Ils sont aux premières loges et en général les derniers à se mobiliser.
        Et c'est logique. Car raconter ce qui se passe, c'est faire appel au sentiment de solidarité, ou plutôt même au soutien, c'est vouloir en revenir à la situation antérieure. Les gens n'en ont plus le moyen, on l'a vu.
        Il faut donc dire, écrire des tracts et des brochures pour dire ce qui est ET ce qu'on en pense, ce qui est ET son sens. Que veut dire l'idée de la répartition de telle ou telle partie de la population ? Qui sont les sans-papiers, que signifie l'irruption des flics à 6 heures du matin pour les sortir de leur chambre et les expulser, que signifient les différentes attitudes face à cela, etc... ? Il en va de même pour les interventions concernant la situation internationale.

        -- IMPORTANCE DE L'ÉTHIQUE:
        Le titre de l'intervention de l'UCFML. au meeting du 28 Février " la politique marxiste comme figure actuelle de la liberté" est un appel à savoir discerner et soutenir les amorces de renouveau de l'éthique, tout en combattant d'entrée de jeu l'enlisement nostalgique (le marxisme partout condamné à mort au titre d'amoral et d'ancien, se trouvant précisément au croisement de l'éthique et de l'exigence d'être "résolument moderne" ).
        D'où la grande importance du débat à propos de l'art, et du travail de Foudre et des groupes culturels. L 'apparition récente de films français traitant du rapport à la société impérialiste (Simone Barbès, le film de Godard), peut être pris par exemple comme un indice aussi de temps nouveaux.
        Mais aussi: être attentif aux formes du débat dans la jeunesse, ainsi qu'à ses lieux; aux préoccupations quant à la science. Et aussi: faire de la conjoncture même dans la petite bourgeoisie intellectuelle, dont nous parlons, un sujet de débat.
        A l'horizon, ou au fond de ces discussions, il y a la question nationale ici. Le thème du pétainisme traîne. Ce sera peut-être ce qui structurera l'ensemble, et notre chemin y conduit peut-être aussi, mais assurément, par le détour du retour sur la guerre d'Algérie.
        Et pour conclure: il faut lancer des appels, sur des affaires particulières, en en ayant donné les attendus et les raisons, en ayant fait propagande. C'est ce qui permet la discussion avec l'avant-garde des interlocuteurs. C'est ce qui permet à tous de voir où on en est, qui prend effectivement parti et pour quoi. Cela permet de cumuler les forces, en établissant un rapport nouveau entre politique démocratique et parti, qui ne soit plus l'asservissement du premier terme au second.


Une campagne démocratique révolutionnaire de notre temps: la manifestation de
Gennevilliers pour la libération de Bouaziz, emprisonné sous dénonciation de la C.G.T.

 

 ç page précédente

Suite è

RETOUR