PROLETARIAT n°6
-Revue théorique et politique marxiste, léniniste et de la pensée - Maotsétoung
-3è trimestre 1974 -
-"Comment édifier le Parti ML"
Luttes de lignes dans l'édification en France
d'un parti révolutionnaire prolétarien
APRES LE 12 JUIN 1968
par Gaston LESPOIR- page 34 .

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Suite è

Nous rappelons les contributions qui ont précédé le présent article ;
DANS NOTRE NUMERO 2 :
L'expérience historique du mouvement ouvrier dans la création et l'édification du Parti révolutionnaire du Prolétariat

DANS NOTRE NUMERO 3 :
L'expérience historique du Parti communiste chinois.

DANS NOTRE NUMERO 5 :
Création en France d'un véritable parti révolutionnaire du prolétariat (pratique et expérience accumulées d'octobre 1983 au 12 juin 1968).

Ce dernier numéro a présenté également différents documents du mouvement marxiste-léniniste en France, dont une " lettre d'André DRUESNES à Maurice THOREZ en date du 28 décembre 1961 " et une déclaration du Comité central du M.C.F. (m.-l.) du 25 juin 1967 " Arborer le drapeau rouge pour lutter contre le drapeau rouge. Qu'est-ce que l'Union des Jeunesses communistes? " 

..... Dix millions d'ouvriers, employés et autres salariés en grève, des milliers d'entreprises occupées par les grévistes, telle était la situation d'ensemble de la France au début de la troisième décade des journées du mois de mai 1968.
..... La première vague des luttes s'était déclenchée le 3 mai, entraînant dans l'action, en moins d'une semaine, la quasi totalité des étudiants, à Paris et dans toutes les villes universitaires.
..... La seconde vague était intervenue dix jours plus tard, à partir du 13 mai, et, cette fois, elle avait mis en mouvement la classe ouvrière.
..... La troisième vague devait intervenir le 23 mai, dans les campagnes, mais les habiles manoeuvres démagogiques du ministre de l'Agriculture, étaient parvenues à diminuer fort efficacement son ampleur.
..... En vérité, dès le 22 mai, les dirigeants révisionnistes, par le truchement du Bureau confédéral de la C.G.T., lancaient à la bourgeoisie une première bouée de sauvetage. Imposant leur point de vue aux dirigeants confédéraux de la C.F.D.T., qui se sentaient, eux aussi, dépassés par les événements, ils publiaient ensemble une déclaration proclamant qu'ils étaient prêts " à prendre part à de véritables négociations sur les revendications essentielles des travailleurs... "

..... Le même jour, à l'Assemblée nationale, le secrétaire général du Parti " communiste " français, Waldeck Rochet, lançait une seconde bouée à la bourgeoisie en perdition : afin de " légaliser " le fait que " le pouvoir gaulliste avait fait son temps, qu'il ne répondait plus aux exigences du moment et devait donc s'en aller, la parole devait être donnée au peuple ". A la violence de classe en plein développement dans tout le pays, le dirigeant révisionniste proposait ainsi de substituer le recours à de nouvelles élections législatives ; il opposait la voie " pacifique " à la voie révolutionnaire.

..... La bourgeoisie capitaliste discerna aussitôt l'avantage décisif qu'elle pouvait tirer de telles propositions avancées et formulées sous le signe de sa propre idéologie et dans le respect de ses institutions de classe. Aussi, dès le 24 mai au matin, quand elle fut assurée que la vague paysanne ne s'était pas déclenchée la veille, elle intervint dans le sens indiqué par les révisionnistes : les services du Premier ministre diffusaient un communiqué invitant toutes les organisations syndicales et professionnelles, c'est-à-dire les confédérations syndicales de salariés, mais aussi le Conseil national du Patronat français, à se réunir le 25 mai 1968 à 15 heures au ministère des Affaires sociales, rue de Grenelle. Immédiatement le Bureau confédéral de la C.G.T. décidait d'accepter cette invitation et de se rendre à la réunion organisée par le gouvernement (voir " Humanité " du 25 mai 1968 pages 1 et 5). On connait la suite ; elle a désormais le caractère historique d'une trahison délibérée des intérêts de classe du prolétariat et des masses populaires de France ; elle aboutit à freiner, puis stopper, enfin repousser le mouvement ouvrier qui avait pris une ampleur susceptible d'imposer des changements révolutionnaires, s'il avait bénéficié de la direction effective d'un Parti révolutionnaire prolétarien, d'un Parti marxiste-léniniste, d'un Parti authentiquement communiste.
..... Du fait que la naissance et le début d'édification du "Parti communiste marxiste-léniniste de France " n'étaient intervenus qu'à peine quelques mois plus tôt, le jeune Parti ne pouvait sérieusement tenir le rôle auquel il était destiné, même si, d'emblée, il se renforçait dans cette tempête.
..... Le 6 juin, sous le titre " Vigilance ", " l'Humanité " lançait de nouvelles attaques contre les grévistes désireux de continuer la lutte, identifiés pour la circonstance à des " groupes gauchistes " dont il fallait " dénoncer partout et sans hésitation l'entreprise de diversion qui pouvait avoir de lourdes conséquences sur l'avenir démocratique et socialiste (!) de la France... ".

..... Le 9 juin, le Bureau confédéral de la C.G.T. agissait dans le même sens et faisait savoir dans un communiqué que " ... Tout appel à la reprise de la grève générale, qui n'avait dans les circonstances présentes aucune justification, devait être considéré comme une provocation dangereuse ne pouvant servir que les ennemis de la classe ouvrière et de la démocratie... " Il " dénonçait l'activité provocatrice des groupements gauchistes et des commandos conduits par des aventuriers... "
..... Le 12 juin marqua alors l'ouverture officielle de la campagne électorale pour le renouvellement des députés à l'Assemblée nationale proposé par le Parti " communiste " français et décidé par le président de la République.

..... Depuis des mois, et plus particulièrement depuis le début des luttes du mois de mai, les dirigeants révisionnistes n'avaient cessé de dénoncer devant l'opinion publique, en direction de la bourgeoisie au pouvoir, et aussi de manière plus concrète aux services de police les activités prétendues aventuristes et provocatrices des groupes baptisés " gauchistes ". L'amalgame avait été opéré entre plusieurs formations étudiantes et les marxistes-léninistes, dans le but évident de discréditer le Parti communiste marxiste-léniniste de France (éditorial de G. Marchais dans l'" Humanité " du 3 mai 1968, par exemple). Le ton n'avait pas cessé de monter et la pression sur le gouvernement s'était progressivement accentuée, en vue de l'amener à déclencher une répression de grande envergure contre ceux qui démasquaient les reniements intervenus sous la baguette du révisionnisme moderne. Ainsi, le 7 juin, le Bureau confédéral de la C.G.T. avait ouvertement reproché à de Gaulle " d'avoir omis de dénoncer les véritables fauteurs de troubles et de provocations dont les agissements, y compris contre la reprise du travail auraient été couverts par une singulière complaisance du pouvoir ".
..... Donnant... donnant. La teneur exacte des conversations secrètes poursuivies avant et en marge des entretiens de Grenelle non entre Pompidou et Séguy, mais entre des personnalités plus effacées, rompues aux négociations les plus discrètes, on a parlé de Chirac et de Krasucki, n'est toujours pas connue de nos jours. Mais naturellement tout porte à penser que la véritable trahison de Grenelle fut perpétrée dans la coulisse lors de ces discussions parallèles. Des commentateurs d'origines diverses, avec qui nous n'avons évidemment rien à voir, tels le journaliste gauchisant Jean Ferniot ou l'historien d'extrême-droite Duprat n'ont pas hésité à révéler que le sort des " groupes gauchistes " avait constitué une monnaie d'échange entre représentants du gouvernement et dirigeants révisionnistes (1).

..... Un autre auteur, Philippe Alexandre fournit, en mars 1969, une étude détaillée sous le titre " L'Elysée en péril ", dans laquelle il exposa " ce qui n'avait pas été dit sur les accords de Grenelle ". Sans s'exprimer de façon aussi précise que ses devanciers, il fit une allusion directe aux exigences de la C.G.T. transmise clandestinement au gouvernement entre le 13 et le 19 mai ; au surplus il expliqua la hâte qu'avait Séguy de voir la Conférence de Grenelle déboucher sur un accord consacrant une défaite des " gauchistes ", quitte à accepter précipitamment le compromis proposé par Pompidou, quand fut connu le succès de la manifestation du stade Charlety. " Le Journal du Dimanche " en date du 30 mars 1969 a reproduit in-extenso la passage du livre de Philippe Alexandre portant sur cette question.

A la conférence de Grenelle, deux négociateurs officiels : Pompidou et Séguy. Mais dans la coulisse, le négociateur le plus actif avait été, avant et pendant les entretiens. Chirac, l'actuel chef du gouvernement qui prépare un nouveau Grenelle " à froid "... Un maître d'œuvre en matière de collaboration de classes, tout comme le Secrétaire général de la CGT, membre du Bureau politique du Parti révisionniste.

..... En tout état de cause, il n'est pas douteux qu'une intervention spéciale, alerta le gouvernement dès que fut connue, dans la matinée du 12 juin 1968, la liste des sept organisations étudiantes interdites. Les mêmes dispositions concernant quatre autres formations, dont le " Parti communiste marxiste-léniniste de France", ne furent en effet rendues publiques qu'avec un retard d'une bonne demi-journée. Comment donc expliquer ce décalage, ce contretemps, comment donc expliquer qu'il y ait eu ainsi deux charrettes successives, et non pas une seule, sinon par le simple fait que la première avait comporté une omission importante ? Et comment expliquer que cette omission ait été le fait du gouvernement alors bien en possession de tous les renseignements nécessaires ?

..... II est parfaitement logique de penser que la bourgeoisie capitaliste " paya " les éminents services que lui rendaient les dirigeants révisionnistes en leur accordant ce qu'ils exigeaient : dans la seconde charrette figurait ce parti créé les 30 et 31 décembre 1967, contre la naissance duquel Rochet, Marchais et Séguy n'avaient rien pu, sinon envoyer un kommando armé qui fut repoussé, et ensuite lancer les injures et contrevérités qui ne traduisirent que leur rage impuissante.

..... Par la suite le ministre de l'Intérieur Raymond Marcellin, ancien récipiendaire de la Francisque de Pétain à Vichy pendant l'occupation nazie et ancien collaborateur du ministre de l'Intérieur social-fasciste Jules Moch, devenu depuis lors célèbre pour ses atteintes aux libertés notamment par l'installation de systèmes d'écoute téléphonique, tenta de justifier les interdictions intervenues devant le Parlement, en sa séance du 14 novembre 1968. II invoqua sans scrupule une loi du 10 janvier 1936. Or cette loi, plus précisément ce décret-loi du Front populaire visait exclusivement les ligues factieuses désireuses d'attenter à la République pour lui substituer, comme en Espagne, en Italie ou en Allemagne, une dictature terroriste ouverte, une dictature fasciste.

..... Le " Parti communiste marxiste-léniniste de France " n'avait jamais proclamé son intention d'instaurer le fascisme, mais tout au contraire celle de conduire la classe ouvrière et le peuple de France à jouir d'une démocratie un million de fois plus démocratique que la démocratie bourgeoise, à savoir la dictature du prolétariat.
..... En vérité, en violant l'esprit même et la lettre d'une disposition légale fort ancienne, puisque datant de la IIIe République alors qu'on en était à la Ve, la bourgeoisie capitaliste, satisfaisant au désir des dirigeants révisionnistes, faisait une double démonstration :
..... 1. Elle contribuait à démasquer devant la masse des travailleurs le fait que le Parti " communiste " français n'était plus qu'un parti social-démocrate à son service et qu'elle lui accordait sa reconnaissance en interdisant le P.C.M.L.F. ;
..... 2. Elle révélait cyniquement qu'elle ne s'embarrassait pas de sa propre légalité et n'hésitait pas à la violer, quand elle l'estimait nécessaire pour la sauvegarde de ses propres intérêts de classe.

CONDITIONS DU PASSAGE DU P.C.M.L.F, DANS LA CLANDESTINITE

..... Est-il besoin d'expliquer qu'un parti communiste authentique peut être proclamé dissous, interdit par la bourgeoisie, mais que cette mesure ne signifie en aucune manière la fin de son activité ? C'est une mesure bourgeoise, il est un parti prolétarien.

..... Nous avons déjà constaté que les partis qui conduisirent les peuples à des victoires révolutionnaires prolétariennes, ou de libération nationale, sont tous passés par des phases plus ou moins prolongées de clandestinité. Tel fut le cas du Parti fondé par LENINE en Russie, tel fut le cas du Parti dirigé par MAO Tsétoung en Chine, tel fut le cas du Parti créé par Enver Hoxha en Albanie, tels furent les cas des partis et fronts anticolonialistes, prolétariens ou non, qui dirigèrent et organisèrent les guerres populaires victorieuses en Indochine comme en Algérie.

..... Nous savons aujourd'hui que le " Parti communiste marxiste-léniniste de France " n'a pas fait exception à ce principe qui découle de l'histoire du mouvement révolutionnaire ; il n'a pas cessé son combat au lendemain de la mesure annoncée par le gouvernement de la bourgeoisie au pouvoir en France (voir " Document " : rapport de police de 1971).

..... Cette réalité ne signifie pas, par contre, que ce jeune parti n'a rencontré aucune difficulté et qu'il a poursuivi son édification suivant un processus rectiligne et facile. Sa mise hors la loi visait à le détruire, elle n'y est point parvenu, même si elle lui a porté des coups et l'a placé dans une situation nouvelle infiniment plus difficile que celle qu'il avait connue jusque-là. Mais n'est-ce point à travers les plus dures épreuves que grandit un véritable Parti communiste ?

..... Les luttes de lignes que nous avons exposées avaient porté sur la question de la rupture avec le Parti révisionniste et sur la création conséquente du nouveau Parti marxiste-léniniste. D'autres luttes se produisirent au-delà du 12 juin 1968, décidèrent de la vie ou de la mort du Parti, traduisirent l'affrontement irréductible entre les deux classes de la bourgeoisie et du prolétariat, entre les deux idéologies bourgeoise et prolétarienne.

..... Au Congrès de Puyricard, nous avons déjà relevé la manifestation de la lutte de lignes, sur quelques points particuliers. Mais il nous faut révéler maintenant qu'à la Commission des Statuts fut en partie battue la ligne prolétarienne défendue par le camarade François Marty.

..... En effet, celui-ci proposa l'adjonction d'un article concernant un passage éventuel du Parti dans l'illégalité, au cas où la bourgeoisie décréterait l'interdiction de son activité publique. Connaissant la biographie de ce militant, ancien commandant F.T.P. et dirigeant de l'école des officiers F.T.P. du Sud-Ouest sous l'occupation hitlérienne, il est facile d'imaginer qu'il savait clairement de quoi il parlait, et ne lançait pas cette suggestion à la légère. L'histoire a d'ailleurs confirmé sa clairvoyance.

..... Malheureusement, en dépit du soutien d'un camarade faisant partie de cette commission, il rencontra l'opposition des autres délégués dont on peut préciser simplement qu'ils furent par la suite d'actifs représentants de la ligne opportuniste de droite et préconisèrent après juin 1968 le plus prompt retour à des formes d'activité légale.

..... Certes, quelques mois plus tard, aux approches de la mesure d'interdiction du 12 juin 1968, les dirigeants du jeune P.C.M.L.F. comprirent bien à quelle situation nouvelle ils allaient devoir faire face. Ils organisèrent la préservation des archives, le retrait des fichiers d'adresses, des listes d'abonnés aux périodiques divers qui pouvaient se trouver dans des locaux qu'allait viser la répression. Ils préparèrent le regroupement de certains militants, en les sélectionnant suivant des critères idéologiques et organisationnels propres à ce qui allait se produire. Ainsi, et non sans que n'apparaissent quelques insuffisances résultant de la totale inexpérience de l'immense majorité des militants, le P.C.M.L.F. se trouva bientôt confronté à son interdiction.
..... Perquisitions, interpellations, surveillances, filatures policières commencèrent immédiatement, révélant toutefois qu'à cette époque les services de police ni disposaient pas de renseignements très: importants.

..... Comment réorganiser les structures du P.C.M.L.F. après ce premier assaut de la bourgeoisie ? La ligne petite-bourgeoise avait empêché que cette éventualité devenue nécessité ne soit explicitement prévue dans les Statuts.

..... C'est pourquoi la direction du Comité central dut recourir non point à quelque improvisation, mais à une décision plus ancienne qui avait été prise lors d'une session du Comité central du Mouvement communiste français (marxiste-léniniste), au cours du second semestre de l'année 1967, juste quelques mois avant la fondation du Parti lui-même.

..... S'il n'est pas opportun de publier cette décision dans tous ses détails, il est toutefois possible d'indiquer qu'elle comportait, ce qui était logique, la mise en place d'une direction clandestine nullement constituée par l'ensemble des membres du Comité central élus lors du Congrès " légal ". Une réunion de travail, ne groupant qu'un nombre restreint de dirigeants, avait eu lieu à ce sujet.

..... Les partis léninistes ont pour devoir de prévoir à l'avance des directions de remplacement, dans le cas où les dirigeants connus, et même clandestins, se trouvent placés soit par arrestation, soit pour d'autres raisons, dans l'impossibilité d'assumer leurs responsabilités. En leur temps, le Parti bolchévik, puis l'Internationale communiste firent de cette disposition une règle impérative.

..... La mise en application de cette juste mesure fut à l'origine des premiers affrontements entre deux lignes, dans la direction du Parti jeté dans l'illégalité.

..... Dès la première semaine suivant le 12 juin 1968, l'élément qui allait plus tard provoquer le putsch et la scission aujourd'hui connue du nom du périodique légal qu'il publia, " Le Travailleur " prit des initiatives en complète opposition avec ce qui était prévu.

..... Sans doute allons-nous apporter d'intéressantes révélations, ici même, à nombre de camarades qui furent victimes en 1970 de l'escroquerie politique de cet individu. Mais nous pouvons le faire sans crainte d'apporter la moindre information nouvelle aux organismes étatiques de l'ennemi de classe, soyons clairs en précisant, à la police, parce qu'elle dispose depuis fin 1968 de tous ces renseignements, nous allons voir pourquoi et comment. Au surplus, et sans que nous ne nourrissions la moindre illusion quant au respect des lois qu'elle décide par la bourgeoisie elle-même, nous pourrons simplement relever que ces faits sont désormais " couverts " par l'amnistie de 1969 (loi du 20 juin 1969).

..... Donc, dès juin et juillet 1968, ce dirigeant organisa une première fraction et tenta de diviser les rangs des militants responsables chargés de transformer les structures du Parti pour les adapter aux conditions nouvelles.

..... En coopération avec une militante qui fut bientôt exclue pour activité fractionnelle et propagation d'information mensongères hostiles à la nouvelle direction centrale, il lança presque ouvertement une feuille intitulée (déjà !), " Le Travailleur ".

 

..... Partisan, comme les trotskistes, d'adopter dans la pratique une ligne " légaliste ", agissant exactement comme si n'était pas intervenue la mesure d'interdiction, ce curieux dirigeant, sans consulter qui que ce soit, se rendit chez un imprimeur, lui passa commande de quelques milliers d'exemplaires de son nouveau " journal " dont le contenu rédactionnel n'était en fait composé que d'un seul et unique article, assez long il est vrai, dû à sa seule plume, sans qu'aucun contrôle politique collectif n'en ait été assuré.

..... La comparse de ce militant se répandit alors en ragots, assurant à tout militant qu'elle pouvait rencontrer que " les autres dirigeants avaient disparu, qu'ils se planquaient parce qu'ils avaient la trouille, et qu'en définitive la direction était coupée en deux, les durs et les froussards ".

..... Naturellement, ce qui devait arriver se produisit bientôt. A la suite de quelques filatures et après une simple visite d'enquête chez l'imprimeur qui avait édité l'article (sans en assurer le dépôt légal), les forces de répression effectuèrent une perquisition chez le militant en question, l'interpellèrent, le questionnèrent. II accepta aussitôt de répondre, reconnut être l'auteur de l'article et le client de l'imprimeur (qui avait déjà donné son nom aux policiers), invoqua naïvement sa liberté d'expression, et finit par discuter longuement, selon ses dires, avec un fonctionnaire de la D.S.T., qui s'intéressait aux questions de " la philosophie " !!!

..... Informés de ces faits, les responsables du Parti s'efforcèrent de recueillir le maximum de renseignements, brisèrent promptement la tentative fractionniste en cours et après avoir établi le rôle assez trouble de la complice déjà mentionnée, prononcèrent son exclusion. Induits en erreur à cette époque sur le rôle exact tenu par le futur scissionniste et désireux de combattre sa tendance au légalisme " en guérissant la maladie pour sauver l'homme ", ils n'envisagèrent aucune sanction contre lui. Sa comparse rédigea un document fort long vers la fin de l'année, après avoir lancé de multiples mises en demeure comminatoires de contenu essentiellement petits-bourgeois à l'endroit de la direction centrale du Parti clandestin. Elle fut perquisitionnée et interpellée au mois de décembre, et, les services de police découvrirent chez elle le double de son texte vengeur dans lequel elle traitait, sans nulle précaution aucune, des dispositions et initiatives prises pour transformer les structures du parti légal en parti clandestin. Elle désignait aussi les dirigeants alors responsables de cette tâche sous des artifices si peu sérieux qu'ils étaient immédiatement identifiables. Ainsi les forces de répression, très pauvres au début en matière de renseignements, commençaient-elles à réunir des indications précieuses pour développer leur activité contre le jeune P.C.M.L.F.

..... Ainsi, dès les premiers mois de son illégalité, le P.C.M.L.F. fut-il victime, très gravement, des représentants de la ligne et de l'idéologie bourgeoise dans ses propres rangs.

..... Cependant cette militante sans expérience et si dangereuse de par l'idéologie qu'elle révéla n'était pas au courant de tous les secrets du Parti, et ne disposait pas de la majorité des contacts au niveau central. C'est ce qui permit la mise en œuvre des décisions arrêtées et l'organisation des nouvelles structures, suivant le principe des triangles et selon une conception dite pyramidale.

LUTTE DE LIGNES AUTOUR DU RALLIEMENT DES ANCIENS MILITANTS DE L'U.J:C. (M.-L.)

..... Or, dès les premiers jours de juillet 1968, de nombreux étudiants qui avaient appartenu à l'organisation dont nous avons déjà longuement parlé, l'Union des Jeunesses communistes (marxiste-léniniste) s'efforcèrent d'entrer en relation avec le P.C.M.L.F. devenu clandestin pour lui donner leurs adhésions.

..... Leur organisation s'était complètement discréditée pendant les événements de mai et juin et 80 % d'entre eux la rejetaient, sous des formes diverses relevant la plupart du temps d'une idéologie non moins petite-bourgeoise que celle des dirigeants qu'ils critiquaient à juste titre. Nombre de ces ex-U.J. souhaitaient ouvertement (et naïvement) pénétrer dans le Parti " pour en prendre la direction " !

..... Des tendances apparurent, des regroupements provisoires, sur la base " d'unités " qui correspondaient souvent à telle ou telle autre faculté, à Paris, à telle ou telle autre université en province. Des textes de " grande critique " furent élaborés et mis en circulation à travers la France.

..... Fallait-il que le P.C.M.L.F. se désintéresse de ces jeunes militants ?

..... Fallait-il qu'il leur oppose ce que MAO Tsétoung a qualifié " d'attitude sectaire de la porte close " ? Fallait-il qu'il les accueille avec un empressement opportuniste, en oubliant délibérément et de manière libérale, leur origine idéologique et politique ?

..... Le camarade Enver HOXHA, Premier secrétaire du Parti du Travail d'Albanie, fit, le 26 juin 1968, un très important discours devant les jeunes Albanais volontaires, pendant leurs vacances scolaires ou universitaires, pour participer à la construction de la ligne de chemin de fer reliant Roogozhina et Fieri.


Affiche centrale éditée par le PCMLF clandestin

..... Grâce aux camarades belges, et particulièrement à leur organe central " Clarté " les dirigeants du P.C.M.L.F. purent étudier attentivement ce discours d'un marxiste-léniniste éminent. S'il n'était certes pas question pour eux de rechercher dans l'analyse présentée à l'intention de la jeunesse d'un peuple frère les " solutions-miracle " qu'ils devaient mettre en œuvre, il n'en restait pas moins que les appréciations portées par Enver HOXHA revêtait légitimement à leurs yeux une portée à ne pas méconnaître dans la mesure où le dirigeant albanais évoquait les luttes menées par la jeunesse dans l'ensemble de l'Europe occidentale. Après avoir traité des problèmes spécifiques des jeunes dans les pays dominés par le révisionnisme moderne, l'orateur avait déclaré :

..... " ... Les manifestations des étudiants dans les pays capitalistes ont un autre caractère. Elles sont plus révolutionnaires. Les étudiants se sont dressés en de puissantes manifestations contre le pouvoir capitaliste de leur pays. Ils ont été frappés, ils se sont battus avec la police, ils ont dressé des barricades, ils ont attaqué, ils ont été blessés et tués. De leur côté ils ont blessé, mis en sang et tué des policiers.

..... " En France, ils ont mis en branle la plus grande grève des ouvriers, se sont solidarisés avec eux, ont secoué jusque dans ses fondements le gouvernement de ce pays que l'on prétendait fort, mais qui fut obligé de mettre en mouvement l'armée autour de Paris, de changer certains ministres, de dissoudre l'Assemblée nationale, de décider de nouvelles élections, etc.

..... " Indépendamment des raisons qui ont poussé les étudiants à manifester, et ces raisons sont diverses - scolaires, économiques, politiques, idéologiques, universitaires -, ces luttes ont prouvé une fois de plus que si la jeunesse prend conscience elle devient une force militante audacieuse. Les différents courants qui l'ont influencée au début ne se distinguaient pas clairement. Si l'on en juge en général par les informations publiées, c'est un fait que les partis politiques, en particulier en France, ont été pris au dépourvu par cette affaire, et que les révisionnistes français, avec les réactionnaires, ont ouvertement attaqué et discrédité les étudiants qui manifestaient contre le pouvoir.

..... " L'important c'est que des manifestations analogues ont eu lieu en République fédérale allemande, en Espagne, en Italie, en Angleterre, en Belgique, en France, en Yougoslavie, en Turquie, en Amérique latine, etc. Indépendamment de la diversité des opinions et des vues politiques qui règnent dans leurs rangs, un fait est visible : tous attaquent les pouvoirs d'Etats capitalistes établis.

..... " Ces manifestations sont les premières tentatives, le début du goût et de l'emploi de la violence révolutionnaire contre la violence bourgeoise-fasciste. C'est ici, dans ces moments et dans ces foules courageuses de jeunes que doivent pénétrer les nouveaux partis marxistes-léninistes, nos camarades révolutionnaires, pour travailler et combattre avec eux, pour les éclairer et les guider... " (Discours intégralement retransmis par l'Agence télégraphique albanaise en date du 29 juin 1968, depuis Tirana, republié dans un numéro spécial de " Clarté " sous le n° 28 bis en date du 17 juillet 1968. Traduction provisoire non revue).

..... Notons au passage que ce discours a été publié parmi les textes d'Enver HOXHA présentés par Gilbert Mury chez Maspero sous le titre " Face au révisionnisme ". Mais, comme par hasard, la dernière phrase y a été amputée d'un simple mot, le mot " partis " et cela donne : " C'est ici - dans ces moments et dans ces foules courageuses de jeunes gens - que doivent pénétrer les nouveaux marxistes-léninistes... " (voir p. 98, § 5). C'est là, de la part de ce curieux publiciste, une intolérable déformation de la juste position exprimée par l'éminent marxiste-léniniste Enver HOXHA et nous nous devions de la dénoncer publiquement. De tels agissements permettent de poser avec fermeté la question " Qui est Mury ? Quelle idéologie et quelle politique sert-il vraiment en se drapant hypocritement dans les plis du drapeau rouge ? ".

..... Les dirigeants du P.C.M.L.F. engagèrent quelques discussions avec des représentants de deux tendances de l'ex-U.J.C. (m.-l.) - le préfixe " ex " n'ayant pas ici pour objet de souligner sa mise hors la loi par la bourgeoisie, mais seulement sa propre désagrégation interne. Ils rencontrèrent successivement des militants de la tendance " de Lyon " et de la tendance " de Toulouse ", et leur firent connaître d'emblée que le Parti n'accepterait pas de ralliement par groupe, s'en tenant à des adhésions individuelles. Certains se soumirent immédiatement à cette exigence, ceux de la tendance " de Toulouse " en particulier.

..... D'autres essayèrent d'engager des discussions à n'en plus finir, exigeant des engagements et d'interminables explications de la part de leurs interlocuteurs du Parti, et se répandant au quartier latin, ou dans quelques grandes villes, pour se vanter de l'établissement de leurs contacts avec les dirigeants du Parti. Aussi, bientôt, c'est-à-dire vers la fin septembre ou courant octobre, la direction du P.C.M.L.F. mit fin à ces rencontres et rédigea le texte d'un engagement solennel préalable que devait souscrire tout militant issu de l'ex-U.J.C. (m.-L) postulant son admission dans les rangs du P.C.M.L.F.

..... Cet engagement concernait les principes idéologiques et organisationnels d'un parti de type nouveau, tels que les statuts votés à Puyricard les contenaient pour en faire la loi de tout le Parti. Peu de temps après, quelques membres de la " tendance de Lyon " qui voulaient forcer l'entrée du Parti sans s'incliner devant son exigence, adressèrent à sa direction un texte élaboré par eux pour lui soumettre leurs idées. Les dirigeants du P.C.M.L.F. répondirent à cette démarche en critiquant plusieurs passages de ce document, maintinrent leur position initiale, acceptèrent les adhésions individuelles de ceux qui se proclamèrent décidés à accepter la discipline du Parti, eurent à intervenir auprès de certaines cellules parisiennes pour leur enjoindre de rejeter certains éléments qui tentaient de s'y infiltrer (2), notamment dans le XIVe arrondissement de Paris, et communiquèrent à l'ensemble des organisation du Parti la circulaire de février 1969, dont on pourra lire quelques extraits dans la rubrique " Documents ".

..... Ces quelques indications ont pour objet de mettre un point final aux rumeurs incontrôlées et toujours hostiles, qui ont pu circuler depuis quatre années dans les rangs de tous les groupes plus ou moins appliqués à tenter de discréditer le P.C.M.L.F. en lançant contre lui différentes accusations, celle de libéralisme vis-à-vis de l'U.J.C. (m.-I.) n'étant pas la moindre. Au surplus, l'article " En avant, camarades ! Nous vaincrons ! " publié sur le même sujet dans le numéro 3 de l'" Humanité nouvelle " clandestine, édité et diffusé vers la même époque (1er trimestre 1969) pourrait édifier dans le même sens le lecteur intéressé par cette question.

..... En rendant publiques ces précisions, nous avons surtout pour souci de montrer combien la lutte entre deux lignes au sein du mouvement se réclamant du marxisme-léninisme et de la pensée-maotsétoung, et même, dès cette époque, dans les rangs du Parti lui-même, ne s'était point atténuée avec la mise en vigueur du décret d'interdiction pris par la bourgeoisie le 12 juin 1968. Les imprudences, les fanfaronnades, les prétentions infantiles à conquérir la direction du Parti, la pratique forcenée du ragotage, dans un premier temps, puis de la calomnie ensuite témoignaient de l'inévitable et radicale lutte qui opposait idéologie bourgeoise et idéologie prolétarienne dans la question capitale de l'édification du Parti révolutionnaire prolétarien, du " Parti communiste marxiste-léniniste de France ". 

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